Allemagne : la justice reconnaît pour la première fois le génocide des Yézidis

Les juges de la Haute Cour régionale de Francfort ont condamné le djihadiste irakien, Taha Al-Jumailly, 29 ans, à la perpétuité pour "génocide" de la minorité yézidie.
Les juges de la Haute Cour régionale de Francfort ont condamné le djihadiste irakien, Taha Al-Jumailly, 29 ans, à la perpétuité pour "génocide" de la minorité yézidie. Tous droits réservés Frank Rumpenhorst/(c) dpa-Pool
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Par euronews avec AFP
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La justice allemande a condamné à la perpétuité un djihadiste irakien pour "génocide" de la minorité yézidie, une première au monde et un verdict crucial pour la reconnaissance des exactions commises contre cette communauté kurdophone par l'organisation Etat islamique (EI).

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La justice allemande a condamné à la perpétuité un djihadiste irakien pour "génocide" de la minorité yézidie, une première au monde et un verdict crucial pour la reconnaissance des exactions commises contre cette communauté kurdophone par l'organisation Etat islamique (EI).

C'est la première fois qu'un tribunal juge que ces massacres relèvent du "génocide", déjà reconnu comme tel par des enquêteurs de l'ONU.

Les juges de la Haute Cour régionale de Francfort ont reconnu Taha Al-Jumailly, 29 ans, "coupable de génocide, de crime contre l'humanité ayant entraîné la mort, de crimes de guerre et de complicité de crimes de guerre" notamment.

Aujourd'hui est un jour historique pour l'humanité. Le génocide des Yazidis entre enfin dans l'histoire du droit pénal international.
Natia Navrouzov
Avocate et membre de l'ONG Yazda

La lecture du verdict a été brièvement interrompue après que le condamné, qui a suivi les débats avec un interprète, eut perdu connaissance.

Taha Al-Jumailly, qui avait rejoint les rangs de l'EI en 2013, a été reconnu coupable d'avoir durant l'été 2015 à Falloujah, en Irak, laissé mourir de soif une fillette yézidie de cinq ans qu'il avait avec sa mère "achetée comme esclave", selon l'accusation.

Pour ce forfait, son ex-épouse Jennifer Wenisch, 30 ans, a déjà été condamnée à dix années de prison le mois dernier pour "crime contre l'humanité ayant entraîné la mort" de l'enfant.

- "Jour historique" -

Ce verdict était très attendu par la communauté aujourd'hui décimée. "Aujourd'hui est un jour historique pour l'humanité. Le génocide des Yazidis entre enfin dans l'histoire du droit pénal international", a indiqué à l'AFP Natia Navrouzov, avocate et membre de l'ONG Yazda qui rassemble les preuves des crimes commis par l'EI envers les Yazidis.

"Nous veillerons à ce que d'autres procès comme celui-ci aient lieu", a-elle ajouté.

Amnesty International a également salué dans ce verdict "un signal contre l'impunité" qui "jette les bases d'autres procès".

La mère de la petite fille, Nora B., a raconté à la barre le calvaire enduré par son enfant, "attachée à une fenêtre" à l'extérieur de la maison par des températures "pouvant aller jusqu'à 50°", selon le parquet.

Taha Al-Jumailly, aujourd'hui âgé de 29 ans, entendait punir la fillette pour avoir uriné sur un matelas.

- Multiples viols -

La mère a témoigné avoir été violée à de multiples reprises par des djihadistes de l'EI après qu'ils eurent envahi son village des monts Sinjar, dans le Nord-Ouest de l'Irak, en août 2014.

La minorité ethno-religieuse yézidie a été particulièrement persécutée par l'EI qui a réduit ses femmes à l'esclavage sexuel et tué des hommes par centaines.

Nora B. est représentée par trois avocats, dont la Libano-britannique Amal Clooney. Celle-ci est à la tête - avec le Prix Nobel de la Paix 2018, Nadia Murad, ancienne esclave sexuelle de l'EI et originaire du même village que la victime - d'une campagne pour faire reconnaître ces crimes comme un génocide.

Pour juger cet Irakien, arrêté en Grèce en 2019, l'Allemagne applique le principe de la "compétence universelle" qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs d'infractions les plus graves même quand elles ont été commises hors du territoire national.  

Ce procès envoie donc "un message clair : peu importe où les crimes ont été commis et peu importe où se trouvent les auteurs, grâce à la compétence universelle, ils ne peuvent pas se cacher", insiste Natia Navrouzov.

L'Allemagne, où vit une importante diaspora yézidie, est l'un des rares pays à s'être saisi judiciairement des exactions commises par l'EI contre cette minorité.

Avec ce jugement, la justice allemande a déjà prononcé six condamnations pour crimes contre l'humanité ou complicité de crimes contre l'humanité pour des faits en lien avec les Yézidis.

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A partir de la fin janvier, une "revenante" de l'EI, partie en Syrie à l'âge de 15 ans, doit également comparaître en Allemagne pour notamment s'être rendue complice de "l'achat" d'une Yézidie de 33 ans.

Une équipe d'enquête spéciale de l'ONU avait annoncé en mai avoir recueilli la "preuve claire et convaincante" qu'un génocide a été commis par les djihadistes contre les Yézidis.

Nadia Murad avait alors réclamé au Conseil de sécurité de saisir la Cour pénale internationale ou de créer un tribunal spécifique pour le "génocide" commis contre sa communauté.

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