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David Miliband : "Les forces européennes du centre tiendront bon"

David Miliband : "Les forces européennes du centre tiendront bon"
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Par Andrew Neil
Publié le Mis à jour
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Dans Uncut avec Andrew Neil, l'ancien ministre britannique David Miliband ne croit pas à une percée des populistes lors des européennes et estime que le centre en Europe doit encore moderniser sa réflexion sur l'économie et les inégalités, mais a la capacité de répondre aux besoins des populations.

Dans cette édition d'Uncut avec le présentateur vedette Andrew Neil, l'ancien ministre britannique des Affaires étrangères et président de l'International Rescue Committee David Miliband ne croit pas à une percée des populistes lors des européennes et estime que le centre en Europe doit encore moderniser sa réflexion sur l'économie et les inégalités, mais a la capacité de répondre aux besoins des populations.

Andrew Neil :

"Cet entretien sera sans coupes et il durera vingt minutes. Nos téléspectateurs pourront voir l'intégralité de nos échanges, il n'y aura aucun montage.

Quand on regarde le monde démocratique actuel, on s'aperçoit que bien souvent, on assiste à l'érosion du centre, à la disparition ou au déclin des partis traditionnels. Pourquoi ?"

David Miliband :

"Je pense qu'il y a deux raisons à cette pression sur le centre ou cette fragmentation du centre, mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras. Premièrement, le centre est victime de ses succès dans le sens où les 70 ans de prospérité après la Seconde Guerre mondiale ont estompé certaines différences entre la droite et la gauche. Deuxièmement, il est bien sûr, victime de ses échecs, l'échec le plus évident étant la crise financière qui a montré que dans un monde interconnecté, on est à peine aussi fort que le maillon le plus faible ; or on ne s'était pas occupé de ce maillon le plus faible. Selon moi, il y a maintenant des choses qui semblent presque normales. La politique monétaire d'assouplissement quantitatif en est un bon exemple."

Andrew Neil :

"C'est quand les banques centrales achètent des actifs financiers."

David Miliband :

"Si j'étais venu ici il y a 10 ou 12 ans et que j'avais dit que l'assouplissement quantitatif était à l'ordre du jour de l'économie mondiale, vous auriez pensé que c'était une idée extrême qui allait bien au-delà de la norme. Je pense aussi que l'ampleur des inégalités et de l'instabilité causée par le fait que l'économie mondiale soit devenue plus intégrée sur les 20 dernières années a vraiment incité à repenser la manière de développer une économie en s'adaptant au monde moderne. J'ai écouté hier Tom Friedman, l'éditorialiste du New York Times. Et je me suis dit qu'il soulevait un point important - je fais vite, promis, je ne passerai pas les 20 minutes là-dessus - : il a dit qu'il n'y avait pas que les facteurs que j'ai décrits, mais aussi la révolution technologique qui a joué un rôle critique dans l'érosion des classes moyennes, mais aussi des pays à revenu intermédiaire. Et sa conclusion, c'est de dire qu'il n'y a plus de profil lambda."

"Le centre-gauche n'a pas encore modernisé sa réflexion sur l'économie et les inégalités"

Andrew Neil :

"Très bien, changeons un peu de sujet : la crise financière de 2008 a clairement traîné en longueur. On subit toujours son impact. Elle a représenté une vraie crise du capitalisme, du capitalisme financier, et aujourd'hui, c'est le centre-gauche - les sociaux-démocrates européens, des gens qui ont la même ligne politique que vous - qui souffre encore plus que le centre-droit. Comment cela se fait-il ?"

David Miliband :

"Tout d'abord, je pense que ce n'est pas le cas partout. Vous ne pouvez pas dire que c'est ce qui se passe au Canada ou en France... Le Canada n'est qu'un exemple..."

Andrew Neil :

"Eh bien, c'est ce qui s'est passé en France, le parti socialiste a quasiment disparu. Le Parti socialiste italien n'existe pratiquement plus. Le parti socialiste grec n'existe pas. Les sociaux-démocrates allemands viennent de subir leur pire revers électoral en 50 ans."

David Miliband :

"Ce que je voulais dire, c'est que ce n'est pas le cas partout..."

