14-18 : "Maudite soit la guerre", les rares monuments aux morts pacifistes

Monument aux morts pacifiste de Dardilly, dans le département du Rhône, en novembre 2014
Monument aux morts pacifiste de Dardilly, dans le département du Rhône, en novembre 2014 Tous droits réservés Vincent Coste / euronews
Par Vincent Coste
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Dans les années 1920, la France s'est couverte de monuments pour honorer ses soldats tombés au combat lors de la Première Guerre mondiale. Mais savez-vous que quelques villages, une dizaine en tout, ont résisté à cette glorification en dénonçant l’horreur de la guerre ?

« Morts pour la France » : cette formule est l’essence même des milliers de monuments aux morts qui ont été érigés entre 1920 et 1925. Pour ne pas oublier ceux qui sont tombés au combat, pour honorer leur mémoire et leur sacrifice, ces lieux de mémoire incarnent le ressenti, le traumatisme de ces veuves, de ces orphelins, de ces parents qui ont perdu un être cher durant la Première Guerre mondiale. La « Der des ders » a saigné la France ; plus d’un million et trois cent mille soldats sont morts dans les tranchées ou la boue. Les survivants de cette barbarie furent, eux, à jamais amputés de leur innocence et de leur insouciance.

Ce mouvement d’édification de monuments aux morts de 14-18 n’est pas spécifiquement français. Mais, son ampleur dans l’Hexagone est sans commune mesure : plus de 36 000, ce qui correspond pratiquement à l’ensemble des communes du pays. La symbolique de ces édifices, installés principalement sur les places des villages ou dans les cimetières, est particulièrement forte. Nombreuses sont les représentations de soldats en uniforme, incarnation du destin tragique de ces poilus. La figure de la femme, qu’elle soit une allégorie de la souffrance, de la France, est une autre de ces thématiques employées pour glorifier les morts qui ont versé leur sang pour leur pays.

Paix et Fraternité

Mais rares, quelques dizaines, sont les monuments aux morts s’opposant directement à la guerre. L’un deux, à Dardilly, dans le département du Rhône, appelle même à la fraternité entre les peuples, une formule trônant en haut de cet édifice en forme d’obélisque. Cette formule est atypique, surtout lorsque l’on replace le monument dans le contexte de l’époque où il fut construit, tant la figure de l’autre, l’Allemand, le vaincu était haïe. Aucune arme ou drapeau n’est présent sur la sculpture et point de glorification des héros morts pour la France. La seule référence objective à la guerre vient de la scène principale : une mère qui fuit avec son enfant une maison en feu.

Pour mieux comprendre la portée, le message et la symbolique de ce monument, nous nous sommes avec Nicolas Beaupré, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Clermont.

Un autre exemple de ces monuments aux morts pacifistes se trouve dans la commune de Gentioux, dans la Creuse. La sculpture d’un enfant, le poing droit serré et brandi face à un obélisque où sont inscrits les noms des disparus de la commune, compose l’ensemble. Mais c’est surtout la formule « Maudite soit la guerre », sous la stèle des morts, qui donne à ce monument toute sa mesure. Son existence même a longtemps été jugée problématique par les autorités.

En 1922, le préfet, soit le plus haut représentant de l’Etat dans le département, refusa même de participer à son inauguration. Le monument est devenu un lieu de rassemblement pour les mouvements pacifistes, où, tous les 11 novembre est entonnée la célèbre chanson de Craonne. Durant la Première Guerre mondiale cette chanson contestataire fut censurée et interdite par le commandement militaire pour ses paroles antimilitaristes.

Voici son refrain :
"Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes C’est bien fini, c’est pour toujours
De cette guerre infâme
C’est à Craonne sur le plateau
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés"

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