L'UE et la Moldavie discuteront de croissance économique et de sécurité lors de leur premier sommet bilatéral à Chisinau ce vendredi. La présidente moldave Maia Sandu rencontrera la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil de l'UE, António Costa.
C'est un petit pari que va tenter la Moldavie, ce vendredi 4 juillet. À l'occasion du sommet bilatéral avec l'Union européenne organisé à Chișinău, la présidente Maia Sandu et son gouvernement vont mettre en avant les progrès réalisés ces dernières années sur les exigences de l'UE pour essayer d'accélérer son adhésion à l'Union.
Cependant, la Moldavie doit faire face à deux obstacles. Il y a, premièrement, les nombreuses attaques russes. Moscou tente de faire dérailler le processus d'adhésion de ce petit pays, l'un des plus pauvres du continent.
Le Conseil européen avait félicité Chișinău pour les élections présidentielles et le référendum sur l'adhésion à l'UE qui s'étaient déroulés dans le calme, "malgré les tentatives persistantes de la Russie de recourir à la manipulation et à l'ingérence". Cependant, Bruxelles appelle le pays à réduire la vulnérabilité de ses institutions et de son économie face à la Russie.
Le deuxième obstacle est l'adhésion de l'Ukraine. Car l'Union européenne aurait aimé que les négociations avec Kyiv, qui ont débuté à la même période, suivent le même rythme et hésite donc à diviser le processus d'élargissement.
Une source au sein de la présidence tournante danoise de l'UE a déclaré à Euronews que « le découplage du processus d'élargissement entre la Moldavie et l'Ukraine n'est pas pour tout de suite ». Les dirigeants européens craignent que laisser la Moldavie progresser n'envoie un mauvais signal, suggérant une acceptation stratégique des objectifs déstabilisateurs de la Russie dans la région.
Du point de vue de l'UE, l'élargissement n'est pas seulement un processus bureaucratique ; c'est un message géopolitique. Maintenir une approche unifiée envers la Moldavie et l'Ukraine est perçu comme un moyen de souligner la solidarité et de résister aux manipulations extérieures.
Plan d'aide européen
"L'intégration de la République de Moldavie dans l'Union européenne représente un effort moins important pour l'UE par rapport à l'intégration de pays plus grands", assure Siegfried Mureșan, euro-député roumain du Parti populaire européen, fervent partisan d'un processus d'élargissement plus rapide.
"La Moldavie est un pays plus petit. Avec notre soutien, nous pouvons donc réaliser beaucoup de choses. Les montants qui, pour l'UE, ne sont pas nécessairement très importants, comptent beaucoup et peuvent faire une grande différence en République de Moldavie", appuie-t-il encore.
Lors du sommet bilatéral, les dirigeants européens doivent présenter les détails du plan de croissance pour la République de Moldavie, doté d'une enveloppe de 1,8 milliard d'euros pour une période de trois ans, censé donner un coup de fouet à l'économie moldave. "Ce plan constitue le plus vaste dispositif de soutien financier de la part de l'Union européenne dont la Moldavie ait bénéficié depuis son indépendance [...] et l'amènera à accélérer les réformes et lui apportera une assistance financière importante", écrit la Commission européenne.
Cet investissement vise à stimuler l'économie moldave et à réduire sa vulnérabilité aux pressions extérieures, notamment russes.
« Nous savons que la Russie l'a fait chanter avec des prix énergétiques élevés », a déclaré Mureșan. « Le pays a souffert d'une forte inflation ; nous devons renforcer son économie. »
Les infrastructures énergétiques moldaves ont connu une transformation importante depuis 2022. Le pays est désormais connecté au réseau électrique européen et l'UE a financé d'importantes modernisations de ses systèmes de distribution nationaux. Chişinău s'est également engagée à produire 27 % de son énergie à partir de sources renouvelables d'ici 2030.
Malgré quelques revers, notamment un ralentissement attribué au choc énergétique lié à la guerre en Ukraine, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) considère que l'économie moldave est résiliente. Dans un changement historique, plus de 50 % des exportations moldaves ont été destinées à l'UE en 2024, un niveau record dans l'histoire du pays.
Menaces hybrides et pression stratégique de la Russie
En Moldavie, l'**opinion publique moldave est toujours divisée entre les aspirations occidentales et la sympathie pro-russe, tandis que la Transnistrie, une région qui fait officiellement partie de la Moldavie, reste sous le contrôle de la Russie.
"La minorité russophone et les entreprises de la région dite de Transnistrie bénéficient de l'intégration européenne. Plus de 70 % des exportations de la région dite de Transnistrie sont destinées au marché européen. Je pense donc que la Russie continuera à essayer de déstabiliser la Moldavie, mais que les Moldaves resteront calmes", indique Siegfried Mureșan.
La coopération en matière de sécurité s'intensifie déjà. Dans le cadre du partenariat de sécurité et de défense UE-Moldavie, l'UE a alloué 197 millions d'euros, par l'intermédiaire de la Facilité européenne pour la paix (2021-2025), à la modernisation des forces armées moldaves.
La Moldavie et l'Ukraine ont toutes deux déposé une demande d'adhésion à l'UE en mars 2022 et ont obtenu le statut de candidat en juin de la même année. Les négociations d'adhésion officielles ont débuté en juin 2024, mais la manière et le calendrier des progrès de chaque pays restent politiquement sensibles.
Pour l'instant, Bruxelles ne semble pas disposée à diviser les deux pays. Mais si la Moldavie continue de faire preuve de réformes concrètes, de résilience économique et de fiabilité géopolitique, l'argument en faveur d'une adhésion accélérée pourrait s'avérer plus difficile à ignorer.