Colère des agriculteurs : quel impact sur l'économie européenne ?

Des agriculteurs brandissent un drapeau sur lequel est écrit en allemand "Notre pays d'abord" alors qu'ils protestent devant la Colonne de la Victoire, à Berlin, le lundi 15 janvier 2024. 15 janvier 2024.
Des agriculteurs brandissent un drapeau sur lequel est écrit en allemand "Notre pays d'abord" alors qu'ils protestent devant la Colonne de la Victoire, à Berlin, le lundi 15 janvier 2024. 15 janvier 2024. Tous droits réservés Kay Nietfeld/(c) Copyright 2024, dpa (www.dpa.de). Alle Rechte vorbehalten
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Par Osama Rizvi, economist and market analyst
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Cet article a été initialement publié en anglais

Combien les manifestations des agriculteurs belges, français, allemands ou encore hollandais pourraient-elles coûter à l'économie européenne ?

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Afin de replacer dans leur contexte les manifestations qui ont lieu actuellement dans toute l'Europe, il est important de comprendre où tout a commencé.

L'histoire des protestations actuelles peut être retracée jusqu'au Green Deal (2019) qui impliquait des modifications significatives pour atteindre la neutralité climatique. L'objectif de cet accord était de décarboniser et de numériser l'économie européenne. Il proposait des modifications importantes des politiques dans le but d'atteindre la neutralité climatique d'ici 2050.

Toutefois, les décideurs politiques n'ont pas tenu compte de ce que l'on appelle la réflexion de second ordre, à savoir l'impact sur les agriculteurs. Les turbulences actuelles ont convergé avec un ralentissement dans toutes les grandes économies européennes, créant les bases d'une méga-crise.

Parmi les nombreuses stratégies proposées, la stratégie "De la ferme à la table" a introduit deux objectifs clés liés au secteur agricole européen :

  • Réduire de 50 % l'utilisation de pesticides et d'engrais
  • Faire en sorte que 25 % de l'agriculture soit biologique d'ici à 2030.

En raison de la menace existentielle causée par la dégradation de l'environnement, le Green Deal européen vise toujours à assurer la durabilité de la biodiversité et des écosystèmes.

Développements récents

En novembre dernier, les responsables politiques de l'UE ont rejeté la proposition de loi sur "l'utilisation durable des pesticides", qui était l'une des principales clauses de la stratégie "De la ferme à la table". Bien que le projet de loi visait à promouvoir l'agriculture biologique, il n'a pas vu le jour.

Les réactions négatives sont venues non seulement des agriculteurs, mais aussi des politiciens de droite qui pensaient que le projet de loi pourrait avoir un impact négatif sur les rendements des cultures, perturbant ainsi la production alimentaire. Le principal groupe agricole de l'UE, le COPA-COGECA, a critiqué le projet de loi.

"N'oublions pas que cette proposition était idéologique dès le départ, sans lien avec les réalités de l'agriculture, proposant des transitions irréalistes sans le financement nécessaire", a affirmé le groupe. "N'oublions pas que toute cette polarisation aurait pu être évitée et que des solutions auraient pu être trouvées sans l'obstination idéologique de quelques décideurs", a ajouté le groupe.

La situation actuelle

Dans de nombreuses régions d'Europe, les manifestations se sont transformées en barrages routiers, reflétant la colère suscitée par la hausse des prix, les bas salaires et les réglementations environnementales de l'UE. La concurrence dans l'industrie alimentaire locale ne fait qu'aggraver la situation, laissant peu d'espoir aux agriculteurs.

Selon un reportage de la chaîne américaine, CNBC, on pouvait lire sur les pancartes de la manifestation : "lorsque les agriculteurs sont ruinés, la nourriture doit être importée", et sur une autre pancarte : "pas d'agriculteur, pas de nourriture, pas d'avenir".

Un agriculteur pose pour une photo lors d'une manifestation à Berlin, Allemagne, lundi 15 janvier 2024
Un agriculteur pose pour une photo lors d'une manifestation à Berlin, Allemagne, lundi 15 janvier 2024Ebrahim Noroozi/Copyright 2024 The AP. All rights reserved.

La situation critique des agriculteurs n'est pas seulement liée aux mesures politiques spécifiques de l'État, mais constitue également une tentative de défier les réglementations environnementales de l'UE et la vision de la durabilité pour les temps à venir.

Les agriculteurs allemands protestent contre le projet du gouvernement de réduire les subventions au diesel. Les agriculteurs français protestent contre les réglementations excessives concernant leurs activités agricoles. Les agriculteurs néerlandais protestent contre les plans environnementaux du gouvernement, qui visent à réduire le cheptel afin de diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

Impact des manifestations sur l'économie européenne

Cette agitation risque non seulement de perturber l'organisation agricole de la région, mais aussi de perturber le secteur des transports responsable de la livraison de diverses marchandises, interrompant ainsi l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement et affectant l'économie régionale dans son ensemble.

Un policier passe devant un agriculteur à l'extérieur du marché international de Rungis, qui fournit à la capitale et à sa région une grande partie de ses produits frais
Un policier passe devant un agriculteur à l'extérieur du marché international de Rungis, qui fournit à la capitale et à sa région une grande partie de ses produits fraisChristophe Ena/Copyright 2024 The AP. All rights reserved.

Les manifestations agressives, les affrontements avec la police, les fermetures nationales, les blocages de routes et les protestations de masse auront de graves répercussions sur le commerce et le secteur manufacturier.

En outre, les agriculteurs ciblent désormais les zones portuaires dans le but de perturber les infrastructures logistiques et d'avoir un impact sur les activités portuaires. Récemment, lors d'une des manifestations en Belgique, le port de Zeebrugge a été bloqué par les agriculteurs pendant 36 heures dans le cadre des manifestations européennes.

Au cours de l'été et de l'automne derniers, l'Europe a dû faire face à des dégâts considérables causés aux forêts et aux cultures par des inondations et des incendies de forêt. En conséquence, de nombreux agriculteurs ont perdu leur bétail et leurs récoltes et ont subi de lourdes pertes financières.

Avant que l'Europe n'ait eu la possibilité de se remettre des répercussions économiques, les actions des agriculteurs ne font qu'aggraver les problèmes en pesant sur l'infrastructure économique des différents pays et en minimisant les possibilités de rétablissement de l'infrastructure agricole.

Les manifestations peuvent non seulement entraîner le déclin du paysage économique national, mais aussi avoir un impact sur l'économie au niveau de l'UE. Comme le dit la Banque Centrale Européenne (BCE) : "l'économie de la zone euro restera faible à court terme, mais devrait reprendre de la vigueur plus tard dans l'année".

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La voie à suivre

Pour combler le fossé, l'UE doit parvenir à un accord garantissant des prix équitables aux agriculteurs, afin que la transition vers une économie verte se fasse en douceur et sans heurts.

Compte tenu de la concurrence internationale, les agriculteurs doivent bénéficier d'une sécurité de revenu équitable afin qu'ils puissent eux aussi profiter de la vision du "Green Deal" de l'UE.

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