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Confrontation ou négociations : comment les pays européens réagissent-ils aux droits de douane américains ?

L'UE est divisée face à la guerre commerciale menée par le président américain Donald Trump
L'UE est divisée face à la guerre commerciale menée par le président américain Donald Trump Tous droits réservés  Euronews
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Par Peggy Corlin & Gerardo Fortuna
Publié le
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Pendant la pause de 90 jours des droits de douane "réciproques" de Donald Trump, l'UE cherchera à affiner sa stratégie pour répondre à Washington. Mais les approches diffèrent selon les pays.

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Alors que l'Union européenne évalue sa réponse aux droits de douane américains et espère entamer des négociations avec les États-Unis, un fossé s'est creusé au cours des dernières semaines au sein de l'Union sur l'intensité et l'étendue des mesures de rétorsion potentielles.

Alors que certains pays appellent à la fermeté et à l'unité, d'autres prônent la prudence, mettant en garde contre l'escalade et les retombées économiques.

La France et l'Allemagne prêts à entamer un bras-de-fer avec Washington

Plusieurs États membres souhaitent montrer les muscles face à l'administration Trump, pour se placer en position de force dans les négociations visant à lever les droits de douane américains - actuellement de 25 % sur l'aluminium, l'acier et les voitures, et de 10 % sur l'ensemble des autres produits.

Ces pays font valoir qu'en plus d'imposer des droits de douane sur les marchandises, l'UE pourrait frapper les services américains - pour lesquels les États-Unis ont un excédent commercial important vis-à-vis de l'UE - et utiliser son arme "nucléaire", l'instrument anti-coercition, pour refuser aux entreprises américaines l'accès aux marchés publics européens, ou pour les priver de licences et de droits de propriété intellectuelle.

France

La France est l'un des pays qui se sont montrés les plus combatifs vis-à-vis de Donald Trump.

Le 4 avril, le président français Emmanuel Macron a dénoncé les droits de douane américains soi-disant "réciproques" de 20 % sur les importations de l'UE, les qualifiant de "brutaux et infondés".

"Les investissements futurs [aux États-Unis], les investissements annoncés ces dernières semaines, devraient être suspendus pendant un certain temps", a-t-il exhorté les chefs d'entreprise français.

Le président français Emmanuel Macron préside une réunion avec des représentants des secteurs affectés par les droits de douane, à Paris, le jeudi 3 avril 2025
Le président français Emmanuel Macron préside une réunion avec des représentants des secteurs affectés par les droits de douane, à Paris, le jeudi 3 avril 2025 Mohammed Badra, Pool via AP

Dans les couloirs du Conseil, où se réunissent les États membres de l'UE, les diplomates français insistent sur la nécessité d'une réponse énergique aux droits de douane américains.

Après les droits de douane européens de 25 % imposés mercredi sur une série de produits américains, Paris veut aller plus loin et riposter aux taxes américaines "réciproques" et aux droits de douane distincts de 25 % sur les voitures, qui ont été suspendus pendant 90 jours.

"Je pense qu'il ne faut exclure aucune option sur les biens, sur les services, quelle que soit la façon de l'aborder, et ouvrir la boîte à outils européenne, qui est très complète et qui peut aussi être extrêmement, extrêmement agressive en retour", a déclaré lundi le ministre français du Commerce, Laurent Saint-Martin, qui pense "bien sûr à l'instrument anti-coercition".

Le président français a toutefois admis que l'économie française n'était pas aussi exposée au commerce américain que certains autres pays : "Les exportations vers les États-Unis représentent 1,5 % de notre produit intérieur brut (PIB). Ce chiffre est de 3 % pour l'Italie, de 4 % pour l'Allemagne et de 10 % pour l'Irlande".

La France s'est cependant battue pour exclure le bourbon de la première liste des mesures de rétorsion afin d'éviter que ses vins ne subissent les foudres américaines, le président américain Donald Trump les menaçant de droits de douane de 200 %.

