Débat : que signifie le résultat des élections italiennes pour l'Union européenne ?

Euronews a organisé au Parlement européen un débat sur les conséquences des élections italiennes
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Pour évaluer les répercussions sur les politiques européennes de la victoire de la coalition emmenée par l'extrême droite en Italie, Euronews a organisé un débat avec quatre eurodéputés.

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En Italie, les élections de dimanche dernier ont vu le parti d'extrême droite, Fratelli d'Italia ("Frères d'Italie"), de Giorgia Meloni arriver en tête. Elle devrait former un nouveau gouvernement avec ses partenaires de coalition - la Ligue du populiste Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi.

Quel est l'impact de ce résultat pour l'Union Européenne ?
Pour tenter d'y répondre, Euronews a organisé un débat à Bruxelles.

Quatre eurodéputés ont participé à cette rencontre :
- Juan Fernando Lopez Aguilar pour les sociaux-démocrates (S&D),
- Roberts Zīle pour les Conservateurs et Réformistes européens (ECR)
 - Lukas Mandl pour le Parti populaire européen (PPE)
- Alexandra Geese des Verts

Le débat était animée par Méabh Mc Mahon, correspondante d'Euronews à Bruxelles.

Voici les points à retenir de ce débat

  • Que pense le monde politique du résultat des élections italiennes ?

"Il est bien connu que l'Italie est un laboratoire politique depuis des années. Pour certains d'entre nous, c'est aussi une anticipation de ce qui pourrait se passer dans d'autres États membres de l'Europe. Mais il est certain que cela a été une secousse", résume Juan Fernando Lopez Aguilar (S&D).

L’eurodéputé espagnol souligne qu'il y a beaucoup de leçons à tirer de cette élection, y compris du faible taux de participation.

Le député européen autrichien Lukas Mandl (PPE), reconnaît qu’il pourra se sentir à l’aise unique lorsque "le nouveau gouvernement italien et les collègues du nouveau parlement italien agiront sous l'égide de notre approche européenne commune".

"Je dirais que nous devons les mesurer à leurs actes", a-t-il ajouté, citant les plusieurs crises auxquelles l'Europe est actuellement confrontée.

L'eurodéputée allemande Alexandra Geese (les Verts), estime que le résultat de l'élection est préoccupant.

"Nous sommes très inquiets de ce qui va se passer en Italie. Faire campagne sur une propagande anti-européenne, dire que la fête est finie en Europe alors que l'Italie a été très impliquée dans la politique européenne ces dernières années et a joué un rôle très important, c'est fondamentalement nier la réalité", ajoute-t-elle.

Roberts Zīle (CRE) appartient au même groupe politique que Giorgia Meloni, pressentie pour devenir la prochaine Première ministre italien. L'eurodéputé letton a une vision plus positive de la situation.

Il juge que les autres députés dressent un tableau "trop sombre" du résultat des élections, ajoutant que Giorgia Meloni devrait poursuivre le plan mis en place pour recevoir les fonds européens. Son groupe politique se félicite du résultat de l'élection.

  • Que signifie le nouveau gouvernement pour les relations avec l'UE ?

Lukas Mandl prévoit qu'une fois le nouveau gouvernement italien formé, ils se coordonneront probablement avec le Premier ministre sortant Mario Draghi.

"(Mario Draghi) a vraiment été une très bonne personne au bon moment pour l'Italie et pour l'Europe dans son ensemble pendant la pandémie et ensuite pendant les autres crises qui sont apparues", a-t-il ajouté.

Alexandra Geese ne cache ses préoccupations concernant les membres de la coalition de Giorgia Meloni, "deux partenaires de coalition qui sont des amis proches ou des admirateurs de (Vladimir) Poutine".

"Je ne sais pas comment Giorgia Meloni pourra contrôler cela dans une coalition. Il faut toujours faire des concessions", a-t-elle ajouté.

Mais selon Roberts Zīle, il n'y aura pas "de compromis sur cette question pour continuer à appliquer les fortes sanctions contre la Russie".

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"Nous devons nous calmer. Nous sommes dans une situation sécuritaire très grave en raison de l'agression russe en Ukraine, et c'est la question la plus importante actuellement", résume l’élu letton.

  • Que signifie ce résultat pour l'économie italienne ?

La politologue italienne Nathalie Tocci, directrice de l'Istituto Affari Internazionali, expliquait à Euronews que tous les regards étaient tournés vers le pays en raison de sa dette.

