L'Eglise américaine révèle ses divisions après les accusations contre le pape

L'archevêque Carlo Maria Vigano (centre), le 24 septembre 2015 à Washington
L'archevêque Carlo Maria Vigano (centre), le 24 septembre 2015 à Washington Tous droits réservés CHIP SOMODEVILLA
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Pour ou contre le pape ou son accusateur Carlo Maria Vigano? Les évêques américains étalent au grand jour leurs divisions depuis deux jours, illustration d'une Eglise américaine secouée par les scandales de pédophilie et entraînée dans la polarisation du débat politique américain.

Depuis que le pape a été accusé samedi dans une lettre ouverte d'avoir couvert les abus sexuels du cardinal Theodore McCarrick, qui a démissionné en juillet, plusieurs cardinaux et évêques américains ont affiché des positions opposées.

Les uns, dont le cardinal Joseph Tobin de Newark (New Jersey), le cardinal Blase Cupich de Chicago (Illinois) ou l'évêque Robert McElroy de San Diego (Californie), ont défendu le pape, dénonçant les "insinuations" ou "l'idéologie" de son accusateur, l'ex-ambassadeur du Vatican aux Etats-Unis Carlo Maria Vigano, qui a réclamé dans sa lettre ouverte la démission du pape François.

D'autres au contraire, comme l'évêque Joseph Strickland au Texas ou David Konderla dans l'Oklahoma, ont emboîté le pas au cardinal Raymond Burke, figure de proue des prélats conservateurs américains posté à Rome, en faisant valoir la crédibilité des allégations de M. Vigano.

Pour Paul Elie, chercheur au Berkley Center for Religion, Peace and World Affairs à l'université de Georgetown, l'étalage de ces dissensions est la conséquence du style "non autoritaire" du pape François, qui permet à des voix dissonantes de s'exprimer au grand jour.

- Ere Trump -

"Pendant des décennies, les évêques devaient parler d'une seule voix. Mais ce n'est plus le cas et il y a beaucoup de désaccords sur beaucoup de sujets... Et les désaccords sur ces questions (de sexualité) sont beaucoup plus aigus que d'autres", souligne M. Elie.

Cette exposition publique de divergences, autrefois débattues à huis clos, illustre aussi la polarisation du débat public.

"C'est une caractéristique de notre époque (...) Tout est maintenant au grand jour", explique Frank Clooney, professeur de théologie comparée à l'université de Harvard. "Cela fait partie de l'ère Trump dans laquelle nous vivons, personne ne se retient".

Si des "positions extrêmes" --comme la demande de démission de François émanant d'ultra-conservateurs ou l'idée d'éradiquer la hiérarchie catholique émanant de personnes plus à gauche-- peuvent dorénavant s'exprimer publiquement, une majorité de catholiques ne s'y reconnaît pas, estime-t-il.

Dennis Doyle, théologien à l'université de Dayton, estime néanmoins que les divergences entre prélats se sont accentuées.

Alors que se confirmait le déclin de la population catholique américaine --qui représente aujourd'hui 21 à 22% des 328 millions d'Américains contre 25 à 26%" il y a quelques années--, la hiérarchie catholique "s'est déplacée à droite politiquement ces dernières années", dit ce catholique pratiquant.

Au point que certains, côté démocrate, qualifient désormais la hiérarchie catholique de "parti républicain qui prie".

Certains prélats ont notamment repris le thème des libertés religieuses, cher aux conservateurs américains, pour présenter l'Eglise catholique comme attaquée, ou fait de la bataille contre l'avortement ou le remboursement par l'assurance-santé de la contraception des thèmes-clé, selon M. Doyle.

De tous les thèmes actuels, "le plus unificateur est leur attaque contre l'homosexualité", dénoncée comme "une hérésie" alors même qu'elle est de plus en plus acceptée dans la société américaine, dit-il.

- Désorientés -

"Tout est devenu politiquement chargé", déplore-t-il. "Nous vivons une polarisation qui est le miroir" des divisions politiques américaines, avec de nombreux catholiques aussi bien pro- qu'anti-Trump.

Si les prélats traditionalistes haussent le ton maintenant, estime M. Doyle, c'est aussi parce qu'avec les récentes nominations de cardinaux opérées par François, le pape "est proche d'atteindre une majorité" favorable à son approche, laissant entrevoir la poursuite de cette dernière lorsque l'heure viendra d'élire un nouveau pape.

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Mais les divergences actuelles sont aussi liées au "trouble" et à la "confusion" suscités par les dernières révélations sur le vaste scandale de pédophilie dans l'Etat de Pennsylvanie, avec plus de 300 prêtres impliqués et l'agression sexuelle d'au moins 1.000 enfants, souligne Paul Elie.

"Tout le monde, les plus à gauche comme les plus à droite" s'inquiète pour l'avenir de l'Eglise, dit-il. "On essaie tous de comprendre ce qui va se passer".

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