L'ultimatum des législateurs américains à TikTok pour couper ses liens avec la Chine

Le siège américain de Tik Tok à Culver City en Californie.
Le siège américain de Tik Tok à Culver City en Californie. Tous droits réservés Damian Dovarganes/Copyright 2018 The AP. All rights reserved
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Par euronews avec AP
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Les députés américains de la Chambre des représentants ont voté un projet de loi visant à obliger TikTok à couper ses liens avec Pékin faute de quoi la plateforme ne pourra plus diffuser ses contenus aux Etats-Unis.

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Ce n'est encore qu'une menace mais les députés américains de la Chambre des représentants sont passés à la vitesse supérieure en adoptant mercredi, à une écrasante majorité, un projet de loi exigeant que la société ByteDance, basée à Pékin, vende sa filiale TikTok sous peine d'une interdiction nationale.

Le projet de loi vise à supprimer les applications des App Store ou des services d'hébergement Web aux États-Unis, à moins que l'application ne rompe ses liens avec des entreprises qui sont soumises au contrôle d'adversaires étrangers, comme la Chine.

Nul ne sait à ce stade si cette législation deviendra un jour effective mais il reflète les craintes des Américains selon lesquelles la célèbre plateforme de médias sociaux pourrait exposer les Américains aux influences malveillantes de Pékin et aux risques en matière de sécurité des données.

Montrée du doigt depuis plusieurs années, la firme chinoise, dont le siège est installé en dehors de la Chine, a stratégiquement gardé ses distances avec son pays d’origine où les contenus de TikTok ne sont d'ailleurs pas disponibles.

C'est la période la plus difficile pour les entreprises technologiques et privées chinoises depuis des décennies
Zhiqun Zhu
Professeur de sciences politiques et de relations internationales à l'Université Bucknell

Depuis sa création, la plateforme TikTok est destinée aux marchés non chinois et s’est retirée de Hong Kong en 2020 lorsque Pékin a imposé une loi sur la sécurité nationale sur le territoire pour restreindre la liberté d’expression. Alors que les problèmes de sécurité des données commençaient à augmenter aux États-Unis, TikTok a cherché à rassurer les législateurs sur le fait que les données collectées sur les utilisateurs américains restaient aux Etats-Unis et demeuraient inaccessibles aux employés de ByteDance à Pékin.

La société mère de TikTok suit le même modèle que de nombreuses autres entreprises chinoises ayant des ambitions mondiales : pour gagner des clients et gagner la confiance aux États-Unis et dans d'autres pays occidentaux, elles minimisent leurs racines et leurs relations chinoises. Certains ont insisté pour qu’elles soient appelées "entreprises mondiales" plutôt que "entreprises chinoises".

Mais pour TikTok, cela ne suffira peut-être pas. Pour l'instant, le projet de loi n'a été adopté qu'à la Chambre des représentants ses perspectives au Sénat sont incertaines, mais s’il reçoit l'aval du Congrès, Joe Biden a déclaré qu’il le signerait.

La loi met surtout en lumière le dilemme dans lequel de nombreuses entreprises privées chinoises se retrouvent confrontées alors qu'elles cherchent à s'engager sur les marchés occidentaux à une époque de détérioration des relations entre les États-Unis et la Chine.

"C'est la période la plus difficile pour les entreprises technologiques et privées chinoises depuis des décennies, alors que les tensions et la rivalité entre les États-Unis et la Chine continuent de croître", a déclaré Zhiqun Zhu, professeur de sciences politiques et de relations internationales à l'Université Bucknell.

Avec la montée du techno-nationalisme chinois, selon lequel les capacités technologiques sont considérées comme un atout stratégique national, les entreprises technologiques chinoises sont obligées par les lois et règles de Pékin de divulguer les données et sont devenues "essentiellement un représentant de facto" du parti communiste au pouvoir en Chine", explique Alex Capri, maître de conférences à l'Université nationale de Singapour.

Les 170 millions d’utilisateurs américains ont été invités à contacter leurs législateurs pour leur dire non à une interdiction de TikTok

En 2018, Zhang Yiming, le fondateur de ByteDance, a suivi la ligne du parti après que Pékin a fermé l'application de blagues de ByteDance. Il s'est excusé publiquement pour les écarts de son entreprise par rapport aux valeurs socialistes fondamentales et a promis de "rectifier complètement l'algorithme" de son application d'information et d'ajouter beaucoup plus de niveaux de censure, une mesure considérée comme nécessaire à la survie de toute entreprise en Chine.

"Voici mon message à TikTok : rompez avec le Parti communiste chinois ou perdez l'accès à vos utilisateurs américains", a déclaré le républicain Mike Gallagher, parrain du projet de loi. « Le principal adversaire de l’Amérique n’a pas à contrôler une plateforme médiatique dominante aux États-Unis. Le temps de TikTok aux États-Unis est révolu à moins qu’il ne mette fin à sa relation avec ByteDance, contrôlé par le PCC.

La méfiance du Congrès à l'égard de TikTok était évidente lors d'une audience du 31 janvier lorsque le sénateur Tom Cotton a demandé à plusieurs reprises au PDG Shou Zi Chew s'il était un citoyen chinois redevable au Parti communiste. Shou Zi Chew, qui est Singapourien, a dit non à plusieurs reprises.

Mardi, la représentante démocrate Nancy Pelosi a déclaré qu'il était problématique que ByteDance, propriétaire de l'algorithme de la plateforme sociale, soit soumis au contrôle de Pékin.

Pour TikTok, la confiance fait tellement défaut que même un désinvestissement complet de sa société mère chinoise pourrait ne pas fonctionner, car des structures de propriété complexes peuvent masquer une éventuelle propriété chinoise, a déclaré le chercheur Alex Capri.

Alors que TikTok se bat pour sa survie, l’entreprise s'est engagée dans un lobbying intense et appelle ses 170 millions d’utilisateurs américains à contacter leurs législateurs pour leur dire qu’une interdiction de TikTok porterait atteinte à leur droit à la liberté d’expression.

Message reçu fort et clair par Donald Trump, jadis très critique vis-à-vis de TikTok, l'ancien président s'est prononcé contre la législation sur TikTok mais n’a pas pu empêcher l’adoption du texte par la Chambre.

Si le projet de loi devient loi, a déclaré Capri, TikTok pourrait recourir au dernier recours américain : un procès pour contester l'interdiction.

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