La France investit-elle moins dans la justice que ses voisins européens ?

Les professionnels de la justice français se rassemblés à proximité du ministère de l'Economie et des Finances à Paris, le 15 décembre
Les professionnels de la justice français se rassemblés à proximité du ministère de l'Economie et des Finances à Paris, le 15 décembre Tous droits réservés ALAIN JOCARD/AFP or licensors
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Par Maxime Bayce
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Des milliers de magistrats, de greffiers mais aussi d’avocats étaient en grève ce mercredi en France. Ils manifestaient contre le manque de moyens que subissent leurs professions. La justice française est-elle vraiment l'une des plus "pauvres" d'Europe ?

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Des milliers de magistrats, de greffiers mais aussi d’avocats étaient en grève ce mercredi en France. Ils manifestaient contre le manque de moyens généralisés que subissent leurs professions. La France, pourtant l’un des pays les plus riches d’Europe, est-elle réellement l’un de ses plus mauvais élèves lorsqu’il s’agit d’investir dans la justice ?

La lettre publiée dans le quotidien Le Monde a servi de détonateur. Un appel signé par près de deux tiers des magistrats et 1 500 personnels du greffe qui dénonce le "mal être" et la "perte de sens" de ceux qui travaillent pour rendre la justice.

Premier grief fait à l’exécutif français : le manque de moyen flagrant dans les tribunaux français. Pas d’imprimantes, des ordinateurs vétustes, du personnel en sous-effectif... la justice française est à bout. Qu’en est-il si elle se compare avec ses voisins européens ?

L'Allemagne au premier rang

Pays régulièrement cité comme beaucoup plus efficace dans sa gestion de ses services publics, l’Allemagne l’est également lorsqu’il s’agit de justice.

Selon la base de données de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), une structure de l’UE qui évalue tous les deux ans le fonctionnement des systèmes judiciaires, la France est largement derrière son voisin, et ce qu’importe le critère retenu.

Pour 100 000 habitants, l’Allemagne comptait en 2018 – derniers chiffres remontés par la CEPJ – 24,5 juges professionnels alors que la France n’en dénombre que 10,9, soit presque le double Outre-Rhin.

La proportion reste la même en ce qui concerne les procureurs, les avocats (199 contre 100) et les personnels non-juges dont les greffiers font partie.

Budget deux fois supérieur

De même, le budget global de fonctionnement de la justice est largement inférieur en France. En 2018, la Chancellerie a dépensé 69,5 euros par habitant pour son fonctionnement quand, dans le même temps, l’Allemagne en dépensait 131,2.

Le résultat de ce manque d’investissement, dénoncés par les personnels en grève ce mercredi, est un allongement sans fin des délais de jugement. Alors qu’un dossier, en première instance au civil, est clôturé en 219 jours en moyenne outre-Rhin, le délais s'étire à 420 jours en France.

Mais la comparaison devient encore plus gênante pour les autorités françaises lorsque l’on se tourne vers l’Italie.

Justice italienne mieux lotie

Le pays, pourtant moins généreux en matière de politique de santé ou d’éducation, est largement devant la France lorsqu’il s'agit de justice.

Près de 83 euros y sont dépensés chaque année par habitant, 14 euros de plus que ce que s’autorise la place Vendôme.

Un écart sensible existe également lorsque l’on regarde le nombre de professionnels de justice pour 100 000 habitants. il y a, en Italie, davantage de juges, de procureurs etc. et surtout beaucoup plus d’avocats. Le pays compte 388 avocats pour 100 000 habitants contre à peine 100 en France.

Des investissements qui n’empêchent toutefois pas la justice italienne de crouler sous les dossiers. Selon le rapport de la Commission européenne, il faut 527 jours en première instance civile pour juger une affaire, 100 jours de plus qu’en France.

Derrière la moyenne européenne

Espagne ou Belgique... les autres pays aux PIB par habitant proches de celui de la France sont globalement devant s'agissant de l’ensemble des critères. En réalité, il faut chercher du côté du Royaume-Uni pour trouver un pays où les métiers de la justice sont aussi peu représentés - à peine 3 juges pour 100 000 habitants et ce malgré un budget légèrement supérieur.

Et lorsque l’on observe la moyenne européenne, le constat n’est guère plus flatteur.

Si l’investissement par habitant dans la justice française est légèrement au-dessus de la moyenne continentale – 59,51 euros – le pays se trouve très loin derrière s’agissant du personnel. Encore une fois, les juges hexagonaux apparaissent en sous-effectif chronique; leur nombre étant 7 points inférieur au reste de l’Europe.

A noter que sur ce critère, même la Pologne ou la Roumanie, aux PIB par habitant très inférieurs, font mieux que la deuxième puissance économique européenne.

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Satisfecit du ministre

Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, interpellé par les organisations syndicales de la magistrature a néanmoins tenu à défendre son bilan, vantant le budget "historique" pour la justice qui a connu deux hausses successives de 8% ces deux dernières années.

Il a également annoncé ce lundi l'augmentation du nombre de places au concours de l'Ecole nationale de la magistrature pour permettre l'arrivée de 380 auditeurs de justice dans les juridictions dès 2023, ainsi que la pérennisation de quelque 1 400 postes créés dans le cadre de la justice de proximité.

Pas sûr que cela suffise pour calmer des milliers de grévistes au bord du point de rupture.

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