Le film de la semaine : "The Old Oak" de Ken Loach, film mineur et post-mineur

"The Old Oak", Ken Loach
"The Old Oak", Ken Loach Tous droits réservés Le Pacte
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Par Frédéric Ponsard
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Tel un vieux chêne, le cinéaste britannique de 87 ans revient avec un film qui frôle le manichéisme sans y tomber. Un film mineur qui apporte néanmoins une touche d'espoir dans un monde brutal et inquiet.

The Old Oak, Ken Loach

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Royaume-Uni, France, Belgique (1h53)
Avec Dave Turner, Ebla Mari, Claire Rodgerson, Trevor Fox

Ken Loach, le vieux chêne

A 87 ans, le cinéaste britannique livre selon ses dires son dernier opus dans lequel on peut donc y lire une sorte de testament. Ken Loach reste ici fidèle à ce qu'il a montré tout au long de son oeuvre colossale (une trentaine de longs métrages, autant de courts, segments, documentaires ou films de télévision) : un attachement aux valeurs humanistes de solidarité, d'ouverture à l'autre, de l'altérité, de la lutte des classes et du combat incessant en général du faible contre le fort. Un vieux chêne, donc, immuable, sous lequel il fait bon venir se reposer car l'on sait que l'on y captera à son ombre de l'optimisme enraciné dans une foi inextinguible en l'humain. Malgré une société désenchantée et un monde qui prend l'eau de toute part.

"Eat and sit" !

Nous sommes en 2016, dans ce nord de l'Angleterre qu'il a si souvent filmé. Avec toujours en complice d'écriture, le scénariste Paul Laverty. "The Old Oak" (Le Vieux chêne en français, vous l'avez compris) est ce pub tenu par Ty Ballantyne (Dave Turner), ancien mineur, nostalgique du temps où le bar était le centre névralgique de la cité, devenu aujourd'hui le dernier rempart contre l'ennui, l'inactivité et la télévision pour des clients ravagés par le chomage. Lorsqu'un bus de migrants syriens débarquent devant le pub, les camps se forment presque instinctivement. Il y a ceux qui sont curieux ou aidants, les autres qui sont indifférents ou méfiants. Et puis il y a Aya, encore adolescente mais tête pensante et agissante du groupe de réfugiés qui va essayer de trouver toutes les solutions possibles pour que les deux populations se rencontrent. Son rêve, dans lequel elle va embarquer Ty, c'est que les gens s'assoient et mange ensemble ("Eat and Sit"), au Old Oak, comme au bon vieux temps où les mineurs réunis solidarisaient autour d'une pinte. Bien sûr, les temps ont changé et les antagonismes se sont creusés. Les émigrés peuplent aussi la terre d'Albion désormais, et de nouveaux arrivants malgré eux, ces migrants syriens en l'occurence, viennent ajouter au sentiment latent et attisé par les populistes que les étrangers sont une menace et un danger.

De l'espoir à défaut de lendemains qui chantent

Produit entre l'Angleterre et la France, présenté à Cannes, cet "Old Oak" n'a pas bouleversé les festivaliers, habitués peut-être à ce double palmé qui revient souvent faire un tour sur la Croisette avec ses histoires de prolétaires anglais, comme pour rappeler au monde que les richesses sont bien les choses les moins bien partagées au monde. J'ai trouvé effectivement le film bien moins puissant que "I, Daniel Blake", Palme d'or mérité en 2016, et moins nerveux et tendu que "Sorry, We Missed You" en 2019, ses deux derniers longs métarges en compétition. L'enfer peut être pavé de bonnes intentions et Loach livre un film qui frôle parfois le manichéisme, sans toutefois y tomber. Car Loach a ce don de nous embarquer, malgré nous presque, dans ce fol espoir que l'humanité va se reprendre et faire la paix, enfin. Les obstacles sont de plus en plus nombreux semble-t-il nous dire et, à l'image de son personnage de Ty qui, malgré les chicanes et les galères, le doute et la lassitude, arrivera à faire entrevoir un avenir qui, à défaut d'être radieux, peut s'écrire autrement qu'en noir.

Un film mineur et post-mineur

Un film mineur du vieux chêne britannique, post-mineur même, puisqu'il nous parle aussi entre les lignes d'un monde disparu, celui de la mine et des solidarités entre travailleurs. Les temps ont changé, les mines ont fermées, les mines se sont renfermées et le rêve internationaliste envolé. Seul subsiste l'enseigne bringuebalante du Old Oak pour y trouver refuge en cas de coup dur, et une jeunesse pas encore désanchantée incarnée par cette adolescente syrienne Aya, seul lueur azur d'espoir du film d'un monde plus fraternel.

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