Covid : risques et les conséquences d'une pandémie qu’on croyait terminée

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Par Jorge Liboreiro
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L'Europe et le monde tournent la page du Covid alors que la pandémie continue de faire des victimes et que les séquelles seront longues et durables

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Après deux années dramatiques marquées par le choc, l'anxiété, le chaos, l'indignation, la fatigue et, pour la plupart, le simple ennui, les Européens semblent avoir décidé de tourner la page de cette pandémie qui a bouleversé tous les aspects de leur vie quotidienne, déclenché une crise économique sans précédent et transformé à jamais leurs habitudes professionnelles et personnelles.

Le continent en a assez des restrictions de voyage, des couvre-feux dans les villes, des fermetures d'entreprises et des limitations de voyage. Le carnaval de Venise, le festival de Glastonbury et l'Oktoberfest de Munich sont de retour et avides de rattraper le temps perdu.

Le changement s'est fait attendre : depuis que la première vague d'infections à coronavirus a commencé à s'estomper mi-2020, les Européens étaient impatients de tourner la page et d’oublier les tests PCR.

L’après-Covid tant attendu a plusieurs fois été repoussé par l’apparition de variants contagieux.

À chaque variant, les autorités rétablissaient des mesures de confinement dans un mouvement de va-et-vient qui finit par donner une impression de déjà-vu.

En apprenant que les symptômes d’Omicron étaient relativement bénins, beaucoup ont cru la fin plus proche que jamais.

Encouragés par le succès de la campagne de vaccination,

En Europe, fort du large taux de vaccination, les autorités sanitaires ont progressivement commencé à lever les mesures de restrictions anti-covid jusqu'à ne garder rien d’autre que des restrictions marginales et, dans certains cas, symboliques.

L'Espagne, l'un des pays les plus durement touchés par la pandémie, a abrogé le décret qui imposait depuis deux ans le port obligatoire d'un masque, à l'extérieur et à l'intérieur, reléguant l’obligation aux seuls transports publics et aux établissements de santé.

L'Autriche a levé l’obligation des « 3G » (« « geimpft, getestete, gennesen », soit en français « vacciné, testé ou guéri ») pour accéder aux restaurants, aux bars et aux boîtes de nuit.

La France a complètement le pass sanitaire qui avait suscité des semaines de controverses tout en inspirant d’autres pays.

L'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède, la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, l'Irlande et le Royaume-Uni ont également décidé de lever l’essentiel, si ce n’est l’ensemble des restrictions anti-covid.

Copenhague a franchi une étape supplémentaire : le Danemark est le premier pays européen à interrompre son programme de vaccination ant-covid arguant que la couverture vaccinale - plus de 82 % de la population est vaccinée deux fois - est suffisante pour contenir la pandémie à son stade actuel.

"Nous sommes dans une bonne situation. Le printemps est arrivé et nous avons un bon contrôle de l'épidémie, qui semble s'atténuer", a déclaré Bolette Søborg, responsable d'unité au Conseil national de la santé du pays.

Les autorités danoises prévoient de reprendre le programme à l'automne, lorsque les infections devraient augmenter et que de nouvelles variantes pourraient se propager.

De son côté, la Commission européenne a déclaré que la pandémie était entrée dans un nouveau chapitre et que le décompte quotidien des contaminations était désormais superflu. Pour détecter d’éventuel nouveaux variants, l’exécutif européen recommande aux pays membres de préférer l’analyse d’échantillon cibler aux campagnes de dépistage massif. "Nous entrons dans une autre phase de la pandémie", a déclaré, fin avril, la commissaire européenne à la santé Stella Kyriakides. "Une nouvelle phase qui nous oblige à repenser la manière dont nous gérons le virus". Mme Kyriakides encourage la poursuite de la campagne de rappels et remarque que plus de 90 millions de citoyens européens n'étaient toujours pas vaccinés. "Beaucoup de choses ont été réalisées, mais la préparation et la résilience structurelle sont essentielles", a-t-elle ajouté.