Andrew Neil :

"Si, quasiment !"

"Pas d'échec général pour le centre-gauche"

David Miliband :

"Non... Mais il y a le fait que ceux qui étaient au pouvoir pendant la crise financière ont été sanctionnés, qu'ils soient du centre-droit ou du centre-gauche. Je pense donc que c'est un élément important. Je pense malgré tout que le deuxième élément, c'est que le centre-gauche n'a pas encore modernisé sa réflexion sur la manière de stabiliser cette économie qui fait souffrir certains et de s'attaquer à quelques-unes des inégalités massives dont Davos est devenu un symbole."

Andrew Neil :

"Mais pourquoi est-ce si long ? Vous en parlez depuis des années. Chaque année, à Davos, vous nous parlez d'inégalités et elles ne font que s'aggraver."

David Miliband :

"Non, ce n'est pas vrai partout. Donc, si on prend à nouveau l'exemple du Canada, mais on peut évoquer d'autres pays où l'on augmente les salaires minimum et où l'on met en place des crédits d'impôt sur les revenus du travail, où il y a un investissement substantiel non seulement dans un marché du travail flexible, mais dans un marché du travail équitable et donc, où l'on s'attaque à l'inégalité.

Donc on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un échec général pour le centre-gauche, mais il y a bien eu un échec critique, je pense. D'une certaine façon, la question de savoir si une réponse keynésienne ou une réponse d'austérité après la crise financière était la bonne option a pris toute la place. Quoi que vous en pensiez, il y a un défi microéconomique profond qui découle de l'évolution technologique et des autres changements dont nous avons parlé."

Andrew Neil :

"C'est vrai. Mais vous savez, vous pouvez peut-être citer le Canada, mais M. Trudeau n'en est qu'à ses débuts. Alors on verra bien. Mais vous parlez de manière générale..."

David Miliband :

"Mais l'Espagne et le Portugal ont tous deux des gouvernements socialistes..."

Andrew Neil :

"Ce sont aussi des gouvernements minoritaires et nous verrons à quel point ils sont stables."

David Miliband :

"Je pense que tous les gouvernements se sentent minoritaires de nos jours."

Andrew Neil :

"Mais je pense que ce que la plupart des gens retiennent, c'est que les salaires moyens ont stagné depuis la crise. Ils n'ont pas augmenté de manière concrète. Les 12 personnes les plus riches qui viennent à Davos sont aujourd'hui plus riches de cent soixante-quinze milliards de dollars par rapport à il y a dix ans. Et les sociaux-démocrates... Votre camp politique ne propose rien à ce sujet."

David Miliband :

"Non, ce n'est pas vrai selon moi. Partout, on voit des gens qui disent que le salaire minimum doit être augmenté, que les syndicats doivent s'organiser... Je vis à New York actuellement et pour la première fois en 20 ans, il y a un débat sur le taux d'imposition qui serait approprié pour ceux qui ont les revenus les plus élevés. Aujourd'hui, la politique du centre-gauche consiste à donner plus au niveau le plus bas, pas uniquement en retirant des moyens au niveau le plus élevé, mais il faut faire les deux si l'on veut s'attaquer à l'inégalité. Et donc il est légitime de s'attaquer à toute complaisance, mais je ne pense pas qu'il soit juste de dire que ce soit un fléau."

La politique migratoire en question

Andrew Neil :

"Je me demande si les problèmes ne vont pas plus loin que ce que vous affirmez parce que même le succès économique ne garantit pas le succès électoral à l'heure actuelle. Les Suédois ont eu des élections. Malgré le fait que la Suède soit très prospère, qu'il y ait le plein emploi, la coalition sociale-démocrate suédoise a obtenu son pire résultat depuis 50 ans.

En Allemagne, on a la coalition de Mme Merkel avec les sociaux-démocrates, on a l'économie la plus puissante d'Europe, une grande prospérité avec un taux de chômage très faible... Pourtant, dans ce contexte, aussi bien les chrétiens-démocrates que les sociaux-démocrates s'en sont très mal sortis. Il y a là, quelque chose de profond qui n'est pas compris."

