Voter Vox en Andalousie : difficile à assumer

Voter Vox en Andalousie : difficile à assumer
Par Sophie ClaudetValérie Gauriat
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Interrogée par Sophie Claudet, notre journaliste Valérie Gauriat nous raconte les coulisses de son reportage en Andalousie sur Vox. Si ce nouveau parti d'extrême-droite gagne du terrain sur place, rares sont ceux qui affirment face caméra soutenir ses idées.

À l'occasion de notre deuxième numéro d'Insiders dans le cadre de notre série "L'Europe hors des sentiers battus" à l'approche des élections européennes de mai, nous interrogeons notre journaliste Valérie Gauriat qui est allée observer l'essor de Vox en Andalousie, région où le nouveau parti d'extrême-droite a fait une percée électorale en décembre en décrochant douze sièges avec près de 11% des voix.

Si certains habitants de la ville de La Línea de la Concepción se disent favorables à ses idées, beaucoup refusent de l'affirmer face caméra. Selon notre reporter, "ils craignent d'être stigmatisés puisque l'Andalousie est traditionnellement un bastion de la gauche" et que "Vox veut fermer la frontière avec Gibraltar" alors que de nombreux Andalous y travaillent.

Sophie Claudet :

"Vous n'avez pas pu parler aux dirigeants locaux de Vox. Vous aviez pourtant tout organisé avant de partir. Que s'est-il passé ? Ils ont refusé de vous parler ?"

Valérie Gauriat :

"En effet. Tout était confirmé, des interviews, des rendez-vous et des tournages étaient prévus, nous devions les suivre sur le terrain. Et finalement, à la dernière minute, ils ont dit : "Non, ce n'est plus possible, nous avons reçu des ordres du siège à Madrid." Ils ont décidé de boycotter tous les médias. Et quand nous leur avons demandé pourquoi, la réponse a été : "On ne sait pas."

Mais ce qui est clair, c'est que c’est une période cruciale pour Vox à l'approche des élections. Ils sont très, très méfiants à l'égard des médias. Ils ont connu quelques mésaventures après les élections régionales de décembre. Leurs partisans sur le terrain ont tenu des propos très offensifs et racistes. Il y a aussi eu des tweets de l'un des dirigeants andalous dans lesquels il a affirmé que les immigrés étaient une menace pour l'identité européenne ou encore qu'il était fier qu'on le traite de sexiste.

Donc ils veulent se débarrasser de cette image, mais ils ont du mal. Ils ont reçu le soutien - voire les éloges - de la plupart des partis populistes et d'extrême-droite en Europe, mais aussi d'un ancien leader du Ku Klux Klan."

"Un parti récent qui n'est pas encore très bien structuré"

Sophie Claudet :

"Pourtant, Vox fait campagne contre l'immigration. Le parti maintient que la parité entre les hommes et les femmes est inacceptable, qu'il faut supprimer le droit à l'avortement. C'est bien son programme après tout. Alors pourquoi essaye-t-il maintenant de changer de position ? Que se passe-t-il ?"

Valérie Gauriat :

"Ils affirment pour leur part qu'ils ne sont ni racistes, ni sexistes..."

Sophie Claudet :

"Mais c'est bien ce qu'ils ont dit et c'est dans leur programme."

Valérie Gauriat :

"C’est vrai, mais c’est un parti assez récent et il n'est pas encore très bien structuré. Et ils doivent encore désigner leurs candidats, leurs dirigeants régionaux. Il y a des divisions à l'intérieur du parti et parmi ses membres. La totalité du programme n'est pas forcément soutenue par tous ses membres et tous ses sympathisants et puis, ils sont en quelque sorte en train de prendre la température auprès de leurs électeurs potentiels. Et même au sein de leur électorat, les gens ne sont pas d'accord sur tout, notamment sur le projet de réformer la loi sur les violences sexistes qui est l'une des plus protectrices pour les femmes en Europe et ça ne passe pas très bien auprès de nombreuses femmes."

"Vox est encore tabou pour beaucoup de monde en Andalousie"

Sophie Claudet :

"Oui, ça a causé d'importantes manifestations en Espagne... Parlons des partisans de Vox. Vous avez réussi à discuter avec quelques personnes et le plus souvent, c'était à la volée, dans la rue. La seule interview "posée", si je me souviens bien, c'était avec ce couple qui ne veut pas apparaître à visage découvert. Les gens ont-ils honte de dire qu'ils votent pour Vox ? C'est mal vu dans la période post-Franco de tenir un discours contre les immigrés, contre les droits des femmes ?"

Valérie Gauriat :

"Oui. Les gens craignaient beaucoup d'être stigmatisés à La Linea puisque l'Andalousie dans son ensemble est traditionnellement un bastion de la gauche. Ce n'est pas du tout bien vu d'être associé à un parti comme Vox et c'est ce que nous ont dit les gens qu’ils soient pro- ou anti-Vox comme le couple que vous évoquiez : le mari est un sympathisant ; la femme, non."

Sophie Claudet :

"Oui, ça ne lui plaît pas."

Valérie Gauriat :

"Elle l'a même retiré de son groupe d’amis sur Facebook..."

Sophie Claudet :

"Pour le punir."

Valérie Gauriat :

"Pour le punir ou du moins, pour montrer qu'elle n'était pas d'accord avec lui sur les questions qui touchent les femmes, mais aussi l'immigration. Donc, oui, Vox est encore tabou pour beaucoup de monde en Andalousie et à La Linea d'autant plus qu'il y a beaucoup de gens qui travaillent à Gibraltar et Vox veut fermer la frontière avec Gibraltar. Donc certains nous ont dit que si on les associait à Vox, ils risquaient de perdre leur emploi."

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