Quel avenir pour l'Aquarius ?

Quel avenir pour l'Aquarius ?
Par Maxime Bayce
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Les tensions croissantes avec les gardes-côtes libyens et la perte de leur pavillon laissent peu de marges de manœuvre au navire de secours. Est-ce pour autant la fin de sa mission ? Eléments de réponse.

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Comment l'Aquarius va-t-il pouvoir repartir alors que chaque jour qui passe rend ses opérations en méditerranée centrale plus compliquées ? La conférence de presse organisée par ses deux affréteurs, SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, n'a apporté aucune réponse simple à la question.

Pas de réponse mais des appels à la France et l'Union européenne. Face à l'urgence de la situation; l'Aquarius accueille actuellement à son bord 58 personnes, les ONG demandent aux autorités de permettre le débarquement à Marseille des migrants secourus.

"Aujourd'hui, nous faisons la demande solennelle et officielle aux autorités françaises de donner, de manière humanitaire, l'autorisation de débarquer" aux rescapés, parmi lesquels dix-sept femmes et dix-huit mineurs, a indiqué le directeur des opérations de SOS Méditerranée, Frédéric Penard. Réponse de Matignon tombée quelques heures plus tard : "la France cherche "une solution européenne". Paris joue la montre.

Ni obligation, ni interdiction

Contactée par Euronews, Alina Miron, professeure de droit, spécialisée en droit maritime explique. "Il n'y a effectivement pas de droit d'accès au territoire d'un état, même si les ONG sont françaises. Le seul cas où il peut y avoir obligation d'accueil, c'est lors de situations de détresse, ce qui n'est pas le cas pour l'instant, l'Aquarius dispose encore de vivres..."

Si rien n'oblige la France à accueillir l'Aquarius, rien ne l'en empêche non plus. Depuis le début de la crise provoquée cet été par la fermeture des ports italiens, elle refuse de laisser des navires débarquer sur ses côtes. Selon les autorités, le droit maritime prévoit que les naufragés soient débarqués dans le "port sûr le plus proche". Faux selon Alina Miron. "Il s'agit bien d'un port sûr mais pas forcément du plus proche. La France pourrait très bien les accueillir".

La situation du mois d'août pourrait donc se répéter à chaque opération de sauvetage de l'Aquarius. D'autant que depuis cet été la zone de Search and Rescue (SAR) de la Libye a officiellement été fixée.

Les gardes-côtes libyens peuvent aujourd'hui intervenir dans un secteur qui dépasse largement leurs eaux territoriales. Des opérations supportées par l'Union européenne et qui rentrent directement en conflit avec celles menées par l'Aquarius.

Samedi soir, un accrochage avec les gardes-côtes libyens a failli dégénérer, le dernier en date d'une longue liste. "J'ai l'impression que ça devient trop dangereux", estime Alina Miron. _"Les gardes-côtes libyens sont armés et pourraient ouvrir le feu. Cela pourrait dégénérer. _Tout cela montre qu'il y a une volonté de mettre un terme à tout sauvetage et toute observation dans ces eaux. Il n'y aura plus que les bateaux commerciaux qui ont des obligations économiques et ne feront pas toujours un détour pour porter secours".

Sans pavillon, impossible de naviguer

Mais pour Alina Miron, le plus préoccupant est davantage la question du pavillon de l'Aquarius. Les dirigeants de SOS Méditerranée et MSF l'ont confirmé, l'Aquarius devrait se voir privé de son pavillon Panaméen dès qu'il touchera terre. Une décision extrêmement rare, le Panama est le deuxième pays au monde en nombre de bateaux battant son pavillon. Comme le rappelle Gaël Piette, professeur de Droit maritime à l'université de Bordeaux, "cela ne peut arriver qu'en cas de navire poubelle ou ne respectant pas des règles élémentaires de sécurité, ce qui ne semble pas du tout être le cas de l'Aquarius".

Le pavillon panaméen est en langage juridique un pavillon de "libre circulation", autrement dit de complaisance. Objectif : attirer le maximum de navires grâce à une immatriculation peu coûteuse et surtout peu regardante. Dans ces conditions, un "dépavillonnement" "peut effectivement apparaître politique", commente Gaël Piette.

SOS Méditerranée et MSF ont dénoncé "la pression économique et politique flagrante exercée par le gouvernement italien" sur les autorités panaméennes. Des accusations contestées par le ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini.

Alors, que faire maintenant pour les affréteurs de l'Aquarius ? Ils sont obligés de retrouver un pavillon s'ils veulent pouvoir continuer à naviguer. La convention des Nations Unies de 1982 prévoit qu'aucun bateau ne peut évoluer en mer sans en être doté. "Ils vont devoir faire la tournée des popotes", précise Gaël Piette, car le Panama exerce sa souveraineté en "dépavillonant" l'Aquarius. "Il n'y a pas de solutions à court terme. Il faudrait certainement aller devant la justice internationale". Difficilement envisageable vu les délais impartis par l'urgence humanitaire en méditerranée centrale...

"La France pourrait très bien décider d'octroyer son pavillon à l'Aquarius, a priori rien ne l'en empêche. Si elle en a la volonté politique, elle pourrait le faire". Tous les pays européens pourraient d'ailleurs en faire de même, même la Hongrie bien qu'elle ne possède pas de façade maritime...

Selon un rapport de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, la route de la méditerranée centrale est aujourd'hui bien plus dangereuse qu'avant. Entre janvier et juillet 2018, une personne sur dix-huit qui a tenté la traversée est morte ou disparue. Le taux était de une sur quarante-deux lors de la même période en 2017.

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