37 ans après Tchernobyl, que faire en cas d'accident nucléaire ?

Un réservoir d'eau sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, le 12 février 2020, 9 ans après la catastrophe survenue après un séisme de magnitude 9.
Un réservoir d'eau sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, le 12 février 2020, 9 ans après la catastrophe survenue après un séisme de magnitude 9. Tous droits réservés Jae C. Hong/Copyright 2019 The AP. All rights reserved
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Par Greta Ruffino
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Tchernobyl, Fukushima Daiichi, Zaporijjia... Des noms associés à un risque d'apocalypse nucléaire qui reviennent régulièrement hanter nos cauchemars contemporains. Tour d'horizon des préconisations en cas d'incident nucléaire.

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Peu de choses hantent les cauchemars contemporains de manière aussi terrifiante que les catastrophes nucléaires. Survenue le 26 avril 1986, il y a 37 ans, la catastrophe de Tchernobyl jette encore une ombre sur le débat de la sécurité de l'énergie nucléaire.

La menace d'un nouvel accident nucléaire en Europe est revenue au premier plan des préoccupations l'année dernière lorsque des soldats russes ont occupé la "zone d'exclusion" autour de la centrale ukrainienne pendant plus de cinq semaines, s'exposant probablement aux radiations.

Le monde surveille également avec anxiété la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia, qui a échappé de justesse à un bombardement intensif des forces russes.

Les événements en Ukraine mis à part, les pays ont des points de vue différents sur l'avenir de l'énergie nucléaire. L'Allemagne s'est engagée à fermer complètement son réseau après la catastrophe de Fukushima en 2011, un processus achevé au printemps dernier. Pourtant, des millions d'Européens vivent aujourd'hui à proximité d'au moins une centrale nucléaire.

Chaque fois que le spectre de Tchernobyl est ravivé - que ce soit par la guerre ou par une série télévisée acclamée par la critique, une question revient inévitablement : que se passerait-il en cas d'accident ?

Les procédures préconisées en Europe

Les habitants des environs de la base de la Royal Navy à Portsmouth, en Angleterre, ont reçu des conseils détaillés de la part du conseil local sur ce qu'il convient de faire en cas d'accident nucléaire.

Ils ont été informés que, même si un accident nucléaire serait probablement limité et confiné à l'intérieur de la base - et ne ressemblerait en rien à l'explosion d'une bombe nucléaire - les gens pourraient tout de même être exposés à des particules radioactives ou entrer en contact avec des surfaces, de la nourriture ou de l'eau potable contaminées.

"Le principal moyen de rester en sécurité est de rester à l'intérieur, fenêtres et portes fermées, afin qu'aucune particule radioactive ne puisse vous atteindre", conseille le conseil municipal. "Fermez toutes vos portes et fenêtres pour réduire le risque de contamination dans le bâtiment. Éteignez les ventilateurs, les équipements de ventilation ou les appareils tels que les chaudières de chauffage central et les feux à gaz, qui aspirent l'air de l'extérieur", précise la municipalité.

Les citoyens sont également encouragés à écouter la radio ou à consulter Internet pour s'informer des dernières nouvelles, mais à essayer de ne pas utiliser de téléphone portable au cas où tous les appels surchargeraient le réseau.

Efrem Lukatsky/AP
Des ouvriers passent près du "sarcophage" qui entoure le réacteur nucléaire accidenté de Tchernobyl, en Ukraine, le dimanche 25 août 2013.Efrem Lukatsky/AP

En France, les instructions du gouvernement en matière de préparation à un accident nucléaire précisent que les centrales sont classées sur une échelle de 1 à 7, le chiffre 7 correspondant à Tchernobyl.

Il existe 56 centrales nucléaires en France et, en cas d'accident, le gouvernement conseille de préparer une trousse d'urgence contenant des copies des documents importants et des médicaments, ainsi que des vêtements, de la nourriture et de l'eau.

Il est conseillé de se réfugier à l'intérieur, fenêtres fermées, et de prendre des comprimés d'iode pour contrer tout empoisonnement dû aux radiations.

En Espagne, où sept centrales nucléaires produisent environ 20 % de l'énergie du pays ibérique, le gouvernement a publié dans une douzaine de langues différentes des conseils en cas d'urgence.

"Le meilleur moyen de rester en sécurité en cas d'urgence radiologique est de se réfugier à l'intérieur, de rester à l'intérieur et de rester à l'écoute. Le fait de placer un matériau entre vous et les radiations vous protège pendant que vous écoutez les instructions des intervenants", conseillent les autorités espagnoles.

En Suède, où l'on trouve six réacteurs dans trois centrales nucléaires, les autorités ont publié des conseils qui indiquent que "la préparation signifie être prêt à faire face à l'inattendu... et être capable de minimiser les conséquences d'un accident".

