Paroles de réfugié : dix ans après, "personne n'a gagné la guerre en Syrie"

Paroles de réfugié : dix ans après, "personne n'a gagné la guerre en Syrie"
Tous droits réservés euronews
Par Anelise Borges
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Dorado Jadiba, danseur syrien installé en France depuis 2018, nous raconte son périple pour venir en France, pays de ses rêves, après avoir été blessé lors d'un bombardement à Damas.

PUBLICITÉ

La guerre en Syrie a causé le déplacement de la moitié de la population du pays. Ils sont des millions à avoir franchi les frontières pour échapper aux violences, aux mutilations et à la mort. En dix ans, on estime qu'1,4 million de Syriens ont rejoint l'Union européenne. C'est le cas de Dorado Jadiba, un jeune homme de 31 ans qui vit en France depuis 2018.

"Quand je suis arrivé à Paris, j'ai marché pendant huit heures, sans m'arrêter," raconte Dorado. "Je n'arrivais pas à réaliser, je me disais : est-ce que je suis vraiment en France ?" se souvient-il alors qu'en tant que danseur, il avait toujours rêvé de se produire dans ce pays.

"Mourir ou partir"

Dorado Jadiba a dû emprunter une longue route pour trouver la sécurité. Il a quitté sa ville de Damas, la capitale syrienne, peu après le déclenchement du conflit.

"Dans mon quartier, [ndlr : le camp palestinien de] Yarmouk, un avion est arrivé et a largué une bombe," indique-t-il. "Quand elle a touché le sol, ça a fait "wou" et il y a eu un projectile que j'ai reçu juste à côté de ma colonne vertébrale : j'en ai un dans le dos et un dans la cuisse," précise-t-il avant d'ajouter : "Qu'est-ce que je pouvais faire ? Je n'avais pas le choix : c'était mourir ou partir."

Plusieurs fois refoulé aux frontières de l'UE

Blessé par des éclats d'obus, Dorado Jadiba a alors entamé un périple qui l'a fait passer par le Liban, l'Iran, la Turquie et la Grèce où il est resté deux mois dans un camp avant d'être refoulé par des gardes-frontières à plusieurs reprises.

"Je suis entré en Croatie et la police croate m'a renvoyé en Serbie," indique-t-il. "À ce moment-là, j'étais perdu, je ne savais pas quoi faire ; alors je suis entré en Bosnie, puis à nouveau en Croatie et là, je suis allé en Slovénie," dit-il. "Les policiers en Slovénie m'ont demandé : Est-ce que tu veux être un réfugié chez nous ? J'ai dit : Non, je veux aller en France ; donc là, ils m'ont ramené en Croatie et les Croates m'ont ramené encore en Serbie," énumère-t-il.

euronews
Dorado Jadiba lors d'une répétition d'un spectacle de danseeuronews

Pendant le voyage de Dorado Jadiba, son pays s'enfonçait un peu plus dans la guerre. Des initiatives lancées par la Ligue arabe aux discussions négociées par la Russie, l'ONU et le Kazakhstan, de multiples tentatives pour trouver une issue au conflit ont échoué au cours des dix dernières années alors que le bilan n'a cessé de s'alourdir pour atteindre des centaines de milliers de morts.

"Personne n'a gagné cette guerre"

La Syrie est aujourd'hui, un pays divisé entre une zone contrôlée par le régime au sud, un territoire administré par les Kurdes à l'est et des poches de résistance des rebelles, notamment soutenus par la Turquie au nord.

L'homme qui cristallise les oppositions semble inamovible, renforcé par les alliances complexes qu'il a nouées avec des nations étrangères prêtes à lui demander des comptes pour l'avoir soutenu pendant des années de guerre. Mais le président syrien Bachar el-Assad est toujours là contrairement aux dirigeants tombés dans le sillage du printemps arabe.

Peut-il pour autant revendiquer la victoire ? Pour Dorado Jadiba, la réponse est claire : "Personne n'a gagné cette guerre," estime-t-il. "On a perdu beaucoup de choses : moi, j'ai perdu de nombreux amis et mon cousin, toutes les familles syriennes ont perdu quelqu'un," fait-il remarquer.

Même s'il déplore le racisme auquel il se dit confronté en France, le jeune homme affirme que "ce pays lui a ouvert les bras dès le départ" et qu'il a rencontré des gens qui l'ont soutenu. Il vient de terminer une formation professionnelle en éducation physique. Il dit "espérer qu'un jour, quand il aura rendu à la France ce qu'elle lui a donné, les Français disent de lui : C'est l'homme qu'il fallait à notre pays."

Journaliste • Anelise Borges

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

L’UE renouvelle son engagement auprès des Syriens

Dix ans de guerre en Syrie : un peintre réfugié en Belgique raconte son "Guernica" syrien

Dix ans de conflit en Syrie : la version d'un ex-combattant rebelle