Le soldat ukrainien Mykola révèle les redéploiements forcés sur la ligne de front, soulignant le manque de formation, les ressources limitées et la baisse du moral des troupes.
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Début décembre, le soldat ukrainien Mykola a découvert qu'il pourrait être redéployé sur la ligne de front dans l'est de l'Ukraine pour faire face aux avancées russes.
"Le déploiement se concentre sur ceux qui ont rejoint volontairement les forces de défense aérienne et les forces aériennes en 2022", déclare Mykola, qui fait partie du personnel logistique d'une unité de défense aérienne. Son nom et son lieu de résidence n'ont pas été divulgués pour des raisons de sécurité.
"Mon commandant m'a dit que l'état-major général avait besoin d'un certain nombre d'hommes sur les lignes de front, mais il n'a pas donné plus de détails", explique-t-il à Euronews. Mykola affirme cependant que son unité a reçu un ordre exigeant que 30 % de ses troupes soient envoyées sur la ligne de front dans la région de Donetsk occupée par la Russie, où les combats s'intensifient.
Le nombre de personnes pouvant être envoyées en première ligne est limité, car les femmes, les hommes âgés et les soldats souffrant de problèmes de santé en sont généralement exemptés. Pour répondre à l'ordre de redéploiement, Mykola raconte que les commandants de son unité ont d'abord fait appel à des volontaires.
"Ensuite, ils sélectionnent ceux qui ne sont pas motivés pour accomplir leurs tâches ou qui ne travaillent pas. Certains commandants profitent de cette occasion pour se débarrasser des personnes qu'ils n'aiment pas", ajoute-t-il.
Mykola a entendu dire que les soldats ne recevraient qu'une courte formation au combat, voire aucune si le redéploiement est urgent. Cette possibilité inquiète Mykola, qui n'a rejoint l'armée que l'année dernière.
Le jeune soldat explique qu'il a décidé de s'engager dans l'armée ukrainienne à l'été 2023 pour défendre son pays. À l'époque, les hommes qui s'engageaient volontairement pouvaient, dans une certaine mesure, choisir leur unité.
Mykola décide de s'engager dans l'armée de l'air, désireux de contribuer à la protection de ses concitoyens contre les attaques de missiles russes. Aux côtés de ses camarades, il reçoit alors une formation de base en défense aérienne.
Redéploiement des unités de l'arrière-front
La situation sur la ligne de front dans l'oblast de Donetsk devenant de plus en plus critique, l'Ukraine est contrainte d'envoyer davantage de troupes dans la région, notamment des soldats de défense aérienne et d'arrière-front.
Mykola déclare à Euronews qu'il n'a reçu aucune information sur la date de son redéploiement à Donetsk, ni sur l'unité d'infanterie qu'il devra rejoindre, expliquant que le commandant de son unité essayait de convaincre les fonctionnaires de haut rang de réduire le nombre d'hommes de sa brigade déployés sur la ligne de front.
Au début de l'année, environ 10 % des hommes de l'unité de Mykola ont été envoyés au front. La plupart ont été tués au combat ou sont revenus gravement blessés. Peu de temps après, une autre vague d'hommes a été envoyée sur le front, explique-t-il.
"Ils ont besoin de gens, alors ils les prennent dans n'importe quelle unité", explique Mykola, ajoutant que ces soldats ont passé des années à apprendre à utiliser ces systèmes de défense aérienne et qu'ils ne sont donc pas facilement remplaçables.
Le jeune soldat a l'impression que l'armée ukrainienne n'accorde plus de valeur à la vie humaine, ce qui explique, selon lui, que tant d'Ukrainiens désertent l'armée ou fuient le pays.
Mykola s'est engagé dans l'armée de l'air avec l'intention de rester dans son unité jusqu'à la fin de la guerre. Mais les soldats peuvent désormais être envoyés dans des brigades d'infanterie sans tenir compte de leur niveau de formation et d'expérience, ni de ce pour quoi ils se sont engagés.
"En 2022, vous aviez le choix de l'unité ou de la brigade que vous vouliez rejoindre, et ils se concentraient sur vos compétences", explique-t-il. "Ils valorisaient les personnes qui pouvaient apporter quelque chose d'utile. Ce n'est plus le cas".
Défendre tous les fronts
Dans les premiers mois de l'invasion russe, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé à ses alliés occidentaux de créer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine, dans laquelle des avions de chasse seraient déployés pour empêcher les forces russes de bombarder les villes ukrainiennes.
