L'Assemblée constituante fait sa loi au Venezuela

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Par Euronews
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Le Parlement vénézuélien, seule institution contrôlée par l'opposition, a été privé vendredi de la majorité de ses pouvoirs par l'Assemblée constituante, qui poursuit ainsi la reprise en main du pays amorcée par le président socialiste Nicolas Maduro.

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Le Parlement vénézuélien, seule institution contrôlée par l’opposition, a été privé vendredi de la majorité de ses pouvoirs par l’Assemblée constituante, qui poursuit ainsi la reprise en main du pays amorcée par le président socialiste Nicolas Maduro.

Elue fin juillet dans le sang et contestée par une grande partie de la communauté internationale, la Constituante, assemblée de 545 membres tous issus du chavisme – le courant au pouvoir, du nom du défunt Hugo Chavez, président de 1999 à 2013 -, s’est attribuée l’essentiel des pouvoirs du Parlement.

Son initiative marque un nouvel épisode dans la grave crise politique secouant le Venezuela, où les manifestations exigeant le départ du chef de l’Etat élu en 2013, sur fond de naufrage économique, ont fait 125 morts depuis le 1er avril.

Les protestations avaient justement démarré quand la Cour suprême, institution réputée proche du président, s‘était arrogée fin mars les pouvoirs du Parlement avant de faire volte-face 48 heures plus tard face au tollé soulevé dans le pays et à l‘étranger.

Cette fois, dans un décret officiel, l’Assemblée constituante annonce “assumer le pouvoir de légiférer sur les sujets visant directement à garantir la préservation de la paix, la sécurité, la souveraineté, le système socio-économique et financier, les biens de l’Etat et la primauté des droits des Vénézuéliens“.

Cette décision, qui inclut le pouvoir de dicter des lois, a été prise lors d’une séance à laquelle la commission de direction du Parlement avait été citée à comparaître, ce qu’elle a refusé.

Le décret rappelle que “tous les organes du pouvoir public sont subordonnés à l’Assemblée nationale constituante“. “Nous n’allons pas permettre plus de détournements du pouvoir! (…) La Constituante est arrivée pour mettre de l’ordre!“ a lancé vendredi la présidente de cette assemblée, Delcy Rodriguez, avant de lire le décret.

Le Parlement a immédiatement contesté cette décision, affirmant que la Constituante “est nulle et ses actes illégaux et anticonstitutionnels“. “La décision d’annulation ne sera pas appliquée par l’Assemblée nationale, la communauté internationale, ni le peuple“, a ajouté l’institution sur son compte Twitter.

Le Parlement a obtenu le soutien de l’Organisation des Etats Américains, via son secrétaire général Luis Almagro. Il a déclaré “illégitime et inconstitutionnelle“ la décision de l’Assemblée constituante et a demandé une réunion d’urgence de l’OEA.

Le président Maduro est resté sourd jusqu’ici à toutes les critiques et mises en garde venues de l‘étranger.

Delcy Rodriguez a nié qu’il s’agisse d’une dissolution du Parlement, qui selon elle garde certains pouvoirs.

Non, les paresseux doivent travailler. (Le Parlement) n’est pas dissous, allez travailler et respecter les lois de la République, vous devez respecter le pouvoir constituant“, a-t-elle lancé.

Dans une lettre ouverte, la direction du Parlement avait rappelé plus tôt qu’elle ne reconnaissait pas “l’Assemblée nationale constituante frauduleuse, ses mandats et tous les actes émanant d’elle“.

L’Assemblée constituante doit officiellement rédiger une nouvelle Constitution pour remplacer celle de 1999, mais elle a été dotée de pouvoirs très étendus et a prévu de siéger deux ans, donc au-delà du mandat du président Maduro, qui s’achève en janvier 2019.

Au-delà de son travail de réécriture de la Constitution, elle devient de facto l’organe législatif. C‘était un espace dont le gouvernement cherchait à prendre enfin le contrôle“, a commenté à l’AFP Diego Moya-Ocampos, analyste du cabinet britannique IHS.

L’opposition, réunie dans une vaste coalition d’une trentaine de partis, la Table pour l’unité démocratique (MUD), avait remporté une large victoire aux législatives de fin 2015, mettant fin à plus de 15 ans d’hégémonie chaviste. Elle avait alors surfé sur le mécontentement populaire : lassés des pénuries d’aliments et de médicaments.

Mais l’opposition n’a jamais pu profiter de son pouvoir législatif, chacune de ses décisions étant annulée par la Cour suprême. Et désormais, “la Constituante frauduleuse a décidé de fermer définitivement l’Assemblée nationale légitime“, a regretté sur Twitter l’ex-candidat à l‘élection présidentielle Henrique Capriles, un des chefs de file de l’opposition.

Le gouvernement cherche aussi à faire taire une autre voix dissidente, celle de l’ex-procureure générale Luisa Ortega. Cette dernière a accusé vendredi le président Maduro d‘être impliqué dans un vaste scandale de corruption autour du constructeur brésilien Odebrecht.

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Elle s’est réfugiée vendredi en Colombie après avoir fui son pays, ont annoncé les services d’immigration colombiens. Mme Ortega était interdite de sortie du territoire vénézuélien et avait vu ses comptes bancaires gelés.

Chaviste historique, Luisa Ortega a été démise de ses fonctions le 5 août dernier par l’Assemblée constituante. Elle avait critiqué le régime dès la fin mars, dénonçant une “rupture de l’ordre constitutionnel” après la décision de la Cour suprême (TSJ) de s’arroger les pouvoirs du Parlement, seule institution contrôlée par l’opposition. Cette décision du TSJ a été l‘étincelle de la vague de manifestations, bien qu’elle ait été annulée 48 heures plus tard.

L’ex-procureure générale n’a pas hésité ensuite à s’en prendre directement à Nicolas Maduro et à son projet de vouloir faire réécrire la Constitution par l’Assemblée constituante.

Mercredi, son domicile avait été perquisitionné par des agents du service de renseignement vénézuélien, avait-elle indiqué sur son compte Twitter, alors qu’une demande d’arrestation avait été émise par les autorités contre son mari, accusé de corruption.

Avec agence (AFP)

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