Allemagne

L'assaut des droits de douane américains menace tout particulièrement l'Allemagne, premier exportateur de l'UE vers les États-Unis, avec 157,7 milliards d'euros de biens vendus outre-Atlantique en 2023, selon Eurostat.

"Les Européens sont déterminés à se défendre et cet exemple montre que l'unité est surtout utile", a déclaré le futur chancelier Friedrich Merz dans une interview à propos de la suspension des droits de douane américains pendant 90 jours.

Le futur chancelier allemand Friedrich Merz s'adresse aux médias après avoir conclu un accord de coalition pour un nouveau gouvernement allemand
Le futur chancelier allemand Friedrich Merz s'adresse aux médias après avoir conclu un accord de coalition pour un nouveau gouvernement allemand AP Photo/Ebrahim Noroozi

Après avoir plaidé en faveur d'une approche modérée, le gouvernement allemand s'est rangé du côté de la France et semble prêt à utiliser l'arme "nucléaire" commerciale de l'UE en cas de besoin.

Le 7 avril, alors qu'il se rendait à une réunion des ministres européens du Commerce dans un contexte de chute des marchés boursiers, Robert Habeck, ministre de l'Économie de l'actuel chancelier allemand Olaf Scholz, a clairement indiqué que l'UE devait s'engager avec force auprès des États-Unis.

"Les marchés boursiers sont déjà en train de s'effondrer et les dégâts pourraient être encore plus importants. Il est donc important d'agir de manière claire, décisive et prudente", a-t-il déclaré. "Nous devons nous rendre compte que nous sommes en position de force. Les États-Unis sont en position de faiblesse".

Outre les droits de douane, l'Allemagne a mis sur la table l'outil anti-coercition comme mesure de rétorsion potentielle aux droits de douane américains.

"Il s'agit de mesures qui vont bien au-delà de la politique tarifaire", a déclaré Robert Habeck, soulignant une "large palette" de représailles qui pourraient être étendues aux services numériques américains.

Espagne

Tout en prônant le dialogue et la coopération multilatérale, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a soutenu des contre-mesures proportionnelles, appelant à l'unité européenne face aux menaces commerciales américaines.

"Aujourd'hui plus que jamais, l'Europe doit être préparée et montrer cette unité pour répondre à toute éventualité", a-t-il déclaré.

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s'exprime lors d'une conférence de presse à l'ambassade d'Espagne à Pékin, le vendredi 11 avril 2025.
Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s'exprime lors d'une conférence de presse à l'ambassade d'Espagne à Pékin, le vendredi 11 avril 2025. AP Photo/ Ng Han Guan

Son ministre de l'Économie, Carlos Cuerpo, a même invité ses homologues européens à rester ouverts "à tous les moyens potentiels de représailles contre les tarifs douaniers américains" dans une interview, ajoutant : "Nous sommes ouverts aux négociations, nous sommes ouverts au commerce, mais nous ne serons pas naïfs".

Après l'annonce par Donald Trump d'une trêve tarifaire de 90 jours, Pedro Sánchez a toutefois salué cette initiative comme "une porte vers la négociation" et une chance de renouveler la coopération internationale.

Lors d'une visite officielle au Vietnam, vendredi, le Premier ministre espagnol a réitéré son soutien à l'ouverture des échanges, affirmant que les guerres commerciales entraînent des pertes mutuelles.

D'autres États se veulent prudents face au risque d'escalade

Au sein de l'Union, plusieurs États membres ont en revanche opté pour une approche conciliante, privilégiant la diplomatie et la désescalade à la confrontation avec Washington.

Tous les pays de l'UE - à l'exception de la Hongrie - ont tout de même voté en faveur de la première vague de représailles de l'UE mercredi.

Italie

La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a déclaré qu'"une guerre commerciale n'est dans l'intérêt de personne, pas même des États-Unis" et qu'elle a l'intention d'aborder la question avec Donald Trump pour trouver des solutions positives sans escalade.

