Brésil: le juge Moro et "Lavage express" dans l'oeil du cyclone

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Le juge brésilien Sergio Moro et les procureurs de l'enquête anticorruption "Lava Jato" (Lavage express) ont-ils les mains sales? Un site d'investigation vient de faire des révélations en forme de bombe mais qui pourraient, selon des experts, se transformer en pétard mouillé.

The Intercept, cofondé par le journaliste américain Glenn Greenwald, a lancé de lourdes accusations de partialité politique dimanche soir après avoir eu accès à un grand volume de messages privés échangés notamment sur Telegram entre les procureurs et le juge Moro, chargés de Lavage express, grâce à "une source anonyme".

Les responsables, accusés de "tromperies systématiques" et de "manque d'éthique", auraient conspiré pour empêcher l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) de se représenter à la présidentielle de 2018, pour laquelle les sondages le donnaient largement vainqueur et finalement remportée par Jair Bolsonaro.

Le juge fédéral Moro, qui était devenu avec Lavage express le "Monsieur Propre" d'un Brésil rongé par la corruption, est aujourd'hui l'un des poids lourds du gouvernement du président d'extrême droite, dont il est ministre de la Justice.

Mais The Intercept a obtenu des messages qui prouvent, selon le site, que M. Moro, normalement tenu à la plus totale impartialité, a franchi la ligne rouge en fournissant conseils et directives aux procureurs de Lavage express en défaveur de Lula, qu'il a condamné à la prison en première instance en 2017.

Accusé d'avoir reçu un triplex de bord de mer comme pot-de-vin, Lula a été condamné et emprisonné en avril 2018 et empêché de se présenter à un 3e mandat présidentiel. Il s'est toujours dit innocent et victime d'une machination politique destinée à lui barrer la route de l'élection.

"Alors qu'ils ont assuré longtemps qu'ils étaient apolitiques et motivés par la seule lutte anticorruption, les procureurs de Lavage express ont en fait comploté entre eux sur les moyens d'empêcher le retour au pouvoir de Lula et de son Parti des Travailleurs", accuse le site.

Que peut-il se passer au Brésil après des révélations aussi explosives ? De nouveaux procès? L'écroulement de pans entiers de l'enquête anticorruption? La démission du ministre de la Justice? Une crise politique?

- "Tempête dans un verre d'eau" -

Improbable, disent la plupart des analystes.

Il pourrait s'agir d'une "tempête dans un verre d'eau, à moins qu'il y ait d'autres fuites plus compromettantes", écrit ainsi l'ex-président Fernando Henrique Cardoso sur son blog.

A ce stade, les fuites "révèlent des commentaires inappropriés (des enquêteurs) mais ne modifient pas, en substance la raison des condamnations", ajoute-t-il.

"Il y aura probablement des retombées, mais ce ne sera pas tout une histoire", dit lui aussi l'analyste politique David Fleischer, à l'AFP.

Christopher Garman, directeur Amérique pour l'Eurasia Group, "ne pense pas qu'il va y avoir une crise politique" ni de "justification légale à l'annulation de condamnations déjà prononcées", notamment celle de Lula à huit ans et dix mois de prison.

Tout au plus cette affaire permettra-t-elle, selon M. Garman, de voir les perspectives de Lula de quitter sa prison de Curitiba (sud) pour une résidence surveillée se rapprocher dans le temps.

"Les électeurs continuent de réclamer des mesures pour combattre la corruption et l'opinion publique ne va pas voir" ces révélations, même fracassantes, "comme un problème", conclut-il.

Pour leur part, les consultants de Infinity Assets ont souligné que, selon des juristes, "les échanges piratés relevaient de conversations privées", soit "rien d'inhabituel dans une procédure de l'ampleur de Lava Jato", enquête tentaculaire lancée il y a cinq ans et qui a conduit derrière les barreaux des centaines de responsables politiques et économiques.

Les réseaux sociaux se sont passionnés pour l'affaire, avec les mots-clés #EuApoioLavaJato (Je soutiens Lavage express) et EuApoioTheIntercept (je soutiens The intercept) prenant la tête des tendances.

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Au sujet de ceux qui l'ont accusé d'avoir publié des messages non-authentiques, Greenwald a évoqué "une sale technique".

Le journaliste, qui avait publié les révélations d'Edward Snowden sur l'agence américaine de renseignement NSA, a annoncé que les scoops de dimanche n'étaient que le début d'une longue série de fuites très compromettantes pour des personnalités politiques en vue.

"La matière que nous avons est énorme", a assuré à l'AFP Leandro Demori, directeur exécutif de The Intercept Brasil.

Alors que Jair Bolsonaro, généralement prolixe sur Twitter, gardait le silence lundi, Fernando Haddad, son rival de gauche malheureux à la présidentielle, a demandé dès dimanche soir l'ouverture d'une enquête sur ce qui pourrait être, selon lui, "le plus grand scandale institutionnel de la république".

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