Radicalisme: leçons et enjeux futurs

La Grande mosquée de Bruxelles
La Grande mosquée de Bruxelles
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Par Aissa BOUKANOUN
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Deux ans après les attaques de Bruxelles, les premières recommandations de la commission d'enquête sur les attentats sont appliquées. La Belgique vient de reprendre le contrôle de la grande mosquée de Bruxelles, accusée de prêcher un islam dur.

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La Grande mosquée de Bruxelles reprise en main par l'Etat belge. Le gouvernement a décidé de rompre le bail accordé à l'Arabie Saoudite pour occuper la mosquée de Bruxelles, accusée de prêcher un islam rigoriste. Une mesure recommandée par la commission d'enquête parlementaire sur les attentats.

"Il y a eu plusieurs jeunes qui ont fréquenté cette mosquée et qui sont partis se battre avec Daesh en Syrie qui ont été soit formés, soit au contact de cette mosquée-là", explique Georges Dallemagne, député belge et ancien vice-président de la commission d'enquête. "Mais il faut rappeler que ce n'est pas la seule mosquée salafiste. Il y a eu, par exemple, la mosquée Loqman à Molenbeek qui avait des liens étroits avec la Grande mosquée et qui, elle même, a été en contact avec des terroristes qui ont commis des attentats sur le sol belge".

La Belgique laisse un délai d'un an à la communauté musulmane pour créer une nouvelle structure de gestion. Mais l'actuel directeur affirme qu'il n'a jamais autorisé de discours radicaux dans sa mosquée.

"On n'a aucun message radical ni salafiste", affirme Tamer Abou El Saod, directeur de la Grande mosquée. "Les prêches sont préparés bien à l'avance et ils sont révisés par un petit comité interne. On révise le contenu, on discute entre nous et finalement, on a une version finale qu'on utilise pour le prêche du vendredi".

La nouvelle structure devra s'occuper de la gestion de la mosquée mais pourrait également se charger de la formation des imams de Belgique ou de mettre en avant les réalisations de la civilisation muslmane.

"On doit s'assurer que les repentis ne tiennent pas un double discours"

Pour décrypter ce sujet complexe qu'est le phénomène de redicalisation, nous avons rencontré Michaël Dantinne, professeur de criminologie à l'Université de Liège.

- **Aissa Boukanoun, ****Euronews**: "Michaël Dantinne, vous étiez expert de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de Bruxelles. La Belgique a été frappée en 2016 par des attentats meurtriers. Le gouvernement a entrepris une série de mesures, sans pour autant recourir à des lois d'exception. Pourquoi?"

- Michaël Dantinne: "Certainement parce qu'il y a un principe qui veut qu'on ne combat pas le geste anti-démocratique qu'est le terrorisme par des lois qui seraient attentatoires aux libertés et à la démocratie et je pense que c'est une bonne réaction."

- Euronews: "Le gouvenrement belge a annoncé vendredi dernier (16/03/2018) qu'il reprennait le contrôle de la mosquée de Bruxelles. Est-ce qu'on peut parler du début de la mise en place d'un islam de Belgique?"

- Michaël Dantinne: "Je pense que l'objectif est d'abord symbolique. Puisque la commission avait acquis la conviction que c'était un islam salafo-wahabiste qui était prôné et prêché dans cette mosquée, il fallait dire 'stop, on ne peut pas tolérer cela dans une mosquée dont les murs appartiennent à l'Etat belge'. Il va falloir, dans cette mosquée, redévelopper un autre islam. On parle beaucoup d'un islam de Belgique. Ca veut à la fois tout et rien dire. Ca veut certainement dire un islam par la communauté musulmane belge, en accord avec la société belge et surtout en accord avec les lois belges. Parce que ce qu'on oublie souvent de dire, c'est que le radicalisme, c'est une conception de la religion qui veut que lorsqu'il y a conflit entre la loi de Dieu et la loi des Hommes, c'est la loi de Dieu qui prime. Un islam de Belgique, ce sera certainement un islam qui fera passer la loi des Hommes avant la loi de Dieu."

- Euronews: "La séduction par l'idéologie djihadiste se traduit selon des enquêtes par une radicalisation dans les mosquées, dans les prisons et à travers les réseaux sociaux. Quel est le profil type d'un agent de radicalisation qui recrute?"

- Michaël Dantinne: "En réalité, ça va tenir à plusieurs éléments. D'abord, il ne va pas séduire tout le monde. Il y a des gens qui vont être plus ou moins réceptifs à son message, qui vont être vulnérables, perméables à ces idées. Ensuite, il va trouver le bon message et à l'échelle organisationnelle, c'est d'ailleurs ce que Daesh a très bien fait, c'est-à-dire trouver le bon message, au bon moment pour parler à un ensemble très vaste de gens. Enfin ce message va être porté par des gens qui sont capables de fasciner, de jouer un rôle de modèle. Ce n'est pas nécessairement une grande figure comme Ben Laden l'a été pour Al-Qaïda. Ca peut évidemment être un grand leader mais ça peut aussi être quelqu'un qui habite au coin de la rue et pour lequel on a du respect. Et donc c'est la combinaison d'un message, d'une situation de départ et d'un leader charismatique qui va faire en sorte que les idées vont passer."

- Euronews: "Le phénomène de retour des djihadistes des zones de conflits inquiète notre société. Est-il concevable de s'assurer de la sincérité du repentir d'un djihadiste?"

- Michaël Dantinne: "C'est une question pertinente car une étude française a encore démontré que les jeunes Français ont plus confiance en cette parole de repentis qu'en la parole de l'Etat français. Donc on doit vraiment s'assurer que ces gens ne tiennent pas un double discours avec des objectifs cachés. Maintenant, s'assurer à 100% de la sincérité de ces personnes-là, c'est très difficile. On doit partir du principe qu'il y aura certainement des gens qui seront dissimulés, on doit partir du principe qu'on atteindra jamais le risque zéro d'opportunisme. C'est-à-dire que des gens qui voudraient, sous le couvert de participer à la prévention du radicalisme, se servir de cela pour radicaliser des gens. On doit donc être très prudents, c'est une dynamique porteuse mais aussi dangereuse. Je crois qu'on ne se départira jamais de la plus grande des prudences dans ces matières-là."

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