Alors que la part du gaz russe a fortement été réduite au sein du réseau énergétique de l'UE, la Hongrie, de même que la Slovaquie, reste encore très dépendante du gazoduc russe.
L'accès au gaz russe a longtemps été un atout pour l'économie européenne. Pendant des décennies, le gaz bon marché en provenance de Russie a permis aux entreprises européennes de conserver un avantage sur leurs concurrentes d'Extrême-Orient. Toutefois, aujourd'hui, celles-ci doivent rivaliser avec l'ensemble des acteurs mondiaux du marché du gaz.
La part du gaz russe a fortement été réduite au sein du réseau énergétique de l'UE. Bruxelles s'emploie à remplacer trouver des alternatives au gaz naturel liquéfié, qui représente les trois quarts des 40 milliards de mètres cubes de gaz importés chaque année. 9 milliards de mètres cubes, acheminés par gazoduc, sont destinés à la Hongrie et à la Slovaquie, encore très dépendantes de Moscou. Le gouvernement hongrois affirme ne pas disposer d'alternatives.
Selon András Deák, expert en politique énergétique à l'Institut John Lukács, l'université nationale du service public hongrois, Budapest a fait le choix de ne pas diversifier ses sources, contrairement à d’autres pays européens. Le pays dépend de l’oléoduc Droujba, qui traverse des zones de conflit et constitue une cible spécifique des attaques ukrainiennes.
"À l'heure actuelle, il existe une réelle éventualité que les approvisionnements en pétrole via l’oléoduc Droujba ou les livraisons de gaz russe via la Turquie soient interrompus. L'affirmation selon laquelle nous ne serions plus en mesure d'approvisionner le pays est assez effrayante. En termes de sécurité d'approvisionnement, ce serait certainement une situation très critique. J’espère que nous serons en mesure de la surmonter et que nous disposerons des solutions technologiques nécessaires. La véritable question est de savoir si nous prendrons, étape par étape, les mesures permettant d’adapter et de compléter les contrats existants en fonction de ces solutions", confie-t-il.
Une hausse des prix de 10 % en cas d'abandon des énergies russes
L'expert souligne que les sources d'énergie russes restent les moins coûteuses, que la Hongrie pourrait éviter des hausses de prix significatives en utilisant les capacités d’autres pays. Selon lui, l'abandon du pétrole et du gaz russes entraînerait une augmentation des prix d'environ 10% , soit 0,5 du PIB hongrois, tandis qu'une l'interruption soudaine des importations russes pourrait entraîner une hausse des prix plus importante.
"Si cela se produit soudainement, par exemple si le Turkish Stream s'arrête, les prix pourraient augmenter. Même dans ce cas, je ne m'attends pas à une pénurie physique. Cependant, les négociants, constatant que le pays est en difficulté, ne proposeront plus de gaz à bas prix. Je pense qu’il y aurait alors une ruée sur le marché, avec des conséquences lourdes pour la Hongrie et peut-être la Slovaquie, mais pas pour l'ensemble de la région", explique l'expert.
La fin de l’avantage tarifaire du gaz russe
Dans les années 2010, les prix de gros européens étaient de 30 à 50 % inférieurs aux prix japonais ou coréens. L'écart de prix a ensuite disparu en 2021-22 et une énorme augmentation des prix a eu lieu sur le marché mondial après le début de la guerre.
L’avantage concurrentiel des entreprises européennes a disparu, tandis que leur retard face aux entreprises américaines, qui bénéficient d’une énergie domestique peu coûteuse, s’est accentué.
En outre, les hausses de prix enregistrées au cours de l'hiver 2022-2023, après le début de la guerre, ont fait peser une lourde charge financière sur les pays européens.
Selon András Deák, la Hongrie a payé environ 6,7 milliards d'euros de plus pour les importations de gaz en 2022 et 3,4 milliards d'euros de plus pour les importations d'électricité, dont le prix a augmenté avec celui du gaz, qu'en 2019 .
Ces dépenses supplémentaires, qui représentent près de 6 % du PIB annuel, sont considérées comme la conséquence économique la plus importante de la guerre en Ukraine.
Le gaz russe, un outil stratégique limité
L'utilisation par la Russie de ses exportations d'énergie comme arme n'a cependant pas perturber gravement l'approvisionnement énergétique de l'Europe. Les Européens ont diversifié leurs sources et réduit leur consommation.
Moscou n'a pas utilisé l'arme du gaz de manière systématique, mais a joué un jeu de bluff entre les États membres de l'UE : certains ont été privés de livraisons, d’autres épargnés, et la Hongrie a même vu ses volumes de gaz augmenter. Ainsi, en 2024, la Russie représentait encore près d’un cinquième des importations européennes de gaz.
Entre-temps, le marché mondial du GNL a connu une telle croissance que trois ou quatre années de développement suffiraient à compenser la perte du gaz russe en Europe. L’abandon du gaz russe n’entraînera donc pas de bouleversement radical de l’approvisionnement européen : il marquera simplement la fin de l’avantage tarifaire que le gaz russe offrait depuis des décennies.
Premiers pas vers le gaz occidental
Selon András Deák, la Hongrie mise sur la fin de la guerre en Ukraine pour que l'Union européenne relâche la pression qu'elle exerce sur le pays pour qu'il réduise sa dépendance aux énergies russes. Bruxelles et Washington, dont l’influence sur le marché de l’énergie ne cesse de croître, pourrait toutefois continuer à imposer leur ligne à Budapest, quel que soit le dénouement du conflit.
Sous la pression américaine, le ministre hongrois des Affaires étrangères et du Commerce, Péter Szijjártó, a signé un contrat avec Shell pour 200 millions de mètres cubes de gaz naturel, marquant une première tentative d’approvisionnement depuis l’Ouest.
Jeudi, le ministre a annoncé un contrat encore plus conséquent avec l'Occident : la société française ENGIE fournira à la Hongrie 400 millions de mètres cubes de gaz naturel liquéfié par an pendant dix ans.
Ces deux sources pourraient à elles-deux couvrir 6 à 8 % de la consommation annuelle de gaz domestique dans le pays.