La Grande-Bretagne a l'intention de rétrocéder les îles Chagos à l'île Maurice, tout en conservant une base militaire britannico-américaine essentielle sur l'île de Diego Garcia.
Deux femmes nées dans l'archipel des Chagos veulent poursuivre le gouvernement britannique en justice pour son projet de cession de l'archipel de l'océan Indien à l'île Maurice, ont déclaré leurs avocats.
Bernadette Dugasse et Bertrice Pompe, toutes deux citoyennes britanniques, affirment que les ministres britanniques ont illégalement exclu les Chagossiens des discussions sur l'avenir de leur patrie.
Historiquement, ces îles étaient peuplées par les Chagossiens, peuple d'origine principalement créole, qui y vivait depuis plusieurs générations. Dans les années 1960 et 1970, le gouvernement britannique a procédé à l'expulsion forcée des habitants pour permettre l'installation de la base militaire américaine sur l'île de Diego Garcia, un geste qui a profondément marqué la mémoire collective des exilés.
Ces personnes et leurs descendants vivent aujourd'hui principalement au Royaume-Uni, à l'île Maurice et aux Seychelles.
Début octobre, le gouvernement britannique a annoncé un accord préliminaire visant à céder le contrôle des îles Chagos à l'île Maurice, une ancienne colonie britannique qui revendique depuis longtemps le territoire comme sien. En vertu de cet accord, la Grande-Bretagne conserverait la base militaire de Diego Garcia.
Mais les Chagossiens comme Bernadette Dugasse et Bertrice Pompe pensent que leurs voix ont été ignorées.
"Les Chagossiens ont été chassés de leur lieu de naissance, sans qu'ils aient été consultés, et ont été maltraités pendant 60 ans", a déclaré M. Pompe.
"Depuis lors, nous nous efforçons de comprendre pourquoi nous avons été si mal traités par le gouvernement britannique. Je veux rester britannique et je veux aussi avoir le droit de retourner aux îles Chagos", a-t-elle ajouté.
Les avocats des femmes ont envoyé une lettre juridique au ministère britannique des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement, qui a jusqu'au 25 mars pour répondre.
Un lieu stratégique important pour les États-Unis
Le projet du gouvernement britannique de céder l'archipel à l'île Maurice est au point mort en raison des préoccupations de l'administration Trump concernant l'accord.
Marco Rubio, le secrétaire d'État américain, a précédemment décrit le plan comme une "menace sérieuse" pour la sécurité nationale des États-Unis, étant donné que Diego Garcia accueille environ 2 500 militaires.
Les États-Unis ont déclaré qu'ils considéraient le site comme "une plate-forme quasi indispensable" pour les opérations de sécurité au Moyen-Orient, en Asie du Sud et en Afrique de l'Est.
La base sert en effet de plaque tournante pour le ravitaillement, la maintenance et la coordination des opérations militaires, permettant aux forces américaines de se déployer rapidement dans des zones d'intérêt.
Des complications sont également apparues à la suite d'un changement de gouvernement à l'île Maurice, ainsi que des désaccords sur la compensation financière pour le bail de Diego Garcia au Royaume-Uni.
Des dizaines d'années de litiges
Le statut juridique des Chagos suscite depuis plusieurs décennies un vif débat.
En effet, le Royaume-Uni est accusé d'avoir procédé à une décolonisation incomplète en séparant les îles de l'archipel de Maurice, dont l'indépendance fut obtenue en 1968.
La Cour internationale de Justice, (CIJ) dans un avis consultatif rendu en 2019, a jugé que cette séparation était illégale et que le territoire devait être réintégré à Maurice, position soutenue par l'Assemblée générale des Nations Unies.
L'accord proposé prévoit la création d'un fonds de réinstallation destiné à aider les insulaires déplacés à retourner dans les îles Chagos. Toutefois, les détails de ce projet ne sont pas encore clairs.