Dépenses, transparence : l'Union européenne est-elle digne de confiance ?

Dépenses, transparence : l'Union européenne est-elle digne de confiance ?
Par Valérie Gauriat
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À l’occasion du soixantième anniversaire des Traités de Rome qui ont initié la construction européenne, nous consacrons un numéro spécial d’Insiders à l’Union.

À l’occasion du soixantième anniversaire des Traités de Rome qui ont initié la construction européenne, nous consacrons un numéro spécial d’Insiders à l’Union. On lui reproche son manque de transparence et son budget dispendieux. Nous avons cherché à savoir ce qu’il en était vraiment en enquêtant à Bruxelles auprès des institutionnels et de la société civile.

Le budget de l’Union européenne est-il si dispendieux et si mal géré qu’on le dit parfois ? L’argent des contribuables est-il mal utilisé ? Pour répondre à ces questions, commençons par rappeler quelques chiffres-clés.

Le budget de l’UE est en réalité relativement modeste : en 2016, il s’élevait à environ 158 milliards d’euros, soit 1% du PIB total des 28 Etats membres ou 85 centimes d’euros par jour pour chaque contribuable. Le fonctionnement administratif des institutions européennes représente par ailleurs, 6% des dépenses. Le reste finance des programmes destinés aux Etats membres et aux actions menées dans les pays tiers.

“Un peu moins de 4% du budget est dépensé à mauvais escient”

Rencontrons Marc Rogerson, porte-parole de la Cour des comptes européenne. Elle veille à ce que le budget soit dépensé à bon escient. Il nous précise que la marge d’erreur est la plus grande dans les domaines de l’agriculture, des ressources naturelles ou de la politique régionale, plus gros bénéficiaires des fonds européens. “ “Un peu moins de 4% de l’argent est dépensé à mauvais escient, c’est-à-dire en infraction avec les règles en vigueur, précise-t-il. Si par exemple, un contrat est attribué et que la procédure n’a pas été respectée, que l’appel d’offres n’a pas été bien communiqué, ce n’est pas en accord avec les règles, renchérit-il avant d’ajouter : Nous avons des cas d’aéroports sans avions, de ports sans cargos… Là, l’argent a été gaspillé et quand nous nous en rendons compte, nous le faisons savoir," affirme-t-il.

UE : la Cour des Comptes européenne dénonce 5,5 milliards de dépenses non justifiées https://t.co/KhO9VFqfAWpic.twitter.com/Dj3wbZPoPx

— Atlantico (@atlantico_fr) 14 octobre 2016

En cas de fraude délibérée, les dossiers sont référés à l’ OLAF, l’organisation de lutte anti-fraude européenne. En 2015, l’OLAF a recommandé le recouvrement de près de 900 millions d’euros contre quelque 187 millions récupérés sur des fraudes identifiées les années précédentes. Selon l’organisation, le montant des malversations imputées aux personnels et membres des institutions de l’Union européenne représente moins d’1% du total des infractions. Le gros des fraudes concerne les fonds structurels et sociaux, suivis des douanes, du commerce et de l’aide extérieure.

“Pas de marché unique pour la justice”

L’organisation anti-fraude européene n’a pas de pouvoir disciplinaire : ses recommandations de poursuites ne sont pas toujours suivies par les autorités nationales. S’ajoute la difficulté de traquer une criminalité qui n’a pas de frontières, souligne le responsable de l’OLAF, partisan
de la création d’un parquet européen.

“Les transactions financières illicites se font dans un marché ouvert ; mais quand il s’agit de la justice, il n’y a pas de marché unique, insiste
Giovanni Kessler, directeur général de l’organisation. Quand on veut traverser une frontière pour enquêter sur un délit qui a été commis au même moment et sous diverses formes dans trois Etats membres ou plus, notre travail est très compliqué, on a besoin de plus d’Europe dans ce domaine,” assure-t-il.

Plus d’Europe judiciaire, c’est l’un des thèmes du débat sur l’Europe à plusieurs vitesses au sein du Conseil européen. Une idée que soutient le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Il veut en revanche moins d’Europe quand il s’agit de réglementations. Lors d’une allocution devant des étudiants de Louvain-la-Neuve le 23 février, voici ce qu’il avait affirmé : “Nous ne voulons plus nous insérer dans tous les aspects de la vie quotidienne des Européens. J’ai dû lutter comme un lion contre la volonté d’un certain nombre de commissaires mal inspirés de régler au plan européen, les toilettes !” avait-il lancé.

La dérégulation : oui, mais à quel prix ?

“Le Président de la Commission européenne ne veut plus légiférer sur les chasses d’eau et part en croisade contre la bureaucratie, indique notre reporter Valérie Gauriat. De quoi en principe, faire gagner du temps et de l’argent aux citoyens européens ; mais en réalité, ce n’est pas si simple,” dit-elle.

La politique de dérégulation de la Commission peut au contraire coûter cher aux Européens, estime l’ONG bruxelloise Corporate Europe Observatory. Moins de règles, c’est aussi moins de protections pour les citoyens, souligne son porte-parole. “Cette politique de meilleure réglementation crée de nouveaux obstacles pour les réglementations dont nous avons besoin en matière de santé et d’environnement et elle donne à l’industrie, des leviers très puissants pour affaiblir les propositions de la Commission, estime Olivier Hoedeman, coordinateur de recherche dans cet Observatoire. On en a vu de nombreux exemples ces dernières années ; pour n’en citer qu’un : la Commission a dû établir une définition des perturbateurs endocriniens chimiques qui rendent malades des centaines de milliers de personnes chaque année et les font mourir prématurément, raconte-t-il. Elle a repoussé sa décision pendant des années et au final, poursuit-il, la définition de la Commission a été considérablement diluée sous la pression des lobbies industriels.”

Pq la Commission européenne ne régule-t-elle pas les perturbateurs endocriniens malgré le consensus scientifique ? https://t.co/PbD1fckOgDpic.twitter.com/DYSV54J7RP

— Pour la Science (@PourlaScience) 1 mars 2017

Transparence des Etats membres ?

Défendre les intérêts des citoyens, c’est la mission du médiateur européen. Emily O’Reilly et ses équipes enquêtent sur les cas de mauvaise administration des institutions et organes de l’Union ou encore de conflits d’intérêt impliquant des fonctionnaires européens comme l’affaire Barroso, ex-président de la Commission, recruté par Goldman Sachs.

Dernier dossier en cours : les négociations du Brexit sur lesquelles le médiateur veut plus de transparence. “Les gens veulent savoir comment les décisions sont prises et la transparence est un domaine clé de notre travail, rappelle Emily O’Reilly avant d’ajouter : Si l’on creuse un peu, quelle institution n’est pas transparente ? La Commission est plutôt transparente, le Parlement est plutôt transparent, on constate en réalité que c’est le Conseil qui est le moins transparent, dit-elle. Mais qu’est-ce que le Conseil? Le Conseil, ce sont les Etats membres ! Très souvent, ce sont les Etats membres et leurs responsables politiques qui ne veulent pas être transparents parce qu’ils peuvent faire passer à Bruxelles des choses qui ne plaisent pas aux citoyens,” conclut-elle.

More than 100 org join forces to demand serious #lobbytransparency reforms! The Europarl_EN</a> needs to lead the way! <a href="https://t.co/IAFZLrwxC4">https://t.co/IAFZLrwxC4</a> <a href="https://t.co/bzHlUvk5X8">pic.twitter.com/bzHlUvk5X8</a></p>&mdash; ALTER-EU (ALTEREU) 17 mars 2017

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