Les instructions préconisent de se tenir à bonne distance de la source de rayonnement, de rester le moins longtemps possible dans la zone contaminée et de maintenir une protection entre soi et la source de rayonnement, par exemple en restant à l'intérieur.

Mikael Fritzon/AP
La centrale nucléaire d'Oskarshamn à Oskarshamn, dans le sud-est de la Suède, le 22 mai 2008. Un des réacteurs s'est arrêté inopinément le 9 novembre 2022.Mikael Fritzon/AP

Les vieilles centrales nucléaires présentent plus de risques

Heureusement, il est peu probable que les Européens se retrouvent exposés à des radiations à la suite d'un accident dans une centrale nucléaire, mais ce n'est pas totalement impossible.

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L'explosion de Tchernobyl en 1986 a été si désastreuse en raison de la combinaison d'une mauvaise conception, de pratiques de sécurité médiocres, d'un essai mal géré et de la confusion des informations après l'événement, et la plupart de ces facteurs ne sont pas présents dans le secteur de l'énergie nucléaire moderne en Europe.

Pourtant, cela n'a pas empêché les Européens d'essayer de comprendre ce qui pourrait leur arriver si une catastrophe se produisait quelque part sur le continent.

Des scientifiques de l'Institut Biosphère de Genève ont examiné en détail les dommages qui pourraient résulter d'un accident dans l'une des cinq centrales nucléaires suisses, dont le plus ancien réacteur encore en service au monde, Benzau I.

Selon leurs conclusions, une fusion en Suisse pourrait potentiellement affecter 16 à 24 millions d'Européens, en fonction des conditions météorologiques, avec des milliers de décès liés aux radiations au-delà des frontières de la Suisse.

Certains pays s'inquiètent déjà de la menace d'une fuite nucléaire de leurs voisins et y font face. Le plus ancien réacteur britannique, Sellafield, aujourd'hui désaffecté, est une plaie persistante depuis des décennies : un incendie en 1957 a envoyé des particules radioactives dans l'air, qui ont été détectées en Scandinavie et en Allemagne ; des déchets ont été déversés par inadvertance dans la mer d'Irlande à plus d'une reprise.

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Aujourd'hui, l'opération de nettoyage incroyablement complexe qui est toujours en cours sur le site coûte à l'État britannique pas moins de 2,25 milliards d'euros par an et comporte des risques importants de rejet d'autres déchets radioactifs dans l'eau de mer, auxquels l'Irlande, l'Islande et plus largement l'Europe du Nord-Ouest devront faire face.

DAVE THOMPSON/AP
La centrale nucléaire de Sellafield, en Angleterre, le 23 mai 2007.DAVE THOMPSON/AP

Lorsque la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, au Japon, a été endommagée par un tsunami en mars 2011, les autorités japonaises ont évacué toutes les personnes se trouvant dans un rayon de 20 km autour de la centrale, ce qui a entraîné le déplacement de 109 000 personnes, tandis que des dizaines de milliers d'autres ont quitté de leur plein gré les zones voisines.

Mais lorsque les chercheurs britanniques William Nuttall et Philip Thomas ont mené une expérience pour déterminer ce qui serait nécessaire si une catastrophe similaire se produisait dans le sud de l'Angleterre, ils ont calculé que l'évacuation ne devrait concerner qu'un village voisin.

La conception de Tchernobyl et la négligence des protocoles de sécurité ont été à l'origine de l'émission massive de radiations ; les réacteurs plus modernes, qui sont construits avec des cuves de confinement, ne présentent généralement pas le même niveau de risque.

Il se peut que l'on ne vous demande pas - ou que l'on ne vous force pas - à partir de toute façon. Comme l'ont souligné les chercheurs, les bouleversements liés à une évacuation massive de longue durée peuvent en soi poser des problèmes de santé publique.

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"L'Organisation mondiale de la santé a documenté les bouleversements provoqués par la catastrophe de Tchernobyl au sein de la communauté relogée et a constaté l'existence d'un héritage de dépression et d'alcoolisme", écrivent-ils pour The Conversation. "Dans l'ensemble de la population, l'augmentation du nombre de suicides et de toxicomanies peut raccourcir la vie des personnes évacuées bien plus que ce qu'elles auraient pu perdre à cause des radiations dans leurs anciennes maisons. Des preuves similaires commencent à émerger de Fukushima, en particulier en ce qui concerne le suicide chez les hommes."

La tendance suivie par le nucléaire européen s'avère très diverse, déclinant comme en Allemagne, au contraire en expasion ailleurs. Plusieurs pays, comme la Finlande, mettent en service de nouveaux réacteurs pour combler le vide énergétique laissé par la politique énergétique de la Russie, ce qui signifie que leurs citoyens vivront avec des réacteurs conçus pour fonctionner pendant un demi-siècle ou plus.

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