La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, lors du sommet de la "Coalition des volontaires" pour l'Ukraine au Palais de l'Élysée, à Paris, le jeudi 27 mars 2025
La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, lors du sommet de la "Coalition des volontaires" pour l'Ukraine au Palais de l'Élysée, à Paris, le jeudi 27 mars 2025 Ludovic Marin, Pool via AP

La dirigeante italienne a déjà annoncé son intention de rencontrer le président américain le jeudi 17 avril à Washington pour discuter de l'élimination mutuelle des droits de douane sur les produits industriels entre les États-Unis et l'UE.

Giorgia Meloni n'a cessé de souligner l'importance du marché américain pour les exportations italiennes - qui, selon Eurostat, s'élevaient à 67,3 milliards d'euros en 2023 - et a averti que de nouveaux droits de douane pourraient avoir de graves répercussions sur les producteurs italiens.

Irlande

Le Taoiseach irlandais, Micheál Martin, a toujours défendu les relations commerciales transatlantiques, l'Irlande étant l'un des principaux partenaires commerciaux des États-Unis en Europe.

Rejetant les mesures de rétorsion, le dirigeant irlandais a exhorté l'Union européenne à présenter un "front uni" tout en soulignant l'importance de maintenir le dialogue avec Washington.

"L'engagement est essentiel", a-t-il déclaré. "Notre objectif est de résoudre ce problème en privilégiant la protection de l'emploi et le maintien de l'infrastructure économique en Irlande".

Micheál Martin s'exprime lors d'une conférence de presse avec le commissaire européen chargé de la Démocratie Michael McGrath, à Dublin, en Irlande, le jeudi 3 avril 2025
Micheál Martin s'exprime lors d'une conférence de presse avec le commissaire européen chargé de la Démocratie Michael McGrath, à Dublin, en Irlande, le jeudi 3 avril 2025 Brian Lawless/PA via AP

Micheál Martin estime que les droits de douane ne sont "pas propices à la croissance économique". Les modèles économiques prévoient qu'un droit de douane de 10 % pourrait réduire le PIB de l'Irlande de 2,5 % et la production intérieure de 1,7 %, étant donné que les exportations de l'Irlande vers les États-Unis s'élevaient à 51,6 milliards d'euros en 2023.

Les produits pharmaceutiques, qui représentent plus de la moitié des exportations irlandaises vers les États-Unis, restent un sujet de préoccupation majeur. Bien qu'il soit actuellement exempté des droits de douane américains, le secteur est toujours considéré comme menacé en cas d'escalade future.

Hongrie

Bien qu'exposée aux droits de douane américains en raison de sa dépendance à l'égard de l'industrie automobile allemande, la Hongrie ne souhaite pas prendre de mesures de rétorsion à l'encontre des droits de douane américains. Elle a été le seul pays à voter contre la première vague de mesures de rétorsion de l'UE contre les droits de douane américains mercredi.

Le Premier ministre Vitkor Orbán, qui est politiquement proche de Donald Trump, semble espérer qu'un accord économique avec les États-Unis compensera l'impact des taxes douanières américaines sur son pays.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán arrive à une cérémonie d'accueil du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu au château de Buda à Budapest, en Hongrie.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán arrive à une cérémonie d'accueil du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu au château de Buda à Budapest, en Hongrie. AP Photo/Denes Erdos

"Il y aura un paquet de coopération économique hongro-américain qui sera d'une aide considérable pour l'économie hongroise. C'est une bonne chose pour nous, même si entre-temps il y a une guerre tarifaire - que la Hongrie perdra bien sûr, comme tous les autres pays de l'Union européenne", a déclaré Viktor Orbán lors de la conférence annuelle de la Chambre de commerce et d'industrie hongroise, le 8 mars.

Lundi, Péter Szijjártó, son ministre du Commerce, a reproché à la Commission européenne de ne pas avoir mis en place une "coopération douanière avec les États-Unis".

"Le problème n'était pas compliqué", a-t-il déclaré, "les droits de douane sur l'industrie automobile, qui est l'épine dorsale des économies des deux continents, auraient dû être réduits, et tout le monde s'en serait mieux porté".

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