Les politiciens somaliens qui se sont imposés dans les pays nordiques

Image composite montrant Suldaan Said Ahmed et Marian Hussein
Image composite montrant Suldaan Said Ahmed et Marian Hussein Tous droits réservés Euronews
Par David Mac Dougall
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Tous deux ont déclaré que la percée des partis de droite les avaient poussés à se lancer en politique.

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A l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés, Euronews dresse le portrait de deux personnes d'origine somalienne et retrace leur parcours depuis leur arrivée dans les pays nordiques jusqu'à leur percée en tant que politiciens.

En Europe du Nord, les premiers ressortissants somaliens sont arrivés à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Plus tard, à mesure que la guerre civile en Somalie s'intensifiait, les nouveaux arrivants se sont multipliés.

De Carélie du Nord à Helsinki

Aujourd'hui, la première génération de réfugiés somaliens s'impose en politique, du niveau local à la scène nationale. Suldaan Said Ahmed est le premier membre du Parlement finlandais d'origine somalienne. Sa famille est arrivée dans la nation nordique en tant que réfugiés grâce à des visas d'unification familiale lorsqu'il était adolescent, pour rejoindre son frère qui vivait déjà dans le pays.

Il y a de nombreux défis dans les petites villes, surtout quand on est issu de l'immigration
Suldaan Said Ahmed
Premier membre du Parlement finlandais d'origine somalienne

À l'époque, les autorités finlandaises avaient pour politique de placer les réfugiés dans différentes régions du pays, plutôt que de les concentrer tous dans les grandes villes. Suldaan et sa famille sont donc allés vivre en Carélie du Nord, une région située au nord-est de la Finlande, le long de la frontière russe.  

"C'était une bonne expérience de vivre en Carélie du Nord, pour apprendre la langue, commencer l'école et s'adapter à la culture finlandaise. Mais il y a aussi de nombreux défis dans les petites villes, surtout quand on est issu de l'immigration", explique Suldaan, 29 ans.

"Les grandes villes ont toujours plus d'opportunités d'emploi, elles sont plus tolérantes. Ces petites villes, puisqu'elles n'ont pas un grand nombre d'immigrants, ont beaucoup de défis à relever", dit-il à Euronews.

Joensuu, la principale ville de Carélie du Nord, s'est forgée une réputation d'endroit dangereux pour les immigrés au début des années 1990. Les attaques violentes des skinheads étant un problème particulièrement grave,ce qui a profondément inquiété la mère de Suldaan, qui souhaitait installer sa famille à Londres.

"Nous nous sommes réunis et avons dit : Maman, depuis l'enfance, nous nous déplaçons d'un endroit à l'autre, et à chaque fois nous devons nous adapter à une nouvelle langue et à une nouvelle culture. Mais nous comprenons que tu te sentes seule en tant que mère célibataire, sans autre Somalien ni autre Africain. Alors peut-être que nous faisons un compromis et que nous déménageons à Helsinki où il y a une plus grande diaspora ?".

David Mac Dougall
Suldaan Said Ahmed participe à un rassemblement Black Live Matter à Helsinki, en juin 2020.David Mac Dougall

L'activisme politique de Suldaan n'a commencé qu'après le déménagement de la famille à Helsinki, et il a vu la percée du parti de droite True Finns lors des élections de 2011.

Il a décidé que c'était un signal d'alarme pour s'élever contre le racisme et la xénophobie, et il a contacté le parti politique Alliance de gauche en demandant à devenir candidat avant les prochaines élections municipales.

La première élection s'est soldée par une défaite, il n'a pas obtenu suffisamment de voix pour obtenir un siège au conseil municipal d'Helsinki, mais il a persévéré.

"Quand j'ai vu que je n'étais pas élu, j'étais déçu. Mais j'ai aussi décidé que j'étais un jeune homme, que je venais de quitter la Carélie du Nord pour venir à Helsinki et que 91 personnes avaient décidé que j'étais la meilleure personne pour défendre leurs intérêts. Je me suis dit : Suldaan, c'est un bon début !". 

Aux élections locales suivantes, en 2017, Suldaan avait rejoint l'Alliance de gauche, et occupait déjà une position de leader au sein de la direction du parti. Lorsque les votes ont été comptés, il a été élu au conseil municipal avec plus de voix que le vétéran de la campagne Paavo Väyrynen - l'un des politiciens les plus connus de Finlande.

Lors des élections générales finlandaises de 2021, Suldaan n'a pas été élu directement au parlement, mais dans le cadre du système de liste du parti, il a remplacé un autre politicien de l'Alliance de gauche pour devenir le premier Somalien à siéger au parlement finlandais, représentant Helsinki.

 "Je reçois des propos ou des messages haineux, et si je démissionne, ces personnes gagnent. Celui qui passe en premier fait toujours un sacrifice et maintenant les jeunes issus de l'immigration ou de minorités différentes ont au moins quelques personnes qu'ils peuvent appeler un modèle".

De travailleuse sociale à politicienne

En Norvège, Marian Hussein n'a pas seulement été la première députée élue d'origine somalienne, elle a été la toute première personne d'origine africaine à siéger au parlement d'Oslo.

Sa famille a quitté l'Arabie saoudite, où son père était travailleur migrant, lorsque Marian avait 10 ans, et elle a été frappée par son nouveau pays d'accueil : "V_ous passez de l'une des régions les plus chaudes du monde à l'une des plus froides. Nous sommes arrivés en hiver, avec de la neige, et nous n'étions pas en ville mais dans une localité proche de Lillehammer, où se déroulaient les Jeux olympiques d'hiver_", explique la femme de 36 ans à Euronews.

Marian Hussein
La députée norvégienne Marian Hussein tient un panneau antiraciste, mars 2022.Marian Hussein

L'une des choses les plus révélatrices pour la jeune Marian a été le système éducatif norvégien, où les garçons et les filles sont autorisés à fréquenter l'école publique - dans leur précédent pays, seuls les ressortissants saoudiens avaient le droit de fréquenter les écoles publiques.

Marian est entrée en politique assez tard, après avoir terminé ses études et travaillé comme assistante sociale. "J'étais engagée dans différentes activités, mais je ne me voyais pas entrer dans l'arène politique", dit-elle.

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Et comme pour Suldaan Said Ahmed, c'est l'élection de politiciens de droite au gouvernement qui l'a poussée à envisager de s'impliquer davantage dans la politique au niveau national.

"En 2013 en Norvège, le Parti conservateur a pris le pouvoir et ils ont commencé à gouverner avec le Parti du progrès (de droite), et cette nuit-là, j'ai rejoint le Parti socialiste ", dit-elle.

Pour Marian, il y avait encore beaucoup d'incertitude quant à son degré d'implication, notamment par rapport au fait qu'elle ne connaissait pas encore assez la politique ou qu'elle manquait d'expérience pour participer à un débat télévisé.

Elle avait cependant des modèles sur lesquels elle pouvait se baser, comme la politicienne palestinienne Hanan Ashrawi.

"Il m'a fallu du temps pour comprendre l'impact que j'ai. Mais il est important qu'au cours des vingt dernières années, il y ait eu un débat sur le peu d'intégration des réfugiés dans la société norvégienne alors que les gens débattent de notre histoire et de nos vies."

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"Il est essentiel de participer à ces discussions et de leur dire ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et comment les gens vivent leur vie et ne pas laisser les ceux qui utilisent la peur comme un programme politique."

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