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Durcissement des règles : ce que contient la circulaire Retailleau sur la régularisation

Bruno Retailleau jette le froid ?
Bruno Retailleau jette le froid ? Tous droits réservés  Ludovic Marin/AP
Tous droits réservés Ludovic Marin/AP
Par Serge Duchêne
Publié le Mis à jour
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Le nouveau texte qui devrait être présenté vendredi lors d'un déplacement de Bruno Retailleau dans les Yvelines reflète la ligne dure du locataire de place Beauvau sur l'immigration.

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La circulaire Valls, prise en 2012 par l'actuel ministre des Outre-mer et, à l'époque, ministre de l'Intérieur Manuel Valls, permettait chaque année aux préfectures de régulariser par le travail ou pour motif familial plus de 30 000 sans-papiers.

Selon ce texte, un étranger en situation irrégulière pouvait demander une « admission exceptionnelle au séjour » pour motif familial, économique ou étudiant.

Cela pouvait servir aux patrons qui peinent à recruter et veulent régulariser des employés embauchés "au noir" afin d'éviter le turn-over ; ou à une école qui se mobilise pour une famille menacée d'expulsion pourtant bien intégrée dans la communauté, ou dans d'autres cas.

En 2023, la circulaire avait permis à 34 724 personnes d'obtenir des papiers (+0.3 % par rapport à 2022), selon les données du ministère de l'Intérieur : 11 525 au titre du travail, 22 167 pour motif familial, et un millier sous statut d'étudiant.

Et même si cela fait pâle figure par rapport aux grandes vagues de régularisations sous Mitterrand (130.000 régularisations sur 150.000 demandes en 1981) ou sous Chevènement (80.000 régularisations sur 140.000 demandes en 1998), maintenant il est clair que même ces chiffres "timides" sont destinées à baisser.

Il est clair qu'en 2025, la politique d'immigration « lucide et équilibrée » de l'ère Valls cède la place à un désir manifeste de « maîtriser » davantage les flux migratoires, en particulier par la lutte contre l’immigration irrégulière, parallèlement au « renforcement de l’intégration des étrangers en France ».

Le changement clair de cap passe aussi, paraît-il, par les formules plus concises et laconiques : au lieu des 12 pages de la circulaire Valls, le texte Retailleau, dont le Figaro et l'AFP publient les bonnes feuilles avant sa présentation par le ministre ce vendredi lors d'un déplacement dans les Yvelines et l'envoi aux préfets, n'en compte que 3.

Alors, que contiennent ces nouvelles directives ?

Au moins 7 ans de présence, "indices" d’intégration dont la maîtrise de langue

"La voie d'admission exceptionnelle au séjour (AES) n'est pas la voie normale d'immigration et d'accès au séjour. Visant des étrangers en situation irrégulière, elle doit demeurer une voie exceptionnelle", écrit le ministre dans sa circulaire.

Si la circulaire Retailleau ne change pas à proprement parler les critères pour obtenir cette admission exceptionnelle, elle demande clairement aux préfets de serrer la vis en matière de régularisation.

Ainsi, à la recherche des « indices d’intégration pertinents », le texte porte de cinq ans à « au moins sept ans » la durée de présence requise sur le territoire national pour un étranger qui demande des papiers au titre de l’AES.

En continu de la ligne esquissée en 2024 par Gérald Darmanin, le prédécesseur de Bruno Retailleau place Beauvau, dans la loi sur l'immigration, le nouveau texte estime que « le niveau d’exigence en termes d’intégration des étrangers à notre société doit être renforcé, notamment au travers de leur engagement à respecter les valeurs de la République ».

Ces valeurs que le requérant s'engagerait à respecter par contrat, sont, dans le texte, « la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution, l’intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et la laïcité ».

L'adhésion de l'étranger sans papiers aux principes de la République passe aussi la maîtrise de la langue française, qui devrait être certifiée.

Si sous Valls, il suffisait en général d'une « maîtrise orale au moins élémentaire de la langue française » (appréciée notamment lors du dépôt de dossier), la circulaire Retailleau préconise « la justification d’un diplôme français ou bien d’une certification linguistique, délivrée par un organisme dûment agréé, ou toute autre preuve d’une maîtrise de la langue . »

Absence de menace à l'ordre public ; les OTQF

Sont exclus des admissions exceptionnelles au séjour les étrangers susceptibles de constituer une menace à l'ordre public.

Le refus de la demande devrait, selon Bruno Retailleau, être « systématiquement assorti d’une mesure portant sur l'obligation de quitter le territoire français » (OQTF).

L’État français est un mauvais élève notoire dans l'exécution de ces OQTF, avec à peine 7 % de taux de réussite, comme le rappelait le premier ministre, François Bayrou, lors de son discours de politique générale le 14 janvier.

Ce sigle d'OQTF figure aussi de façon proéminente dans les statistiques criminelles, et les cas d'une agression, d'un viol ou d'un cambriolage par un clandestin dans l'obligation de quitter le territoire, parfois même récidiviste, sont amplement couverts dans la presse nationale.

Bruno Retailleau vise aussi les situations "ubuesques" quand le demandeur d’une régularisation attestait parfois de l’ancienneté de sa présence sur le territoire national par une obligation de quitter le territoire français à laquelle il s’était soustrait.

Les régularisations professionnelles doivent augmenter, les étudiants et les familles en baisse

Prévue par la loi immigration, promulguée début 2024, l'actualisation de la liste des métiers en tension dans lesquels les travailleurs sans-papiers peuvent être régularisés devrait, elle, être publiée "fin février", a affirmé la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet.

Ce texte doit, lui aussi, durcir les critères d'admission qui, rappelons-le, ont permis en 2023 à 34 724 personnes d'obtenir des papiers, selon les données du ministère de l'Intérieur.

Ces travailleurs étrangers (déjà insérés par le travail dans les restaurants, les hôpitaux, les Ehpad, la restauration, la construction, l’agriculture ou la chaudronnerie) représentaient un tiers des régularisations en moyenne.

Si leur part va « légèrement augmenter », selon un préfet cité par Le Figaro, les étudiants (un millier de régularisés par an en moyenne) seront peut-être un peu moins nombreux.

L'impact va surtout se sentir sur l’immigration familiale - qui représentait jusqu’alors deux tiers des AES. Pareil, "un préfet" pronostique « 8000 à 10.000 régularisés de moins au titre de la vie privée et familiale ».

Selon les sources au ministère de l'Intérieur, il est actuellement plus facile d'entrer en France illégalement et de demander par la suite sa régularisation "familiale" plutôt que de solliciter un visa ou un regroupement pour les mêmes raisons à cause des conditions strictes sur les revenus et le logement.

Comme l'estime Le Figaro, la circulaire Retailleau devrait réduire d’un tiers environ le flux des régularisations, pour les porter de 30.000 par an environ à 20.000, si les objectifs sont atteints.

Le tout, pour répondre, dans l'idée de l'exécutif, aux attentes des Français que traduit — encore une fois, dans les têtes des politiques — le vote croissant pour le Rassemblement national avec, notamment, sa rhétorique très dure sur l'immigration.

Sources additionnelles • Le Figaro, AFP via Le Midi Libre

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