Allié idéologique clé de Donald Trump, Javier Milei a recueilli près de 41 % des voix lors des élections législatives de mi-mandat. Selon les décomptes effectués par les médias locaux à partir des chiffres des autorités électorales, il remporte 64 sièges de députés et 14 sénateurs supplémentaires.
Javier Milei a signé, ce dimanche 26 octobre, une victoire éclatante lors des élections législatives de mi-mandat. Le parti ultralibéral du président argentin La Libertad Avanza a obtenu environ 40,7 % des voix exprimées au niveau national, selon des résultats officiels à 99 % du décompte.
Le président argentin a remporté des victoires décisives dans des districts clés, balayant huit provinces lors du vote pour renouveler un tiers du Sénat, des chiffres qui dépassent les projections des analystes.
Selon des projections exprimées, ce dimanche, par Javier Milei, mais pour l'instant non confirmées par l'autorité électorale, son bloc de députés passerait de 37 à 101 (sur 257 sièges) et ses sénateurs de six à vingt (sur 72 sièges). Cela renforce ainsi suffisamment le soutien du gouvernement au Parlement pour maintenir les vetos présidentiels, bloquer les tentatives de destitution et mener à bien ses ambitieux projets de réforme fiscale et de réforme du travail dans les mois à venir.
En revanche, ces élections sont vécues comme un camouflet par le mouvement d'opposition populiste de gauche, connu sous le nom de péronisme, qui a recueilli plus de 31 % des votes exprimés, ce que les analystes ont décrit comme la plus mauvaise performance de l'alliance depuis des années.
Bien que le vote soit obligatoire, les autorités électorales ont fait état d'un taux de participation d'un peu moins de 68 % dimanche, l'un des plus faibles enregistrés depuis le retour de la démocratie dans le pays en 1983.
Mais qu'importe pour Javier Milei. Au siège de son parti, dans le centre de Buenos Aires, il a fait irruption sur scène et a entonné d'un ton rauque quelques lignes du morceau de death metal qui est devenu son hymne : "Je suis le roi d'un monde perdu".
"Le peuple argentin a décidé de laisser derrière lui 100 ans de décadence", s’est-il exclamé sous les acclamations de ses partisans, faisant référence à une succession de gouvernements péronistes responsables, selon lui, des spirales inflationnistes et des défauts de paiement de l’Argentine. "Aujourd’hui, nous avons franchi un tournant. Aujourd’hui commence la construction d’une grande Argentine."
Un intérêt inédit de Washington
Cette élection est généralement considérée comme un référendum de facto sur les presque deux ans de mandat de celui qui se décrit comme un anarcho-capitaliste et sert à renforcer sa capacité à mener à bien son expérience radicale de libre marché avec le soutien de milliards de dollars de l'administration Trump. Ce dernier, allié idéologique clé de Javier Milei, avait promis une aide massive pouvant aller jusqu'à 40 milliards de dollars pour soutenir la monnaie argentine, qui est sous une intense pression depuis plus de deux mois.
Jamais une élection législative argentine n'avait suscité autant d'intérêt à Washington et à Wall Street. "Félicitations au président Javier Milei pour sa victoire écrasante en Argentine. Il fait un travail formidable ! Notre confiance en lui a été justifiée par le peuple argentin", a écrit le président états-unien sur son réseau Truth Social. Ce dernier avait même menacé de retirer son soutien en cas de victoire du camp péroniste.
Ces propos controversés ont accentué la pression sur Javier Milei, qui tentait d’éviter une crise monétaire depuis la victoire écrasante de l’opposition péroniste aux élections provinciales de Buenos Aires le mois dernier. Les obligations et la monnaie argentines ont alors chuté, les marchés redoutant que la population perde patience face aux réformes. Pour endiguer la chute du peso, Javier Milei avait alors puisé dans les réserves de changes du pays.
Une série de scandales, dont des allégations de corruption à l'encontre de la puissante sœur de Javier Milei, Karina Milei, a également nui à l'image du président. Mais le soutien affiché de Donald Trump lui ont permis de reprendre l'avantage dans l'opinion publique.
"Pour les investisseurs étrangers, ce résultat est un soulagement, car il montre que le programme de Javier Milei peut être durable", a expliqué Marcelo J. García, directeur pour le continent américain du cabinet de conseil en risques géopolitiques Horizon Engage. "Cela laisse l’opposition affaiblie et fragmentée, tout comme elle l’était lorsque Javier Milei a remporté la présidence en décembre 2023", a-t-il ajouté.
Percée historique de Javier Milei
Les résultats ont montré que le jeune parti libertarien de Javier Milei gagne du terrain dans tout le pays, y compris dans des régions qui votent historiquement pour l'alliance de gauche. Dans la province de Buenos Aires, bastion péroniste abritant près de 40 % de l’électorat, La Libertad Avanza a remporté une victoire importante (41,45 % pour le parti de Javier Milei - 40,91 % pour les péronistes).
Après les résultats, Axel Kicillof, gouverneur de la province et figure majeure de l’opposition péroniste, a critiqué Donald Trump pour avoir "pesé dans la balance". Il a averti que les milliards de dollars d’aide financière du Trésor américain et des banques d’investissement n’aideraient en rien les Argentins, étranglés par les coupes dans les subventions et une économie en contraction.
"Je veux être clair : ni le gouvernement américain, ni JP Morgan ne sont des sociétés caritatives", a-t-il déclaré. "S’ils viennent en Argentine, c’est uniquement pour faire du profit", a-t-il tranché.
Grâce à ses réformes de déréglementation et à la suppression des tarifs douaniers, Javier Milei a également conquis le puissant secteur agricole. La Libertad Avanza a balayé les provinces de Santa Fe (productrice de soja) et de Córdoba, autre fief agricole.
"La situation empire de jour en jour"
Cependant, les experts préviennent que le président argentin devra encore tisser des alliances pour faire adopter son programme. Avec le nombre limité de sièges en jeu, il était mathématiquement impossible pour Javier Milei d’obtenir une majorité absolue dans les deux chambres. "Cette victoire est nécessaire, mais pas suffisante pour contrôler le Congrès", a déclaré le politologue Sergio Berensztein. "Le gouvernement doit construire une coalition large et efficace avec des forces partageant ses idées."
Le résultat de dimanche mettra aussi à l’épreuve la patience du public face aux mesures d’austérité. Bien que les coupes budgétaires aient fait chuter l’inflation (passée de 289 % en avril 2024 à 32 % le mois dernier), les prix augmentent encore plus vite que les salaires et les retraites. Et avec la suppression des subventions par Javier Milei, les ménages paient désormais plus cher les transports publics et l'électricité.
L’électorat semble désormais profondément polarisé entre les bénéficiaires des réformes de Javier Milei et ceux qui peinent à joindre les deux bouts. Dans le quartier de Puerto Madero, les ventes de voitures de luxe explosent depuis la levée des restrictions à l’importation. Les rues fourmillent de banquiers saluant la fin de l’interdiction de vendre des dollars en ligne. Les restaurants haut de gamme sont remplis de dirigeants pétroliers argentins qui louent l’ouverture du pays aux investissements étrangers.
Mais en face vit une population qui a de plus en plus de mal à vivre. "On ne peut pas vivre avec 290 000 pesos [environ 167 euros, NDLR] par mois avec l’inflation actuelle", assure Epifanía Contreras, 64 ans, qui dit supporter de plein fouet les coupes budgétaires et fréquente les soupes populaires. "La situation empire de jour en jour."