Les forces armées sont responsables d’environ 5,5 % des émissions mondiales, mais leurs émissions restent largement non comptabilisées dans l’Union européenne.
L’UE risque de ne pas atteindre ses objectifs climatiques si elle ne fait pas preuve d’un « leadership crédible » et ne publie pas intégralement les émissions de ses armées.
Des experts avertissent que le coût environnemental des conflits ne peut plus rester « caché au vu et au su de tous », alors que la COP30 voit s’intensifier les négociations sur la sortie des énergies fossiles.
Une étude de 2022 menée par Scientists for Global Responsibility et le Conflict and Environment Observatory estime que les armées sont responsables d’environ 5,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les conflits armés émettant plus de CO₂ que la plupart des pays.
Cependant, elles sont largement exclues des obligations de déclaration prévues par les accords climatiques mondiaux.
La guerre alimente-t-elle la crise climatique ?
L’an dernier, 92 pays, soit près de la moitié du monde, ont fait la guerre. La guerre généralisée dévaste non seulement les moyens de subsistance des populations des zones de conflit, mais elle ravage aussi l’environnement.
Les émissions proviennent d’avions et de chars gourmands en carburant, mais aussi des opérations de déblaiement et de reconstruction des dégâts après les combats.
Selon The War On Climate, la guerre Israël-Gaza a produit 32,2 millions de tonnes d’équivalents CO₂ en seulement 15 mois.
En trois ans, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a également généré un total ahurissant de 230 millions de tonnes d’équivalents CO₂.
« Les armées rejettent des quantités massives de gaz à effet de serre, dévastent les écosystèmes et laissent derrière elles des déchets toxiques qui empoisonnent les communautés pendant des générations », affirme l’organisation. « Pourtant, elles n’ont de comptes à rendre à personne. »
Les émissions militaires de l’Europe
L’UE laisse environ 82 % de ses émissions militaires non déclarées et devrait augmenter ses dépenses de défense de 100 milliards d’euros d’ici 2027.
L’Allemagne, par exemple, a récemment annoncé qu’elle augmentait fortement ses dépenses militaires, une décision qui, selon des experts, entraînera l’émission de 10 millions de tonnes de carbone.
Dans le même temps, le pays a réduit d’environ 1,5 milliard d’euros son budget annuel destiné à aider les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
« L’Europe ne peut pas se dire leader climatique tant que ses émissions militaires restent opaques », déclare le Dr Soroush Abolfathi, professeur associé à l’Université de Warwick et membre de The War on Climate.
« Les forces armées dans le monde généreraient environ 5,5 % des émissions globales, alors même que l’UE laisse environ 82 % de ses propres émissions militaires hors des comptes. »
Le Dr Abolfathi estime que l’UE doit combler ce manque alors que les discussions de la COP30 sur la sortie des énergies fossiles atteignent un « stade critique » afin de maintenir l’Accord de Paris à portée.
Une armée zéro émission, est-ce possible ?
Alors que de nombreux États de l’UE soutiennent que publier leurs émissions militaires représente une menace pour la sécurité, deux pays se sont engagés à des émissions militaires nettes nulles : l’Autriche et la Slovénie.
Mais le Dr Abolfathi confie à Euronews Green que cet objectif est « très ambitieux » et dépend de la définition retenue par le pays et de son périmètre.
« « Armée zéro émission » désigne-t-elle l’ensemble des forces armées ou seulement un sous-ensemble ? » demande-t-il.
« Même dans les États qui s’engagent sur la neutralité carbone, les principaux défis seront probablement la forte consommation de carburant, en particulier pour les avions et les navires, la fabrication d’équipements énergivores, les opérations à l’étranger et les émissions liées aux achats et aux chaînes d’approvisionnement. Beaucoup de ces éléments sont actuellement mal suivis ou mal déclarés. »
Les émissions militaires étant déclarées sur une base volontaire et souvent non ventilées, le Dr Abolfathi estime que parvenir à la neutralité nette nécessiterait un engagement politique, financier et technique très fort, ainsi qu’une « transformation de l’organisation de la logistique et des opérations de défense ».
« Cela dit, de tels objectifs peuvent être puissants sur le plan symbolique et encourager un suivi et une transparence plus détaillés, ce qui est une avancée positive », ajoute-t-il.
Quels États de l’UE ont les émissions militaires les plus élevées ?
Selon les estimations du Conflict and Environment Observatory, la France présente l’une des empreintes carbone militaires les plus élevées de l’UE, tandis que l’Allemagne affiche également des émissions militaires significatives.
L’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas apparaissent aussi dans les analyses des émissions militaires. Toutefois, leurs données déclarées sont plus limitées.
Une étude estime que l’ensemble des 27 États membres de l’UE affiche une empreinte militaire combinée de 24,8 Mt d’équivalents CO₂.
« Les pays dotés de gros budgets de défense, de matériels à forte consommation (par exemple des aéronefs ou des bâtiments navals) et de secteurs industriels de défense puissants sont les plus susceptibles d’être les plus grands émetteurs, mais en raison des lacunes dans les déclarations, le classement réel demeure assez incertain », explique le Dr Abolfathi.