David Miliband :

"Vous et moi, nous savons que l'une des principales explications, c'est la politique migratoire. Parlons franchement : la manière dont on lie l'immigration aux problèmes de stagnation ou de baisse des salaires joue un grand rôle. Je pense que le cas de la Suède est intéressant : de nombreux Suédois - je me suis rendu dans ce pays l'an dernier - ont le sentiment d'avoir assumé une part disproportionnée de la charge européenne en matière de migration.

Je rappelle que je dirige une ONG qui travaille au Liban, en Jordanie, avec des réfugiés entre autres et en 2012, 2013 et 2014, nous avons averti qu'une explosion était imminente, que ces pays ne pourraient pas contenir les cinq millions de réfugiés qui quitteraient la Syrie. Et la leçon à en tirer, ce n'est pas que chaque pays devrait faire ce qu'il entend.

L'Europe n'a pas pris les mesures qui s'imposaient avant 2015 quand un million à un million et demi de personnes sont arrivées sur le continent. C'est ainsi que huit pays européens se sont retirés du dispositif commun et que la Suède a eu le sentiment d'avoir assumé une part disproportionnée."

"La politique est déconnectée de leur vie"

Andrew Neil :

"Mais qu'est-ce que votre camp politique a à dire à vos électeurs traditionnels ? Il s'agit pour une large part, d'électeurs de milieux ouvriers, les cols bleus comme on les appelle en Amérique. En Grande-Bretagne, en France ou en Allemagne, ils estiment que vous ne vous préoccupez plus d'eux, que vous ne les écoutiez jamais quand vous étiez au pouvoir. Je ne parle pas de vous personnellement, mais du courant politique que vous représentez. Leur situation s'aggravait. Les riches s'enrichissaient. Ils avaient du mal à joindre les deux bouts. Et vous ne les avez pas entendus."

David Miliband :

"Je pense qu'il serait facile de se réfugier derrière cette accusation en disant que si le problème, c'était que nous n'écoutions pas, le problème aurait été facile à résoudre. En fait, je crois que c'est plus profond que ça.

J'étais le représentant d'une région du nord-est de l'Angleterre qui avait de forts taux de croissance à l'époque où nous étions au pouvoir, où le taux d'emploi était relativement élevé et les taux de chômage plus faibles dans les années 1980.

Pourtant, ses électeurs ont voté massivement pour le Brexit, y compris parmi ceux qui avaient effectivement un emploi et un travail plutôt bien rémunéré. Nissan n'était pas très loin de ma circonscription. Donc... si vous voulez... le défi va plus loin et je pense qu'il faut tenir compte de deux choses : premièrement, la manière dont la politique change la vie des gens et celle de leurs enfants. Ce que les gens du nord-est de l'Angleterre que je représentais me répétaient pendant la campagne sur le Brexit, c'est : 'On ne sait pas s'il y aura des emplois pour nos enfants", pas seulement "pour nous" mais "pour nos enfants". Et la deuxième chose, c'est que la politique est déconnectée de leur vie. Au Royaume-Uni, l'une des principales raisons à cela, c'est la faiblesse des collectivités locales, en particulier en Angleterre, et il y a aussi le fait que les gens pensent que le monde politique est loin d'eux."

"La résistance du modèle social européen ne doit pas être passée sous silence"

Andrew Neil :

"Même quand on a un sauveur et que les voyants passent au vert comme lors de l'élection de Macron en France, - on pensait que c'était un bon signe pour la famille politique européenne du centre, il semblait être le grand sauveur, il semblait la preuve que le populisme en Europe continentale n'allait pas suivre l'exemple du Brexit, ni prendre la route de Donald Trump -, eh bien, 18 mois plus tard, il est vraiment dans le pétrin."

