Une enquête a mis au jour des accès illégaux à des banques de données étatiques, afin de constituer des dossiers contre des personnalités économiques, médiatiques et politiques.
Le but de l’opération aurait été, selon le parquet national antimafia, de constituer des dossiers faisant ensuite l’objet de transactions financières à des fins de chantage, pour alimenter un « gigantesque marché aux informations confidentielles », selon les termes choisis par Giovanni Melillo, le procureur national antimafia, lors d’une conférence de presse, samedi. De son côté, la présidente du conseil, Giorgia Meloni, a déclaré qu’"aucun État de droit ne peut tolérer le fichage", ajoutant que l’Italie pourrait être confrontée dans cette affaire à un cas de "subversion".
Menée depuis Milan, l'enquête a mis au jour un réseau criminel de vol de bases de données étatiques contenant des informations sensibles afin d'"influencer" les citoyens et les institutions.
Parmi les personnalités ciblées dans les centaines de milliers de documents détournés figurent le président du Sénat italien, Ignazio La Russa, le chef de l', Sergio Mattarella, et l'ancien Premier ministre Matteo Renzi.
Six suspects doivent être interrogés par les enquêteurs en cette fin de semaine. En tout, l'enquête concerne une cinquantaine d'individus, accusés d’avoir contribué à ce système de captation d’informations qui révèle les graves failles sécuritaires des bases de données confidentielles de l’État italien.
Des dossiers à des fins de chantage
Au centre de l'enquête, également en cours au parquet de Rome, se trouvent deux personnes assignées à résidence depuis vendredi dernier. Quatre autres personnes sont accusées d'accès abusif à un système informatique, de corruption et de divulgation de secrets d'État.
Parmi elles, Carmine Gallo, un ancien policier ayant une longue expérience des affaires d'enlèvement et de criminalité organisée, et Nunzio Samuele Calamucci, un informaticien considéré par les enquêteurs comme le bras opérationnel du vol de données.
Dans une résidence privée, des archives papier ont été saisies, contenant des dossiers sur "des milliers de sujets", selon les déclarations de Carmine Gallo dans les interceptions téléphoniques recueillies par les enquêteurs.
Le groupe tourne autour de la société Equalize, qui, par le biais de soutiens au sein des institutions et des forces de l'ordre et d'une société londonienne, a opéré pour accéder illégalement au système informatique du ministère italien de l'Intérieur.
Ce réseau informatique contient des données sur des enquêtes, comme des informations sur des réseaux criminels, des plaintes, des données personnelles, bancaires et fiscales. Les vols concernent également d'autres bases de données, notamment un système d'échange d'informations financières, qui permet d'accéder aux paiements et aux déclarations fiscales de tous les citoyens italiens.
Un moins un service de renseignement étranger impliqué
Les magistrats ont ordonné la saisie d'un serveur en Lituanie et envisagent d'envoyer une commission rogatoire au Royaume-Uni pour enquêter à Londres, où, selon les écoutes téléphoniques de l'un des accusés, se trouvait le centre de données de l'opération.
"J'ai fait des unités de sauvegarde, une dans le bureau de Londres et une autre en Lituanie, je vous dis la vérité parce que c'était l'endroit le moins cher pour acheter des serveurs", a déclare l'informaticien Nunzio Samuele Calamucci dans l'une des écoutes judiciaires rapportées par les médias italiens.
Selon les enquêteurs, ces dossiers ont ensuite été revendus à des clients, dont au moins un service de renseignement étranger, pour un montant de plus de 5 millions d'euros par Equalize et d'autres sociétés complices.
"Un dossier ciblé a été constitué contre des personnalités politiques de haut rang", a déclaré dimanche le ministre de la justice, Carlo Nordio, qui évoque une "conspiration".
"Ces données peuvent être utilisées par ceux qui sont nos ennemis d'un point de vue géostratégique", a déclaré ces derniers jours le ministre des affaires étrangères, Antonio Tajani. "Il n'est pas exclu que la Russie ou d'autres pays les utilisent", a déclaré M. Tajani lors d'une réunion de son parti, Forza Italia.
Parmi les personnes espionnées figurent des citoyens russes ayant investi en Italie dans les secteurs de l'hôtellerie et de la mode, ainsi que des individus liés aux cercles politiques russes.