A Giens, les migrants de l'Ocean Viking contrôlés et hébergés dans un centre de vacances

La joie des migrants avant de débarquer en France
La joie des migrants avant de débarquer en France Tous droits réservés Vincenzo Circosta/Copyright 2022 The AP. All rights reserved
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Par Laurence AlexandrowiczAFP
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La fin du calvaire pour les 230 passagers de l'Ocean Viking. Dans un centre de vacances près de Hyères, transformé pour l'occasion en zone d'attente internationale, la Croix Rouge prend en charge des migrants, qui sont interrogés par les services de renseignement français.

La fin du calvaire pour les 230 passagers de l'Ocean Viking. Dans un centre de vacances de Giens près de Hyères, dans le sud de la France, transformé pour l'occasion en zone d'attente internationale, la Croix Rouge prend en charge les migrants.

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Après avoir erré en mer trois semaines, ils ont interdiction de sortir d'ici, où ils sont interrogés par les renseignements intérieurs français.

"Pour l'instant, ils ont tous demandé l'asile donc ils vont avoir des entretiens avec les autorités de sécurité pour s'assurer qu'ils ne représentent pas de risque pour la sécurité,  explique Eric Jalon, directeur général chargé des étrangers en France au ministère de l'Intérieur,  et ensuite, des entretiens avec l'OFPRA (Office public français des réfugiés) pour savoir si leur demande d'asile est justifiée ou si elle ne l'est pas."

Tensions avec l'Italie de Meloni

A la frontière italienne, la police française multiplie dans le même temps les contrôles et renvoie les migrants illégaux en Italie. Paris et Rome s'accusent mutuellement de ne pas tenir leurs engagements vis à vis des migrants.

C'est la première fois qu'un bateau ambulance opérant au large de la Libye, débarque en France des rescapés. Un accueil exceptionnel, par "devoir d'humanité", a souligné le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin critiquant "une Italie très inhumaine".

La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a elle dénoncé une réaction française "agressive, incompréhensible et injustifiée", affirmant que son pays a accueilli cette année près de 90.000 migrants alors que les pays européens, dont la France, qui s'étaient engagés à l'aider en prenant en charge 8.000 personnes, n'en avaient finalement accueilli que 117.

Comme Ibrahim, ils ont fui l'enfer libyen

Le jeune Ibrahim desserre les lèvres et dévoile la dent qui lui manque. Stigmates des sévices endurés et laissés "pour toujours" derrière lui en Libye, depuis qu'il a débarqué vendredi du navire humanitaire Ocean Viking dans le sud de la France: "un rêve" inattendu.

Le Gambien de 17 ans fait partie des premiers rescapés à être descendus du bateau de l'ONG SOS Méditerranée, qui a accosté le matin-même à Toulon, au terme d'un blocage homérique qui a fracturé les relations entre la France et l'Italie, dont les ports lui sont restés fermés.

Comme les 229 autres migrants à bord, il a été transféré dans un village vacances de la presqu'île de Giens, à Hyères.

Le centre, situé au bout de la presqu'île encadrée de pins et baignée de soleil en ce vendredi après-midi, appartient à une structure sociale. Mais pour ces rescapés, c'est une "zone d'attente internationale" créée spécialement pour qu'ils ne soient pas considérés comme étant en France et dont il leur est interdit de sortir avant une première évaluation de leur demande d'asile.

Ibrahim n'en a que faire. "Tout ce que je voulais, c'était quitter la Libye, l'enfer". Un enfer où il a "survécu" deux ans et huit mois.

Il y a travaillé comme électricien et vécu "comme un noir qu'on peut frapper", raconte-t-il à l'AFP en jaugeant une parka à col fourré que lui proposent des humanitaires dans le centre, palliant les besoins élémentaires de migrants dont nombre déambulent encore pieds nus ou en chaussettes.

Nouvelle vie

Comme beaucoup, Ibrahim pensait arriver en Italie, mais se retrouve en France où il "adorerai(t) rester, commencer (s)a vie".

Il faudra avant cela passer par des contrôles de sécurité sur cette zone d'attente improvisée, notamment ceux des renseignements intérieurs français, avant des entretiens avec l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), dont les agents seront chargés de vérifier si son profil est compatible avec le droit d'asile.

Dans les dédales fleuris et bordés d'arbustes du centre, cadenassé par un imposant dispositif sécuritaire pour empêcher toute sortie, des policiers interrogent déjà certains migrants sur les tables de terrasses d'ordinaire destinées aux apéritifs.

Dans ces bâtiments d'un étage aux toits de tuiles et au confort rudimentaire, la police aux frontières a également établi ses quartiers généraux, pour passer en revue les profils.

"Il n'y a pas de piscine", fait remarquer le préfet du Var Evence Richard, en faisant visiter.

"On a travaillé dans l'urgence. Il fallait trouver un lieu capable d'accueillir plus de 230 personnes, disponible tout de suite et pour au moins 20 jours, à proximité de Toulon et Hyères... Le choix a été vite fait", raconte-t-il.

Dans une chambre dortoir de six couchages, avec lits superposés et kitchenette, un membre de la protection civile résume: "C'est basique, mais il y a tout ce qu'il faut".

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"Pas le choix"

A peine arrivés, beaucoup de migrants, exsangues, regards dans le vide, titubant pour certains, s'étaient installés dans un hall extérieur sur des chaises en plastique blanches, voûtés par l'exil et l'errance devant une tente de la Croix-Rouge.

Parmi eux, un jeune Pakistanais de 18 ans, Imran (prénom d'emprunt), est "tellement fatigué" qu'il ne sait même pas ce qu'il attend.

Il sait juste qu'il est en France. "Mais pour combien de temps?", interroge-t-il. "On ne nous a rien dit... De toutes façons, Italie, France... Du moment qu'on n'est plus ni en Libye, ni en mer, tout me va. J'avais besoin d'être sur la terre ferme."

Lui dit avoir passé 21 jours en mer, après avoir quitté la Libye où il n'a passé que cinq mois. "Je travaillais comme peintre en bâtiment, mais pendant cinq mois on ne m'a jamais payé et le patron m'a confisqué mon passeport. Je n'avais pas le choix", jure-t-il, en serrant dans ses bras un sac poubelle noir noué comme un baluchon, d'où s'échappent ses maigres affaires.

Pour lui, l'urgence est de prévenir sa famille qu'il est "vivant".

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Ibrahim vient de le faire et se sent "libéré", reprend-il tandis que le soleil décline derrière les pins.

La seule ombre au tableau? "La vue", glisse le Gambien. Du menton, il montre la Méditerranée.

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