David Miliband :

"Je pense que c'est parce que gouverner est difficile. Soyons clairs : la politique de la colère est plus facile que la politique qui apporte des réponses et il faut reconnaître cela au président Macron : il essaie de mener une politique qui apporte des réponses. Il n'a fait qu'un an et demi de son mandat et je pense qu'en l'état actuel des choses, le centre en Europe tiendra bon, que lors des prochaines élections au Parlement européen en mai, il n'y aura pas de montée de la droite populiste. Dans un pays comme la Pologne, les populistes sont en mauvaise posture. Un autre élément important, c'est le fait que l'AfD en Allemagne a atteint son maximum plutôt que de continuer à gagner du terrain. Et je ne minimise pas, je ne suis pas du tout complaisant à l'égard d'un courant politique nationaliste qui dit que la réponse, c'est le repli sur soi.

Je ne pense pas non plus qu'il soit juste de passer sous silence le fait que la résistance du modèle social européen, en particulier dans des pays comme l'Espagne, le Portugal et la Grèce, est une chose que nous devrions tous reconnaître."

Andrew Neil :

"Je me demande si vous n'êtes pas coupable de la plus terrible complaisance. L'AfD, le parti d'extrême-droite en Allemagne, dispose d'un siège au Parlement européen. Je suis certain qu'il décrochera plus de sièges cette fois-ci. Il y aura aussi de nombreux représentants de la droite populiste de l'Est de l'Europe qui vont y faire leur entrée. Il y a le Rassemblement national qui s'appelait le Front national en France qui obtiendra un bon résultat. Les proches de Macron sont terrifiés."

David Miliband :

"Ils l'étaient déjà il y a cinq ans."

"La politique de la colère n'a rien à offrir"

Andrew Neil :

"Et il y a aussi la Ligue de M. Salvini qui s'en sortira bien... Il est probable qu'ils n'obtiendront pas la majorité, mais ils vont gagner des sièges."

David Miliband :

"Mon degré de complaisance n'est pas en débat. J'ai dit deux fois qu'il n'y a pas de quoi être complaisant. Mais je pense que l'élément le plus important de cette discussion, c'est de savoir s'il est juste de dire qu'"une politique de la colère n'a rien à offrir". Et il faut se demander : "Que représente la politique qui apporte des réponses ? Comment répond-elle aux besoins réels et aux difficultés réelles des gens ?"

Andrew Neil :

"Quel est le diagnostic ? Vous voyez les gens répéter qu'ils voient où est le problème comme vous le faites maintenant. Mais ce qui fait défaut, c'est bien la solution sociale-démocrate... Je vois la solution de la droite populiste - et ce n'est pas à moi de dire si c'est bien ou mal -, je vois la solution de son équivalent à gauche. M. Corbyn défend un certain nombre de politiques en Grande-Bretagne qui ne correspondent pas du tout à votre vision traditionnelle. Qu'est-ce que les sociaux-démocrates ont à proposer ?"

David Miliband:

"Ils ont beaucoup à proposer sur toute une série de choses. Mais je voudrais avant de les évoquer, revenir à ce que j'ai dit au début de cette discussion. On n'a pas encore de réponse toute faite parce que le travail se poursuit..."

"Nous avons de bien meilleures réponses que les discours de charlatan tenus par les extrêmes"

Andrew Neil :

"Vous avez besoin de combien de temps ?"

David Miliband :

"Ce serait pire de dire : "J'ai une réponse facile à donner" parce qu'elle serait mauvaise de toutes façons. Concernant les populistes, mais aussi franchement, l'extrême-gauche, ils n'apportent aucune réponse, ils veulent surfer sur la vague de la colère, mais ils n'ont pas de réponse à apporter aux gens qui ont des bas salaires, qui doivent accepter un emploi à un salaire plus faible après s'être fait licencier et qui ont peur pour leurs enfants.

Maintenant, ce qu'on peut dire, c'est qu'il nous faut de meilleures réponses sur l'assurance chômage qui est un sujet très débattu au sein des sociaux démocrates. Il nous faut de meilleures réponses sur la croissance durable, sur les dépenses en matière d'infrastructures, sur la manière dont nous pouvons rénover nos villes à l'échelle locale. Mais selon moi, ce sont de bien meilleures réponses que les discours de charlatan tenus par les extrêmes."

