À l'aéroport de Madrid-Barajas, les sans-abri sont de plus en plus nombreux. Un problème que personne n'arrive à résoudre et qui inquiète les salariés.
L'aéroport Adolfo Suárez Madrid-Barajas (article en espagnol), principale porte d'entrée et de sortie de l'Espagne, est un point clé pour la sécurité nationale, où convergent chaque jour des milliers de voyageurs et de travailleurs. Il figure parmi les vingt aéroports les plus fréquentés au monde et constitue la principale liaison entre l'Amérique latine et l'Europe. Cependant, une réalité parallèle coexiste : la présence de centaines de sans-abri.
Selon les estimations du principal syndicat de travailleurs, quelque 400 personnes passent la nuit au sein de l'aéroport, ce qui représente une augmentation notable par rapport aux 40 personnes qui le faisaient il y a dix ans, explique Alexia Font, déléguée du syndicat ASAE, principal syndicat des salariés de l'aéroport. Un phénomène qui suscite une grande inquiétude parmi les employés, qui dénoncent une situation insoutenable.
Jeudi 20 mars, un homme de 60 ans est décédé dans les toilettes du terminal 4, ont confirmé des sources policières à Euronews. A l'arrivée de l'ambulance, l'homme était en arrêt cardiaque. Malgré les tentatives de réanimation, il n'a pas été possible de le sauver.
Les employés de l'aéroport, interrogés par Euronews, affirment qu'il y a eu une augmentation des incidents graves. "C'est un problème de santé, de sécurité, d'hygiène et d'image pour un aéroport de première classe, qui est la porte d'entrée du tourisme en Espagne", déclare Alexia Font.
La déléguée syndicale souligne la diversité des profils de ces personnes : "Il y en a de toutes sortes, avec des problèmes différents. Certains sont en situation d'asile politique, d'autres n'ont pas d'endroit où dormir en raison des circonstances de la vie, et il y a aussi un groupe qui agressent, insultent et menacent des employés et des voyageurs".
Le Secrétariat d'État aux migrations a précisé à Euronews qu'il n'avait aucune trace de la présence de migrants en attente d'asile politique (article en espagnol) dans ces installations.
Les incidents signalés vont du vol aux actes de violence. "Le personnel de nettoyage est directement impacté par cette situation. Il y a quelques semaines, on a craché au visage d'une femme de ménage et on lui a jeté des déjections au visage", raconte Alexia Font. Mais cette dernière insiste cependant sur la nécessité de ne pas généraliser. "Tous les sans-abri ne sont pas comme ça, ce sont des individualités. Ils ont besoin d'aide", insiste-t-elle.
La déléguée syndical, qui travaille également comme infirmière au service médical de l'aéroport, regrette d'avoir trouvé des "de la drogue" et dénonce l'augmentation de la criminalité, des vols et même de la prostitution. "C'est un problème social grave où nous, en tant que service médical d'urgence, ne sommes qu'un pis-aller", dit-elle.
La nuit transforme l'aéroport
La situation s'aggrave à la tombée de la nuit. Vers 22 heures arrivent les premiers sans-abri après avoir passé la journée à Madrid, "à la recherche d'un moyen de subsistance", explique-t-elle. Les zones les moins fréquentées deviennent alors un refuge pour ceux qui arrivent, mais beaucoup de travailleurs redoutent ce moment.
José Miguel San Luis, qui travaille dans un magasin depuis sept mois, dit avoir peur : *"J'ai eu plusieurs problèmes. J'ai été volé. Je me suis dit que je peux être volé tous les jours. C'est un fait. Je viens toujours ici en pensant que quelque chose pourrait m'arriver"***, souffle-t-il**. La perception des touristes est également affectée. "Beaucoup de gens subissent des tentatives de vols. Et ils sont frappés par des personnes qui vivent ici", poursuit-il.
"Je dors par terre avec une couverture".
Parmi ceux qui viennent dormir s à l'aéroport, il y a Daniel Fontalvo, un Colombien qui passe la nuit à Barajas depuis cinq mois après avoir été victime d'une escroquerie. On lui a promis, en échange d'une importante somme d'argent, un travail et un visa, qu'il n'a jamais eu. "Je dors par terre avec une couverture, je me lève tôt, je cherche du travail et de la nourriture et je reviens ici le soir pour envoyer de l'argent à mon fils", explique-t-il.
Aujourd'hui, après une journée de travail, sa principale préoccupation est d'envoyer les 20 euros qu'il a reçus à sa famille en Colombie. Ce soir-là, il apprend que son fils vient de faire ses premiers pas. "Sans lui, je ne serais pas ici. Je suis venue chercher un meilleur avenir pour lui, pour l'aider, lui et sa mère, à aller de l'avant. Mais il me manque terriblement", affirme-t-il.
Daniel Fontalvo, 28 ans, a été victime d'une deuxième escroquerie après son arrivée en Espagne. "Quand je suis arrivé, j'ai travaillé pendant un mois et demi dans le bâtiment, mais ils ne m'ont pas payé parce que je n'avais pas de papiers en règle", déplore-t-il.
Comme lui, de nombreux sans-abri à Barajas ne sont pas violents ou problématiques. "Il y a des gens ici qui consomment de la drogue, mais aussi beaucoup qui n'en consomment pas. Je ne me drogue pas, je ne fume pas de cigarettes".
Cette situation existe également dans d'autres aéroports tels que Barcelone ou Palma de Majorque. Les administrations reconnaissent le problème, mais le manque d'action conjointe entre les institutions locales et étatiques perpétue le conflit.
"Il s'agit d'un problème multidisciplinaire, d'un travail d'équipe entre la délégation du gouvernement, le conseil municipal et l'AENA [l'entreprise qui gère les aéroports espagnols]. L'AENA peut expulser, mais ces personnes doivent être aidées", explique Alexia Font.
"Le problème a été soulevé au niveau du conseil municipal de Madrid, mais quelle que soit l'idéologie politique, il s'agit de la responsabilité de chacun. Il faut davantage de sécurité et d'interventions policières, car il y a 400 personnes dans une infrastructure critique", ajoute-t-elle.