Selon la commissaire, entre 60 et 80 % de la population de l'Union européenne a été infectée par le virus à un moment donné au cours des deux dernières années.

Les limites de la résilience humaine

L'ampleur de ces chiffres soulève la question de la tolérance des Européens face à une maladie omniprésente. Les gouvernements réalisent la lassitude grandissante des Européens, des restrictions sanitaires de moins en moins supportées. La rapide levée des mesures anti-covid liée à Omicron témoigne de la prise de conscience des autorités.

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Les médias, eux aussi, sont pressés de ne plus traiter le Covid en une de l’actualité et de mettre l’accent sur d’autres sujets. La pandémie a laissé la place à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, aux sanctions internationales et à la flambée des prix de l'énergie.

Google Trends confirme une baisse constante de l'intérêt pour le terme "Covid-19" dans les plus grands pays européens. Cette tendance générale cache deux vérités gênantes.

En premier lieu, la pandémie n'est pas terminée.

Les hôpitaux européens ne sont plus débordés, mais le Covid continue de tuer (plus de 13 000 décès ont été enregistrés en avril). En Asie, Omicron fait des ravages. La stratégie chinoise du zéro Covid suscite la colère de la population et perturbe les chaînes d'approvisionnement mondiales.

Et dans le monde entier, l'inégalité face aux vaccins reste alarmante : seuls 15 % des habitants des pays à faibles revenus ont reçu une première dose de vaccin contre le Covid.

"Bien que les cas et les décès signalés soient en baisse dans le monde entier et que plusieurs pays aient levé les restrictions, la pandémie est loin d'être terminéeet elle ne sera terminée nulle part tant qu'elle ne sera pas terminée partout", a déclaré le Dr Tedros Adhanom Gebreyesus, directeur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), début mars, alors qu'il marquait le deuxième anniversaire de la définition du Covid-19 comme pandémie par l'organisme international.

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Deuxième vérité gênante : certaines victimes ne sont ni disposées ni prêtes à tourner si vite la page du virus.

Même si les perspectives générales incitent à l'optimisme, le traumatisme d'avoir vécu deux ans dans un état de stress permanent s’avère parfois paralysant.

"L'impression générale est que les gens passent très vite à autre chose et se comportent comme si le Covid n'existait plus" confie à Euronews Carmine Pariante, professeur de psychiatrie biologique au King's College de Londres.

"Le niveau d'anxiété de la population concernant le Covid est encore très élevé. Il y a beaucoup de gens qui ont encore du mal à socialiser, à aller au restaurant, à aller dans des endroits bondés. Et même s'ils le font, ils en nourrissent beaucoup d'anxiété. Le retour à la normale sera donc progressif."

La santé mentale est l'une des principales victimes du virus. Selon une note scientifique publiée en mars par l'OMS, au cours de la première année de la pandémie, les taux de prévalence de l'anxiété et de la dépression a augmenté dans le monde de 25 %.

L'agence des Nations unies souligne le "stress sans précédent causé par l'isolement social", auquel s'ajoutent la solitude, la peur de l'infection, le chagrin après un deuil, les problèmes financiers et, dans le cas des travailleurs essentiels, l'épuisement physique.

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Selon les experts, les séquelles sur la santé mentale seront durables et profondes, même si les infections continuent de diminuer. Il appartiendra aux gouvernements de décider de l'importance - et, surtout, des investissements - qu'ils accorderont au virus et à ses répercussions dans les années à venir.

Aux yeux de Mme Pariante, les décisions politiques détermineront à leur tour la vitesse à laquelle la conscience collective tournera la page de la pandémie et entrera dans l'ère post-Covid. "Si les dirigeants [nationaux] suppriment complètement le Covid-19 de l'ordre du jour, je pense que nous l'oublierons aussi", a noté le professeur. "Mais il y aura beaucoup de personnes vulnérables qui seront longtemps affectées par les conséquences de la pandémie pendant longtemps, même si la société dans son ensemble peut rebondir."

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