Par crainte de représailles de la part du président russe Vladimir Poutine, l'OTAN n'a pas accédé à cette demande, mais a promis de soutenir les efforts de guerre du pays par une assistance militaire. Depuis lors, Volodymyr Zelensky plaide en faveur de systèmes de défense aérienne tels que les Patriots ou les IRIS-T.
La défense du ciel n'est pas le seul défi de l'Ukraine, car les troupes terrestres russes progressent à Donetsk, gagnant régulièrement du terrain vers des bastions stratégiques, tels que la ville de Pokrovsk, un centre logistique majeur des forces ukrainiennes.
Selon les médias locaux, les forces russes intensifient leurs efforts pour renforcer leurs positions et lancer des attaques dans la périphérie sud-est de Pishchane, un village situé à un peu plus de 9 kilomètres de Pokrovsk.
"Actuellement, des unités de nos troupes prennent des mesures pour améliorer la position tactique", a ainsi indiqué le district militaire de Khortytsia sur Telegram.
Le commandant en chef de l'armée ukrainienne, Oleksandr Syrsky, a par ailleurs annoncé à la fin du mois de novembre des livraisons de munitions, d'armes et d'équipements supplémentaires aux forces stationnées près de Pokrovsk et de Kurakhove.
Les pertes subies sur les lignes de front de l'est de l'Ukraine ont été en partie attribuées à une pénurie de personnel. Volodymyr Zelensky a abaissé l'âge de la conscription de 27 à 25 ans cette année, mais il s'est opposé à un abaissement à 18 ans, comme l'ont récemment proposé les États-Unis.
Lors d'une récente interview accordée au Monde, Olena Tregub, directrice exécutive de la Commission indépendante de lutte contre la corruption à Kyiv, a déclaré que le recrutement avait ralenti pour atteindre 15 000 à 20 000 soldats par mois, de nombreux soldats expérimentés ayant été tués ou blessés.
"Ces transferts sont très douloureux"
Yurii Ihnat, chef du service des relations publiques du commandement de l'armée de l'air ukrainienne, a confirmé le redéploiement du personnel de l'armée de l'air et d'autres unités vers l'infanterie.
"Oui, je peux confirmer que c'est le cas. Ces transferts sont très douloureux pour les forces aériennes et, bien sûr, cela a un certain impact sur la situation générale. Mais cette décision est nécessaire, nous devons la mettre en œuvre, et vous comprenez pourquoi", a-t-il déclaré sur Facebook.
Yurii Ihnat conteste en revanche les accusations selon lesquelles les interceptions de drones russes auraient diminuées, affirmant que toutes les forces de défense - l'armée de l'air, les forces terrestres, la marine et les gardes-frontières - participaient à l'abattage des drones.
"L'Ukraine survivra"
Les partenaires occidentaux de l'Ukraine continuent à fournir une aide militaire au pays, mais celle-ci a donné lieu à de longs débats sur la crainte de franchir l'une des nombreuses "lignes rouges" brandies comme des menaces par Vladimir Poutine depuis le début du conflit.
"En Ukraine, nous ne croyons pas à ces lignes rouges", affirme Mykola.
En Allemagne, par exemple, le débat autour des missiles de croisière Taurus s'intensifie en cette période de campagne électorale pour les prochaines élections anticipées.
Lors d'une récente réunion du gouvernement allemand, le chancelier Olaf Scholz aurait déclaré : "L'Ukraine survivra, sera vivante et forte - et il doit y avoir une paix qui mette fin aux tueries".
Selon le quotidien allemand Bild Zeitung, le chancelier aurait cependant réitéré son refus de fournir des armes à longue portée pour des frappes à l'intérieur du territoire russe.
Récemment, Volodymyr Zelensky a déclaré que les rotations sur la ligne de front étaient entravées par le manque d'équipement des brigades de réserve, qui obligeait les troupes ukrainiennes épuisées à battre en retraite.
Des soldats hautement qualifiés et expérimentés sont redéployés dans des unités de réserve, mais ces brigades ne sont pas équipées assez rapidement, l'Ukraine tardant à recevoir l'aide militaire de ses partenaires occidentaux, affirme Volodymyr Zelensky.
Euronews a contacté l'état-major général des forces armées ukrainiennes pour s'enquérir de l'envoi de forces de défense aérienne sur les lignes de front, mais n'a pas reçu de réponse avant la publication de cet article.