"Mettre MBS et Macron dans l'embarras, c'est déjà une victoire" | trois questions à Agnès Callamard

Agnès Callamard
Agnès Callamard Tous droits réservés Benoit Tessier / AP
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Par Margaux RacaniereGaël camba
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"On n'est pas obligés de recevoir les dirigeants accusés de crime sur un tapis rouge". Pour Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International, les plaintes déposées contre le prince héritier permettent de lutter contre l'impunité.

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La très longue poignée de main échangée entre le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président français Emmanuel Macron ne laissait plus de place au doute. "MBS" est de nouveau fréquentable. Mais plusieurs associations de défense des droits de l'Homme rappellent son rôle direct dans l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Deux d'entre elles ont déposé plainte pour complicité de torture.

Pour Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International et ancienne rapporteuse de l'ONU en charge de l'enquête sur Khashoggi, cette démarche permet au moins de mettre une pièce à l'édifice de la justice internationale.

Les plaintes peuvent-elles aboutir à une condamnation ?

Agnès Callamard : "Est ce qu'elles vont aboutir au prince héritier devant des juges français ? Non, je pense que ce n'est probablement pas réaliste.

Mais par contre, cela peut permettre une meilleure compréhension des crimes commis par le prince Mohammed ben Salmane. C'est un défi qui est lancé à la justice française. Est-ce qu'elle va y répondre ? Je ne sais pas. Mais le fait qu'on puisse mettre ce procès devant cette justice, c'est déjà, pour moi, quelque chose de très bien.

[...] Amnesty International ne fait pas partie de ce procès. Mais nous soutenons toujours l'utilisation de la de la juridiction universelle* pour pour faire aboutir une meilleure lutte contre contre l'impunité."

*la juridiction universelle ou compétence universelle est la capacité pour un état à condamner un crime commis en dehors de son territoire, par une personnes étrangère et sans être lui-même la victime de l'infraction.

Peut-on vraiment condamner un chef d'État comme Mohammed ben Salmane?

"La juridiction universelle fonctionne. Peut être pas au niveau de Mohammed ben Salmane, mais elle fonctionne à d'autres niveaux. Récemment, la Suède a déclaré un Iranien responsable de crimes commis en Iran.

En Suède tout comme en Allemagne, des membres de cellules de l'État islamiste ont été trouvés responsables eux aussi de crimes, de crimes de guerre ou de même de contribution à crime contre l'humanité."

Emmanuel Macron n'est-il pas obligé de maintenir des relations diplomatiques avec l'Arabie saoudite ?

"Bien sûr, il faut maintenir des relations avec des dirigeants responsables de crimes afin de prévenir le pire.

Mais ça ne veut pas dire qu'on doit les recevoir avec tapis rouge. Ces relations diplomatiques peuvent être maintenues par des coups de téléphone, de façon discrète. Elles peuvent même être maintenues par certains communiqués de presse.

Mais n'allons pas jusqu'à les recevoir de cette façon-là. On a l'impression que Monsieur Macron se fait l'avocat de tous les pires dictateurs du monde à l'heure actuelle. Il est quand même le président d'un pays qui jusqu'à présent, était reconnu comme étant la terre des droits de l'Homme."

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