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Syrie : à Maaloula, les chrétiens entre craintes et espoir d'un avenir sûr

Statue de la Vierge Marie surplombant le village de Maaloula, au nord de Damas, Syrie 2015
Statue de la Vierge Marie surplombant le village de Maaloula, au nord de Damas, Syrie 2015 Tous droits réservés  AP Photo
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Par يورونيوز & Nathan Joubioux
Publié le Mis à jour
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À Maaloula, en Syrie, les chrétiens souhaitent pouvoir pratiquer leur religion normalement. S'ils disent toujours craindre des représailles et vivre dans la peur, tous espèrent un avenir meilleur.

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En Syrie, l'inquiétude des chrétiens est toujours de mise. S'ils ont pu célébrer le premier dimanche des Rameaux depuis la chute du régime de Bachar al-Assad, ils doivent désormais vivre dans la crainte du président intérimaire Ahmed al-Charaa, ancien commandant djihadiste et rebelle ayant renversé la dictature en place, en décembre 2024.

En Syrie, les célébrations du dimanche 13 avril se sont donc déroulées sous haute protection des forces de sécurité publique du ministère de l'Intérieur, déployées massivement autour des Églises afin d'assurer le bon déroulé de cette journée.

"Nous avons célébré le dimanche des Rameaux dans une bonne ambiance, mais l'appréhension était présente", explique Faris*, chrétien habitant à Maaloula, à une soixantaine de kilomètres au nord de Damas. Après le renversement du régime, "le pays est au début de sa formation, et son identité est encore inconnue", assure-t-il.

Alors dans la vie quotidienne, il se méfie. "Quand vous regardez les gens autour de vous, vous ne savez pas s'ils vous acceptent vraiment ou s'ils font semblant. Mais je vois de la bonté en eux", poursuit-il, affirmant vouloir "que les choses évoluent" et retrouver une confiance qui était "quasiment inexistante" jusqu'ici. "Tout ce que nous voulons, c'est la paix pour tout le monde et ne pas être obligés de migrer", assure-t-il.

Une vie dans la crainte permanente

Malgré l'atmosphère relativement normale, la peur se lisait dans les yeux des chrétiens, qui sont confrontés à des défis majeurs imposés par le changement de régime. Ces derniers, qui veulent un retour à la coexistence avec les musulmans, vivent dans la crainte d'une répétition des massacres sectaires.

Youssef*, qui travaille dans un petit magasin du centre-ville, assure avoir vu le retour de nombreux habitants depuis la ville, "en particulier de jeunes musulmans qui combattaient avec les factions armées. Certains ont conservé la même idéologie extrémiste", assure-t-il.

Il a même été harcelé en raison de ses croyances. "Tu étais avec le régime", lui dit-on. "Comme si c'était un péché pour lequel je devrais être puni", souffle-t-il. "Je n'ai pris les armes contre personne, je n'ai fait de mal à personne, mais ils me traitent comme un ennemi."

Avec l'arrivée au pouvoir d'Ahmed al-Charaa, il dit vivre dans la crainte permanente. "Tout le monde ici sait ce qui s'est passé au Sahel. Nous avons peur que cela se reproduise à Maaloula", poursuit Youssef*. S'il reconnaît que les autorités font des efforts pour assurer leur sécurité, il assure ne pas être "pleinement rassuré". "Les cloches rendues aux églises ont été un pas important, mais ce n'est pas suffisant. Nous voulons plus de garanties et un avenir sûr pour nos enfants", termine-t-il.

"Certaines pratiques négatives subsistent"

De l'aveu de Georges*, cet avenir sûr est encore loin. "Après la chute du régime, une faction est entrée dans la ville, et nous avons été soumis à de nombreuses pratiques humiliantes, notamment des perquisitions fréquentes dans nos maisons sous prétexte de chercher des armes ou quoi que ce soit de compromettant", se remémore-t-il. Pour lui, cela n'était qu'un moyen de les intimider et de les forcer à quitter leurs habitations.

Un avis partagé par le père Peter*. "Maaloula était un lieu de tolérance et de paix. Mais aujourd'hui, le plus gros problème, ce sont les jeunes qui ont grandi dans l'ombre de la guerre", explique-t-il. Selon lui, le problème réside dans le fait que ces derniers n'ont pas connu la coexistence chrétienne-musulmane. "Ils ont été élevés avec des idées extrémistes et haineuses. Ces derniers jours, il y a eu des bagarres entre jeunes chrétiens et musulmans, et des mots sectaires ont été clairement utilisés", avant le religieux.

Cependant, "la situation s'est légèrement améliorée après une réunion des anciens chrétiens et musulmans de la ville, avec le soutien de personnalités étrangères influentes. Toutefois, certaines pratiques négatives subsistent", reconnaît Georges*.

"Nous rêvons d'un pays où chacun vit dans la dignité"

Rawia*, mère de quatre enfants, se souvient encore de sa vie avant la guerre civile. "N*ous formions une seule et même famille. Musulmans et chrétiens grandissaient ensemble et se respectaient. Les églises et les mosquées étaient proches les unes des autres, et personne ne pensait à sa religion lorsqu'il s'agissait de relations de voisinage ou d'amitié"*, explique-t-elle. Mais tout a changé quand des groupes armés ont pris le contrôle de la ville, en 2013. "Nous avons été déplacés, nous avons perdu nos maisons et nos terres. J'ai craint pour la vie de mes enfants."

Aujourd'hui, elle a pu revenir sur ses terres et a recommencé à une nouvelle vie. Mais sans la sécurité d'avant. "Des jeunes hommes qui étaient les amis de mes fils portent maintenant des armes et nous menacent en termes sectaires. Je ne peux pas dire que je me sente aussi en sécurité que par le passé", regrette Rawia*.

Pour elle, qui se revendique chrétienne, peu importe la personne au pouvoir. "Ce qui m'importe, c'est que le président ou le dirigeant garantisse la sécurité et la stabilité**, **empêche le chaos et assure une vie décente à chacun, sans discrimination fondée sur la religion, l'appartenance à une secte, la race ou la nationalité."

Cet espoir est partagé par Maria*, jeune mère. "Je suis née et j'ai grandi à Maaloula, et je ne peux pas imaginer vivre ailleurs. Mais j'ai peur pour mes enfants. Quand je les vois jouer dans la rue, je crains qu'un jour, ils soient confrontés à des mots de haine ou de violence en raison de leur religion", assure-t-elle.

La remise des cloches dans les Églises est un symbole qui compte pour les chrétiens, qui peuvent pratiquer librement. "Mais nous regardons toujours l'avenir avec beaucoup de prudence. Nous voulons croire que les jours à venir seront meilleurs, mais la peur est toujours là", assure Maria*.

"Nous voulons une Syrie pour tous les Syriens, un pays qui traite tous ses citoyens sur un pied d'égalité et qui donne à chacun le sentiment d'en faire partie sans que personne ne se sente minoritaire. Nous rêvons d'un pays où règnent la justice et la paix, où chacun vit dans la dignité et en sécurité", conclut, de son côté, Rawia*.

*par crainte de poursuites judiciaires, tous les noms des intervenants ont été changé

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