Le président turc se rendra ce week-end en République de Chypre du Nord, un État reconnu uniquement par Ankara depuis l'invasion partielle de cette île de Méditerranée orientale par la Turquie en 1974.
Les propos tenus par le président turc dans l'avion qui le ramenait d'Italie ne laissent que peu de doutes sur les intentions de Recep Tayyip Erdoğan concernant sa visite de samedi dans la partie occupée de Chypre.
"Nous pensons que nous pouvons laisser derrière nous les problèmes historiques grâce à une solution à deux États sur l'île de Chypre et nous avançons dans cette direction", a déclaré le dirigeant turc, cité par le journal Kathimerini.
"Nous continuerons à intensifier nos efforts en vue de la reconnaissance de la République turque de Chypre du Nord. Nous ne laisserons jamais la RTCN seule".
Chypre est divisée depuis 1974, lorsque les forces turques ont envahi et occupé la partie nord de l'île.
Quelques années plus tard, après plusieurs tentatives infructueuses de résolution du problème, la République turque de Chypre du Nord a déclaré son indépendance. Celle-ci n'est toutefois reconnue que par la Turquie.
Lors d'un sommet informel organisé au mois de mars, l'Union européenne et les Nations unies ont de nouveau appelé à la réunification de l'île de Chypre.
Inauguration d'un nouveau palais "présidentiel" en Chypre du Nord
Le geste le plus marquant du président turc lors de sa visite dans les territoires chypriotes occupés, ce week-end, sera l'inauguration d'un nouveau palais "présidentiel" qui sera une réplique de celui que Recep Tayyip Erdoğan s'est fait construire à Ankara.
Le complexe immobilier comprendra également un "Parlement" et le bureau du "Premier ministre", tandis que le bureau actuel du dirigeant chypriote turc, Ersin Tatar, sera transformé en musée.
Au cours de sa visite sur l'île, Recep Tayyip Erdoğan assistera également à l'exposition de technologie aérospatiale Teknofest, organisée par la société Baykar du gendre du président turc, Seltsuk Bayraktar.
Jeudi, sur le site du festival, une installation publicitaire a été renversée par des vents violents, faisant trois blessés, dont l'un est toujours traité en soins intensifs.
La question du voile à l'école alimente les tensions
Cette visite intervient alors que les jeunes Chypriotes turques de moins de 18 ans ont été récemment autorisées à porter le voile à l'école, une décision vivement critiquée par les enseignants et les syndicats, qui ont organisé des mobilisations à la veille de la visite du président turc.
"Ce que le Parti de la justice et du développement (AKP)* [de Recep Tayyip Erdoğan, ndlr] *veut faire dans notre pays, comme en Turquie, c'est le conservatisme religieux de l'éducation, la formation d'une génération religieuse, la création d'un modèle social qui ne remet pas en question et obéit", dénonce la présidente de la guilde des enseignants chypriotes turcs du secondaire, Selma Eilem.
"La Turquie, qui a transféré dans la partie nord de Chypre une population dix fois supérieure à celle des Chypriotes turcs, construit des mosquées à chaque coin de rue, envoyé plus de 400 prédicateurs mercenaires, rendu l'enseignement de l'islam sunnite obligatoire dans les écoles et, enfin, ouvert une école théologique, a préparé l'infrastructure pour la question du voile", ajoute-t-elle.
Le président de la guilde des enseignants chypriotes turcs, Burak Mavis, estime également que "cette initiative, présentée comme une question de liberté individuelle, fait en réalité partie d'une stratégie politique plus large visant à institutionnaliser l'influence conservatrice/religieuse dans l'enseignement public et à éroder les fondements laïques, inclusifs et démocratiques de notre système éducatif".
Avec cette visite à Chypre, les analystes s'attendent à ce que le président turc réaffirme encore plus fermement la position d'Ankara sur l'égalité souveraine.
Dans une interview accordée à Haber Kipris, lorsqu'on lui a demandé si Recep Tayyip Erdoğan rebaptiserait le pseudo-État "République turque de Chypre", le dirigeant de la communauté turque Ersin Tatar a en effet répondu : "Je m'attends à ce que cela se fasse, j'espère que cela peut se faire. J'ai la même opinion [...], il n'y a pas de nord-sud, il y a deux États séparés".