"Le Canada se tourne désormais d'abord vers l'Union européenne", a affirmé lundi le Premier ministre canadien Mark Carney, dans un contexte de relations tendues entre Ottawa et Washington depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
L'UE et le Canada ont conclu lundi un partenariat en matière de sécurité et de défense et ont entamé des discussions sur un accord commercial numérique, cherchant à renforcer leurs liens dans un ordre mondial incertain.
Le président du Conseil européen, António Costa, a salué "une déclaration politique forte", à l'issue d'une réunion avec le Premier ministre canadien Mark Carney et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
"Nous avons convenu de forger des liens encore plus forts", a-t-il également déclaré, ce qui permettra aux deux parties de porter leur partenariat stratégique "à un niveau de proximité sans précédent".
Prenant la parole à ses côtés, Mark Carney a déclaré que, face à un ordre international "menacé", les alliés avaient le choix entre "regarder en arrière avec nostalgie et espérer que l'ancien ordre mondial revienne d'une manière ou d'une autre, ou bien en construire un nouveau avec des objectifs et des partenariats".
"En tant que pays non européen le plus européen, le Canada se tourne d'abord vers l'Union européenne", a-t-il ensuite ajouté.
Un partenariat plus étroit pour la sécurité
L'un des principaux résultats du sommet a été la signature d'un partenariat de sécurité et de défense (PDS).
Celui-ci permettra à Bruxelles et Ottawa de travailler conjointement dans un ensemble de secteurs : la gestion des crises, la mobilité militaire, la sécurité maritime, les menaces cybernétiques et hybrides, la coopération industrielle en matière de défense, ainsi que la lutte contre le terrorisme, la non-prolifération, le désarmement, la politique spatiale et le soutien à l'Ukraine.
Selon un fonctionnaire de l'UE s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, il s'agit du cadre le plus complet que l'Union puisse offrir à un pays tiers.
Dans le cadre de cet accord, le Canada enverra également un représentant de la défense auprès de l'UE, tandis que les deux parties s'engagent à étudier la possibilité d'établir un lien administratif entre le Canada et l'Agence européenne de défense.
Porte ouverte à la participation du Canada au programme de défense européen SAFE
Pour Ottawa, il s'agit également de la première étape vers l'accès au programme de prêt SAFE de l'UE - dans le cadre de l'initiative ReArm Europe - d'une valeur de 150 milliards d'euros, pour l'acquisition de matériel de défense.
Un deuxième accord bilatéral devra maintenant être négocié pour que le pays puisse participer aux marchés publics conjoints et que son industrie soit sur un pied d'égalité avec les fabricants de l'UE.
Ursula von der Leyen s'est engagée à "lancer rapidement des négociations" pour permettre au Canada de rejoindre le programme SAFE, afin que les deux parties puissent "définir les domaines dans lesquels [leur] coopération peut apporter le plus de valeur ajoutée et ceux dans lesquels [elles devraient] canaliser les investissements conjoints".
Mark Carney affirme que le partenariat aidera les alliés des deux côtés de l'Atlantique à "répondre" à leurs nouveaux besoins en matière de capacités convenus au sein de l'OTAN "plus rapidement et plus efficacement". Il a ajouté que le Canada s'efforcerait d'accroître les achats de munitions.
Actuellement, environ trois quarts de chaque dollar que le Canada consacre à la défense vont aux États-Unis, ce qui, selon Mark Carney, "n'est pas judicieux".
Il s'agit du deuxième partenariat de ce type conclu par l'UE en un mois, après celui signé avec le Royaume-Uni, alors que Washington continue de jeter le doute sur son soutien à long terme aux alliés de l'OTAN et à l'Ukraine, qui se défend contre l'invasion russe depuis plus de trois ans.
Il intervient à la veille d'un sommet des dirigeants de l'OTAN à La Haye, au cours duquel les alliés doivent décider de porter l'objectif des dépenses de défense de 2 % à 5 % de leur PIB.
Nouvel accord sur le commerce numérique
Dans un contexte de tensions commerciales avec les États-Unis, l'UE et le Canada ont salué le succès de l'accord de libre-échange CETA dans leur déclaration commune. Ce partenariat est en vigueur depuis 2017 et Ursula von der Leyen a souligné qu'en 2023, il a généré 123 milliards d'euros d'échanges commerciaux entre les deux côtés de l'Atlantique.
"Le CETA est un symbole fort du pouvoir du commerce libre et équitable", a-t-elle déclaré, ajoutant que 98 % des droits de douane entre l'UE et le Canada sont nuls.
S'appuyant sur leur partenariat numérique de 2023 et sur le CETA, les deux parties ont officiellement lancé des négociations sur un accord commercial numérique, qui vise à faciliter les flux de données et à approfondir la coopération en matière d'intelligence artificielle, de réglementation des plateformes en ligne, de cybersécurité et de normes numériques.
Selon la déclaration conjointe, les deux parties souhaitent aligner leurs cadres réglementaires pour rendre les plateformes en ligne plus sûres et plus inclusives et établir des identités numériques interopérables pour faciliter les interactions entre les citoyens et les entreprises des deux côtés de l'Atlantique.
Mieux réglementer l'intelligence artificielle
Le Canada et l'UE prévoient également d'intensifier leurs travaux communs sur l'innovation en matière d'IA, notamment en créant des "usines d'IA" et en reliant les infrastructures de calcul à haute performance.
Ces discussions interviennent alors que l'Union européenne intensifie ses efforts pour réglementer l'IA.
Au début du mois, la commissaire européenne chargée de la Technologie, Henna Virkkunen, a présenté la stratégie numérique mondiale de l'Union, qui appelle à une coopération renforcée avec des alliés de confiance dans le domaine du développement et de la réglementation des technologies.
La Commission a déjà signé des accords commerciaux numériques similaires avec Singapour et la Corée du Sud, bien que les défenseurs de la vie privée aient mis en garde contre les risques potentiels pour les données personnelles.
Le premier Conseil de partenariat numérique UE-Canada devrait avoir lieu dans le courant de l'année.