"Il fait partie des pays qui vont être le plus durement touchés par cette crise énergétique et donc économique", lance-t-elle. "(Giorgia Meloni) sait que c'est un moment où il n'y a pas beaucoup de gâchis à faire. C'est un moment où l'Italie a besoin de l'Europe. L'Europe donne en fait de l'argent à l'Italie. Elle n'en prend pas".

Juan Fernando Lopez Aguilar juge que "lorsqu'il s'agit de chiffres, l'Italie est grande, la troisième plus grande économie. Quand il s'agit de l'équilibre social, l'Italie est en difficulté".

"Il y a beaucoup d'agitation sociale en Italie. Il y a des inégalités, à la fois régionales et territoriales, mais aussi sociales entre les riches et les pauvres, avec une classe moyenne et ouvrière appauvrie, avec une inflation élevée, des tensions sociales dans tous les sens", précise-t-il.

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"Lorsque l'Italie penche à droite toute, elle ne peut pas simplement s'aligner sur la Hongrie et la Pologne, qui ne font pas partie de l'euro... L'Italie a besoin d'alliances au sein de l'Eurogroupe".

Selon l’écologiste Alexandra Geese, si le nouveau gouvernement s'en tient aux réformes prévues par Mario Draghi pour accéder aux 200 milliards d'euros de fonds européens, "il n'y aura pas de clash. Il n'y a pas besoin d'un clash".

"Elle était la seule dirigeante, du seul parti en Italie, Fratelli d'Italia, qui ne faisait pas partie du grand gouvernement Draghi", précise Roberts Zīle. Il souligne que Giorgia Meloni hérite d'une forte dette publique.

"C'est pourquoi je pense que les gens (lui) ont fait confiance, pour des changements".

  • Que pourrait-il advenir du nouveau pacte sur les migrations et l'asile ?

"L'Italie est à un carrefour du trafic de migrants", insiste Roberts Zīle. Il estime que le soutien aux réfugiés d'Ukraine est plus important "parce que ce sont principalement des femmes et des enfants, pas des jeunes hommes... je dirais, des côtes africaines ou du Moyen-Orient".

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Juan Fernando Lopez Aguilar, qui préside de la commission des Affaires intérieures du Parlement européen, dit se souvenir de l'époque où Matteo Salvini était ministre de l'Intérieur de l'Italie et qu'il était "extrêmement dysfonctionnel, non seulement avec une rhétorique agressive, mais aussi avec des actions qui allaient carrément à l'encontre du droit européen".

"Le droit de l'UE signifie que nous devons aborder une approche holistique (...) nous devons respecter le droit humanitaire international et le droit de l'UE lorsqu'il s'agit de recherche et de sauvetage", explique l’Espagnol.

Il se dit inquiet de l'opposition de Giorgia Meloni au partage des responsabilités entre les Etats membres dans le nouveau pacte migratoire.

Lukas Mandl ajoute que l'Europe est confrontée à de nouvelles formes de migration et à une possible crise migratoire due à la guerre en Ukraine, mais aussi à la famine, de sorte qu'il est important de traiter la proposition de la Commission européenne.

"Je suis optimiste quant au fait que le gouvernement italien discutera également de manière constructive (le pacte migratoire)", annonce-t-il.

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  • Avec une femme comme Premier ministre, quel avenir pour les droits des femmes ?

L’Allemande Alexandra Geese rappelle que la majeure partie du parti de Giorgia Meloni, Frères d'Italie, est composée d'hommes.

"C'est certainement son mérite d'avoir réussi à diriger ce parti avec beaucoup, beaucoup de succès, je dois l'admettre. Mais je ne l'ai pas entendue défendre la cause des femmes dans leur ensemble", regrette l’écologiste.

Juan Fernando Lopez Aguilar admet qu'"il était temps qu'il y ait une femme Premier ministre, mais cela ne suffit pas à dire que nous avons une réelle avancée en matière de droits et d'égalité des droits, en particulier sur les questions sensibles du droit à l'avortement".

  • L'Europe penche-t-elle vers la droite ?

"Il y a deux ans, tout le monde parlait du fait que le PPE allait tout prendre en charge. Puis nous avons eu une énorme vague des partis sociaux-démocrates. C'est ça la démocratie", répond Lukas Mandl.

"C'est ce que j'aime dans la démocratie, que les choses changent parce que le comportement électoral des gens change et que les politiques changent".

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Un avis partagé par Alexandra Geese, "personne ne peut dire ce qui va se passer. L'important est que nous nous assurions qu'il y ait toujours des démocraties, que les règles restent les mêmes, que nous jouons tous selon les mêmes règles, que nous avons les mêmes droits".

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