Washington a critiqué l'ouverture de l'Espagne à la Chine, le secrétaire au Trésor Scott Bessent ayant déclaré que s'acoquiner avec Pékin revenait à "se trancher la gorge".
Assiste-t-on à un rapprochement historique entre l'Espagne et la Chine ? Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez est arrivé jeudi en Chine pour rencontrer son homologue Li Qiang et le dirigeant Xi Jinping, et renforcer les relations commerciales entre les deux pays dans un contexte d'instabilité mondiale croissante. A l'issue d'une première série d'entretiens, le dirigeant espagnol a déclaré que "l'Espagne considère la Chine comme un partenaire de l'UE" selon le quotidien espagnol El País, malgré la position officielle de Bruxelles qui définit officiellement la Chine comme un "partenaire, concurrent et rival systémique".
Une visite qui s'inscrit dans un contexte de graves tensions géopolitiques sur fond de guerre tarifaire de Donald Trump. La veille, alors que Pedro Sánchez visitait le Vietnam, le président américain a annoncé une pause de 90 jours de ses tarifs douaniers mondiaux "réciproques".
Cette volte-face ne concerne toutefois pas la Chine, qui a par la suite été ciblée par des droits de douane encore plus élevés, atteignant les 145 %.
Avant cette visite diplomatique, la Maison Blanche a mis en garde le gouvernement espagnol contre toute complaisance à l'égard de Pékin. Dans une interview accordée, le secrétaire au Trésor Scott Bessent a déclaré qu'un rapprochement avec la Chine serait un "pari perdant pour les Européens" qui reviendrait à "se trancher la gorge".
Déséquilibre en faveur de Pékin
Les échanges commerciaux entre l'Espagne et la Chine continuent d'augmenter, mais avec un déséquilibre marqué en faveur du géant asiatique.
En 2024, les importations espagnoles en provenance de Chine dépasseront 45 milliards d'euros, tandis que les exportations atteindront à peine 7,4 milliards d'euros, selon les données du ministère de l'économie.
La Chine est donc le quatrième partenaire commercial de l'Espagne, son deuxième fournisseur de marchandises, mais seulement la douzième destination des exportations espagnoles.
"Seuls le multilatéralisme et la solidarité entre les nations peuvent permettre de relever ce type de défis mondiaux. L'Espagne défend un monde aux portes ouvertes. Un monde dans lequel le commerce unit nos peuples et les rend plus prospères", a déclaré M. Sánchez au Viêt Nam.
Parmi les produits que l'Espagne achète à la Chine figurent de l'électronique, des textiles et autres biens de consommation. Ces dernières années, l'importation d'automobiles et de motocyclettes a également gagné en importance.
Les entreprises espagnoles exportent principalement des produits chimiques, des minéraux et des composants industriels. La Chine s'est imposée comme le premier marché asiatique pour les ventes espagnoles et plus de 14 500 entreprises espagnoles entretiennent des relations commerciales avec ce pays.
Les chiffres de l'investissement bilatéral sont plus équilibrés, même s'ils restent modestes. En 2023, la Chine a alloué 131 millions d'euros à des projets en Espagne, tandis que les investissements espagnols en Chine ont atteint 91 millions d'euros.
Bien que les volumes soient encore faibles, les deux économies souhaitent de plus en plus renforcer leurs liens dans des secteurs stratégiques tels que la technologie, l'énergie et la logistique.
La Chine prend la défense de M. Sánchez
Interrogé sur les critiques formulées par le secrétaire américain au Trésor à l'encontre de la visite de M. Sánchez, le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Lin Jian, a répondu avec fermeté : "si nous parlons de "se couper la gorge", ce sont précisément les États-Unis qui, en abusant des droits de douane pour menacer et faire chanter le monde entier, tentent de serrer le cou des autres pays, les obligeant à se plier à leur politique d'intimidation".
Lors d'une conférence de presse jeudi, M. Lin a également déclaré que le commerce entre l'Espagne et la Chine était important pour les deux parties, le commerce bilatéral entre les deux pays devant dépasser 44 milliards d'euros en 2024, tandis que les exportations espagnoles vers la Chine ont augmenté de 4,3 % l'année dernière, selon les chiffres de Pékin.
Face aux critiques de Washington, le gouvernement socialiste espagnol a défendu les ouvertures faites à la Chine. Le ministre de l'agriculture, Luis Planas, a insisté sur le fait que l'Espagne entretenait d'excellentes relations commerciales avec la Chine, que "nous souhaitons clairement non seulement poursuivre, mais aussi développer".