Au Venezuela, on a du pétrole mais "on n'a plus d'essence"

Au Venezuela, on a du pétrole mais "on n'a plus d'essence"
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Devant une station-service de l'ouest du Venezuela, 200 voitures sont à l'arrêt. "On attend le camion-citerne depuis deux jours", peste Luis face à la pénurie d'essence qui touche certains Etats du pays, détenteur des premières réserves de pétrole au monde, mais soumis à un embargo américain sur son brut.

D'un coup de menton, Luis, chauffeur de taxi à San Cristobal, à une heure et demi de la frontière colombienne, désigne l'ampleur du problème. "Regardez, il n'y a plus d'essence. On attend tous ici que le ravitaillement arrive", bougonne-t-il.

Devant lui, une centaine de voitures dont les chauffeurs ont, tout comme Luis, passé une nouvelle nuit sur leurs banquettes arrière pour être sûrs de ne pas manquer leur tour quand arrivera le camion-citerne.

Et la même scène se reproduit à l'envi devant des dizaines de stations-service vénézuéliennes depuis presque une semaine, notamment dans les Etats occidentaux de Zulia, de Tachira, où se trouve San Cristobal, et dans l'Etat de Bolivar (est), selon des correspondants de l'AFP.

A Maracaibo, la capitale de Zulia déjà fortement touchée par des coupures de courant, Arianni Carruyo explique qu'elle ne peut pas "aller au travail, ni emmener (sa) fille à l'école parce qu'il n'y a pas d'essence".

Mais si l'essence manque au Venezuela, le Venezuela ne manque pas de pétrole: le pays dispose des plus grandes de réserves prouvées au monde, avec plus de 300 milliards de barils.

L'essence, monopole d'Etat, y "est quasiment gratuite", explique à l'AFP l'économiste Jesus Casique. Pour preuve: au supermarché, un oeuf vaut 933 bolivars (environ 15 centimes d'euro), une somme qui permettrait d'acheter à la pompe... 93,3 millions de litres d'essence.

"Comment se fait-il que l'essence soit si bon marché ? C'est à cause de l'inflation galopante et du prix de l'essence qui est resté stable", dit à l'AFP Henkel Garcia, patron de l'institut Econometrica, en soulignant la volonté du gouvernement de Nicolas Maduro de maintenir une certaine forme de paix sociale en bridant les prix à la pompe.

- Caracas exempte de pénurie -

Seulement, le secteur pétrolier vénézuélien, régi par la compagnie publique PDVSA, est en très mauvaise posture, ce qui explique, en partie, la pénurie d'essence actuelle.

Avec la crise économique - le PIB devrait chuter de 25% cette année, selon le FMI -, la production de pétrole, qui représente 96% des revenus du Venezuela, "a diminué de manière significative", relève Jesus Casique. Il y a dix ans encore, le pays produisait 3,2 millions de barils par jour (mbj). En avril, la production n'était plus que de 1,04 mbj, selon l'Opep.

Jesus Casique estime que cet effondrement de la production a conduit à l'"abandon" des infrastructures pétrolières. La crise est aujourd'hui telle que Caracas doit importer 250.000 barils chaque jour pour satisfaire la demande.

Vendredi, le chef de file de l'opposition Juan Guaido a accusé le gouvernement de Nicolas Maduro d'avoir "détruit notre industrie pétrolière" par "sa corruption, son incurie et son apathie".

A ces difficultés internes, s'ajoutent les nouvelles sanctions prises par les Etats-Unis à l'encontre du Venezuela pour accentuer la pression sur Nicolas Maduro, dont Washington exige le départ au profit de Juan Guaido.

Le 28 avril, les Etats-Unis ont en effet mis en place un embargo sur le pétrole vénézuélien, qui interdit à toute entreprise américaine d'acheter du pétrole à PDVSA ou l'une de ses filiales, et à toute entité étrangère d'utiliser le système bancaire américain pour se fournir en or noir vénézuélien.

Le Venezuela ne peut donc plus envoyer son brut aux Etats-Unis pour le faire raffiner et "il lui est beaucoup plus compliqué d'importer des produits comme les diluants (destinés au raffinage, ndlr) qui venaient auparavant du marché américain", indique Henkel Garcia.

Mais la pénurie d'essence ne touche pas Caracas, souligne-t-il, "car le gouvernement a toujours eu tendance à favoriser la capitale par crainte d'une explosion sociale".

A San Cristobal, Luis, qui attend devant la station-service depuis deux jours, dit bien ressentir l'effet de ces faveurs faites à Caracas au détriment de la province.

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"On a les plus grandes réserves de pétrole au monde, mais en politique on est vraiment les plus mal lotis", tonne-t-il.

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