Tout comme Brigitte Macron, des personnalités féminines publiques telles que l'ancienne Première dame des États-Unis, Michelle Obama, et l'ancienne Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, ont été accusées d'être des hommes. Un phénomène que les chercheurs ont baptisé "transvestigation".
En juillet dernier, le président français Emmanuel Macron et son épouse Brigitte ont porté plainte pour diffamation contre la podcasteuse américaine d'extrême droite Candace Owens.
Les avocats du couple l'accusent d'être à la tête d'une croisade en ligne basée sur une allégation selon laquelle Brigitte Macron serait "un homme". L'américaine déclare même qu'elle miserait "toute sa carrière professionnelle sur le fait que Brigitte Macron est un homme".
Owens est accusée de "s'appuyer sur des mensonges déjà démentis" et "d'en inventer de nouveaux", dans le but de "maximiser l'attention et ses gains financiers", son podcast et sa série de vidéos, "Becoming Brigitte", ayant accumulé des millions de vues.
Toutefois, les fausses nouvelles concernant Brigitte Macron sont devenues virales pour la première fois en 2021.
Avant l'élection présidentielle française de 2022, la journaliste autoproclamée Natacha Rey a affirmé que Brigitte Macron était née sous le nom de Jean-Michel Trogneux - le nom de son frère - au cours d'une interview de quatre heures sur YouTube avec le médium Amandine Roy.
Il ne s'agit toutefois pas d'un acte isolé. De nombreuses autres personnalités féminines, telles que l'ancienne Première dame des États-Unis Michelle Obama, l'ancienne Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern et l'ancienne vice-présidente des États-Unis Kamala Harris, ont également été victimes de campagnes transphobes similaires sur les médias sociaux, que des universitaires ont baptisées "tranvestigations".
L'essor des "tranvestigations"
Selon Lexi Webster, professeure agrégée de culture numérique à l'université de Southampton, les "tranvestigations" sont apparus sur les réseaux sociaux, en particulier ceux basés sur l'image tels que X, Instagram et TikTok, à cause d'individus qui cherchent à découvrir une sorte d'identité transgenre cachée chez des célébrités cisgenres.
Les utilisateurs postent des photos où ils examinent "la taille et la forme des épaules d'une personne, de son crâne et de sa mâchoire, mais aussi sa démarche et ses organes génitaux", a expliqué Webster. Des recherches qu'ils accompagnent de théories conspirationnistes.
Si les fausses allégations concernant Brigitte Macron ont pris une telle ampleur, c'est en partie parce qu'elles s'appuient sur l'idée que le public se fait des hommes politiques qu'il considère comme intrinsèquement trompeurs.
D'autres facteurs incluent "l'élément conspirationniste qui est transphobe et qui est étayé par des discours selon lesquels il existe une sorte de cabale trans qui cherche à prendre le pouvoir sur des industries particulières", a expliqué Webster.
L'intérêt persistant de Candace Owens pour Brigitte Macron a conduit d'autres personnalités, telles que le théoricien du complot Alex Jones, à relayer cette affirmation.
"Barack Obama fait l'objet de rumeurs d'homosexualité depuis longtemps, et cela s'inscrit dans les discours selon lesquels Michelle Obama est secrètement transgenre, et c''est le même scénario qui se reproduit avec Emmanuel Macron", a déclaré Webster à EuroVerify.
"Les internautes de droite ou d'extrême droite alimentent ces rumeurs, mais nous savons également que de nombreuses plateformes sont inondées de bots qui construisent et reconstruisent des discours basés sur ce qu'ils savent être efficace, ce qui crée un piège d'engagement lorsque les gens aiment, commentent et repostent", a ajouté Webster.
Cependant, même ceux qui partagent à nouveau le contenu pour en rire contribuent à le maintenir en vie.
"La communauté satirique en ligne qui met en évidence ce type de réseaux de haine et les partage à nouveau pour rire de l'absurdité génère également de l'engagement", a déclaré Webster.
Une fausse nouvelle sur Brigitte Macron apparaît en ligne
Bien qu'aucune preuve ne vienne étayer les fausses nouvelles concernant Brigitte Macron, celles-ci sont devenues de plus en plus audacieuses et innovantes, tant dans leur style que dans leur substance, au lieu de s'atténuer.
Ainsi, au début du mois de juillet, une vidéo présentée comme un reportage télévisé a fait surface sur les réseaux sociaux et a recueilli des centaines de milliers de vues à chaque fois qu'elle était rediffusée.
La vidéo s'ouvre sur des images d'une scène de crime, tandis qu'un narrateur affirme qu'un chirurgien du nom de François Faivre - qui avait soi-disant prévu de révéler des informations sur l'opération de changement de sexe présumée de Brigitte Macron dans une interview accordée à un tabloïd français - est mystérieusement tombé d'une fenêtre à Paris le 29 juin.
Cependant, la vidéo, tout comme l'affirmation, est fausse.
Grâce à une recherche d'images inversée, EuroVerify a pu retracer les premiers plans de la vidéo à partir d'images de l'AFP disponibles sur YouTube, qui montrent une scène de crime à Paris en octobre 2022 - et non le 29 juin 2025.
En outre, le chirurgien qui apparaît dans la vidéo affirme avoir travaillé à l'Hôpital américain de Paris. Ce cabinet privé de soins de santé a déclaré à EuroVerify qu'il n'avait aucun dossier concernant un chirurgien du nom de François Faivre.
Bien que le visage du faux chirurgien puisse être celui d'une personne réelle, il cligne à peine des yeux dans la vidéo, ce qui indique que son discours a probablement été généré par une IA.
Malgré les preuves accablantes que l'histoire du chirurgien est fausse, les théories du complot utilisent des éléments subtils qui sèment le doute, comme l'affirmation du narrateur selon laquelle Brigitte Macron a changé de sexe à l'Hôpital américain de Paris.
Cette affirmation est intentionnelle et semble jouer sur des histoires déjà établies, étant donné qu'en 2019, Brigitte Macron a poursuivi le magazine Closer pour atteinte à sa vie privée, après que la publication a indiqué que la première dame avait subi une chirurgie plastique de trois heures à l'Hôpital américain de Paris en juillet.
"Ils prennent de prétendues preuves médicales, par exemple que telle personne a été hospitalisée à tel moment, sachant que la personne en question ne nous dira pas pourquoi elle a été hospitalisée", a déclaré Webster à EuroVerify.
Dans ce cas, les théoriciens du complot pourraient profiter du fait que les hommes politiques et leurs partenaires abordent rarement les rumeurs de chirurgie plastique, "dans la sphère politique, il y a également un désir de ne pas paraître vain ou superficiel en ce qui concerne l'apparence, au-delà de l'apparence politique", a ajouté Webster.
"Aucune preuve n'est suffisante pour mettre fin à la rumeur. Même si Brigitte Macron partageait son acte de naissance, les internautes pourraient prétendre qu'il a été falsifié ou modifié", a ajouté Webster. "Même si les Macron gagnent le procès en diffamation contre Candace Owens, je ne pense pas qu'il y aura un impact sur les affirmations en ligne".