La tentation Jeremy Corbyn

Andrew Neil :

"Mais si Jeremy Corbyn était là - le chef du parti travailliste au Royaume-Uni -, il dirait que la raison pour laquelle le Labour s'en sort mieux en Grande-Bretagne que les socialistes français, les sociaux-démocrates allemands ou italiens, c'est qu'il a amené son parti plus à gauche, beaucoup plus à gauche que du temps de David Miliband. Il veut des impôts plus élévés pour les riches, beaucoup plus de propriété d'Etat, d'intervention publique et de subventions... Toutes ces choses auxquelles le New Labour en Grande-Bretagne ne voulait pas s'attaquer du tout. Et il marque des points."

David Miliband :

"Il n'est pas au gouvernement pour le moment. Nous avons perdu les dernières élections et je crois qu'il est important de rappeler que le bipartisme au Royaume-Uni se démarque du reste de la politique européenne. Aucun autre système politique n'a la même bipolarisation que le modèle britannique. Et ce qui me frappe, c'est que malgré le fait que nous ayons un gouvernement qui sur bien des terrains - le Brexit, mais pas que - ne va nulle part et emmène le pays nulle part, le Labour continue d'avoir du mal à s'affirmer. Donc ne débattons pas du contenu des sondages, mais parlons plutôt de ce qui ferait vraiment la différence dans la vie des personnes que nous avons évoquées ces quinze dernières minutes."

Andrew Neil :

"Mais qu'est-ce qui déclenchera la renaissance sociale-démocrate ? Qui va porter la réflexion ? Parce que votre segment du parti travailliste a été beaucoup marginalisé en Grande-Bretagne, les socialistes français sont crédités de 8% tout comme les socialistes italiens. Les sociaux-démocrates allemands s'accrochent à leur coalition. Dans ce contexte, d'où viendra cette renaissance ?"

David Miliband :

"Ce qui me frappe c'est que là où comme vous le dites "mon type de social-démocratie est au pouvoir" que ce soit dans des gouvernements locaux, dans d'autres pays en Europe, il a beaucoup de poids, aux Etats-Unis également. Qu'il s'agisse d'Etats ou de villes, leurs responsables les rendent plus attractifs pour l'investissement, ils combattent le chômage avec efficacité, ils augmentent les salaires pour la première fois en une décennie. Et pour moi, cette renaissance viendra de l'implication concrète au niveau local.

Depuis que je vis aux Etats-Unis, je suis attentivement les campagnes pour les primaires et les élections locales. Je constate très souvent qu'il y a un débat très animé. Et franchement, ce n'est pas du côté de l'extrême-gauche que les choses se passent. Il est question de la manière dont nous pouvons avoir une croissance durable, dont on adapte les systèmes de taxes et de prestations sociales pour que le plus grand nombre en bénéficie, dont on met les universités à contribution pour qu'elles fassent de nos villes des lieux qui garantissent un progrès économique, mais aussi social. Et donc si vous me demandez où sont les éléments les plus prometteurs, ils ne se trouvent pas dans les think tanks, mais du côté de ceux qui sont en fonction et qui agissent. Et on peut citer Newcastle, Londres ou Manchester au Royaume-Uni si vous voulez des exemples britanniques."

"L'Europe soutient les classes moyennes et populaires en Grande-Bretagne"

Andrew Neil :

"M. Renzi en Italie a utilisé exactement le même argument en tant que maire de Florence et où en est-il aujourd'hui ? Et qu'en est-il des sociaux-démocrates allemands et italiens à l'heure actuelle ? La plupart des gens qui votaient traditionnellement pour votre style de parti se disent qu'ils ne vous intéressent plus. Il existe une sorte de vivier socialiste urbain qui intéresse le Parti travailliste en Grande-Bretagne, mais aussi d'autres. Mais les gens qui ont du mal à joindre les deux bouts, ils se disent que la mondialisation, c'est bon pour les gens comme vous et moi, mais pas pour eux, cela rend le marché du travail plus compliqué. Et vous les avez ignorés d'une certaine manière."

David Miliband :

"Je ne peux pas vous laisser dire ça. Je ne peux pas vous laisser dire qu'ils nous ont tourné le dos parce qu'ils continuent de voter pour les députés du Parti travailliste dans des circonscriptions que j'ai représentées. Et deuxièmement, je ne peux pas vous laisser dire que nous leur avons tourné le dos.

Le choix qui se présente à nous, c'est soit on fait en sorte d'avoir une mondialisation plus équitable et elle pourra perdurer, soit on finit par se replier sur soi et cette attitude ne va dans l'intérêt de personne. L'argument qui a joué dans la campagne du Brexit, c'est la question de savoir si l'Europe soutient les classes moyennes et populaires en Grande-Bretagne ou qu'elle les néglige. De mon point de vue, elle les soutient. Et je crois que c'est très, très important que nous tranchions ce débat. Je ne vois pas de réponse qui serait apportée à ces personnes dont vous avez parlé en cas de repli sur soi parce que cela n'apporte rien, zéro en termes d'investissement, zéro en termes d'emplois, zéro en termes de salaires."

"Eviter le syndrome japonais"

Andrew Neil :

_"Vous dites que les élections européennes de mai prochain pourraient ne pas être aussi dramatiques que le disent certains au sujet d'une éventuelle progression de la droite populiste. _Ses représentants détiennent aujourd'hui seulement 23% des sièges au Parlement européen. Mais dans presque tous les pays, ils devraient remporter plus de voix que cela. Ils n'obtiendront pas de majorité et cela intervient dans le contexte d'une zone euro qui se développe et qui a récemment surmonté la crise de la zone euro et dans laquelle on crée davantage d'emplois et de croissance économique. Mais cela pourrait s'arrêter. Je vous dirais que aujourd'hui, non seulement, la situation politique est mauvaise, mais si la zone euro retombait dans la récession, la situation serait encore plus épouvantable."

David Miliband :

"Je crois que c'est un point très important et les gens comme moi, nous critiquons depuis longtemps le mélange politique qui existe en Europe. Nous avons toujours dit que l'austérité et les réformes n'allaient engendrer ni stabilité politique, ni avantages économiques. On doit avoir un esprit pro-croissance, pro-réforme. Et la zone euro a été piégée dans un cycle de croissance faible parce qu'elle a misé sur les réformes, mais elle n'a pas eu de politique de croissance. Et le contexte macroéconomique a bloqué l'Europe et la zone euro dans une situation de dépendance à Mario Draghi et à la BCE. Et au final, il va continuer de jouer ce rôle, mais ce n'est pas suffisant. Il faut mettre en jeu la politique budgétaire parce que sinon, on ne rééquilibrera pas l'économie européenne. Et pour donner une perspective mondiale à tout cela, le grand risque, c'est que l'on se mette dans une situation à la Japonaise."

Andrew Neil :

"Une spirale déflationniste."

David Miliband :

"Et c'est un syndrome qui dure depuis vingt ans et c'est précisément l'argument que je tiendrai pour m'opposer à ce qui a été l'axe majeur de la politique économique allemande qui consiste à dire que tous les pays doivent avoir la même position macroéconomique que l'Allemagne. Alors, je vous invite à ne pas blâmer les sociaux-démocrates pour cela."

"Ne pas balayer d'un revers de main les capacités des partis traditionnels à répondre aux besoins des populations"

Andrew Neil :

"Donc si vous avez raison d'être optimiste et que les choses ne sont pas terminées pour les partis traditionnels. Donnez-moi le nom du pays européen où l'on pourrait assister à cette renaissance."

David Miliband :

"En fait, j'en ai mentionné plusieurs. J'ai parlé de la Pologne qui est tombée dans le piège populiste."

Andrew Neil :

"Elle a encore un gouvernement populiste."

David Miliband :

"Oui, mais le gouvernement n'a pas à affronter des élections prochainement. Mon pronostic, c'est que les élections européennes vont se traduire par une majorité pro-européenne retentissante en Pologne.Et ce n'est qu'un exemple. Mais l'argument que je voudrais faire passer lors de cette interview, c'est que le défi que vous exposez [ndlr : la renaissance de la social-démocratie] est parfaitement légitime et que la pire des choses que nous pourrions faire, c'est de prétendre que les réponses existent déjà. Et une deuxième chose qui serait pire, ce serait de balayer d'un revers de main les capacités des partis traditionnels à répondre aux besoins des populations."

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