Affrontement militaire meurtrier dans l'Himalaya entre l'Inde et la Chine

Archives : vue satellite de la vallée de la rivière Galwan dans la région du Ladakh, non loin de la ligne de partage entre l'Inde et la Chine, le 31 décembre 2019
Archives : vue satellite de la vallée de la rivière Galwan dans la région du Ladakh, non loin de la ligne de partage entre l'Inde et la Chine, le 31 décembre 2019 Tous droits réservés Planet Labs via AP
Par Vincent Coste avec AFP
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Des troupes des deux géants asiatiques se sont affrontées dans le Ladakh, une région frontalière disputée entre Pékin et New Delhi.

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La tension est montée d'un cran entre la Chine et l'Inde dans l'Himalaya. Un corps-à-corps d'une extrême violence s'est produit dans la nuit de lundi à mardi entre les troupes des deux géants asiatiques dans une vallée à plus de 4 000 mètres d'altitude. Vingt soldats indiens ont péri lors de cette confrontation avec l'armée chinoise sur la frontière disputée au Ladakh, dans le nord de l'Inde, premier accrochage militaire meurtrier en 45 ans entre Pékin et New Delhi.

L'armée indienne a d'abord annoncé mardi la mort d'un officier et de deux soldats, évoquant des morts "des deux côtés" dans la vallée de la rivière Galwan. En soirée, elle a fait état de 17 autres "grièvement blessés au champ d'honneur" qui avaient "succombé à leurs blessures".

La Chine a, elle, évoqué des "morts et blessés", sans toutefois préciser dans quel camp. Elle accuse l'Inde d'être responsable de l'incident.

Le ministère indien des Affaires étrangères a répliqué par la voix de son porte-parole Anurag Srivastava, attribuant la responsabilité de l'affrontement à la Chine à travers "une tentative de changer unilatéralement le statu quo" à la frontière.

Un militaire indien basé dans la région a assuré qu'il n'y avait pas eu d'échange de tirs. "Aucune arme à feu n'a été utilisée. Il y a eu de violents corps-à-corps", a déclaré cette source, sous couvert de l'anonymat.

Ce mercredi, le ministre indien de la Défense, Rajnath Sing a indiqué que la perte des soldats était "profondément troublante et douloureuse".

La Chine a assuré ce mercredi espérer un apaisement avec l'Inde. "Du côté chinois, nous ne voulons assurément plus voir de heurts" avec l'Inde, a assuré devant la presse un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian. Ce dernier a aussi exhorté New Delhi à éviter "les gestes provocateurs" qui pourraient envenimer la situation.

Réunion des partis politiques en Inde

Le Premier ministre indien, Narendra Modi a indiqué qu'il avait l'intention d'organiser une réunion avec tous présidents des partis politiques du pays vendredi pour "discuter de la situation sur la frontière entre l'Inde et la Chine".

Des troupes envoyées en renfort le long des frontières disputées

Des troupes des deux puissances nucléaires ont été engagées depuis début mai dans plusieurs face-à-face tendus le long de leur frontière commune, principalement au Ladakh, et ont acheminé des milliers de soldats en renforts. Une crise que les parties affirment cependant vouloir résoudre par la voie diplomatique.

"L'Inde et la Chine ont toutes les deux exprimé leur volonté d'un apaisement, et nous soutenons une solution pacifique", a réagi un porte-parole du département d'Etat américain après cet affrontement.

A la suite de pourparlers entre des généraux des deux armées il y a une dizaine de jours, un processus de désengagement militaire avait été enclenché dans certaines des zones disputées de la région en haute altitude du Ladakh.

Craintes d'escalade

La dernière altercation meurtrière entre militaires indiens et chinois datait de 1975, lorsque quatre soldats indiens avaient perdu la vie en Arunachal Pradesh (est). Aucune balle n'a été tirée au-dessus de la frontière indo-chinoise depuis.

Des hauts gradés des deux bords s'entretiennent actuellement sur place pour désamorcer la situation, selon le communiqué de l'armée indienne.

A New York, une porte-parole de l'ONU a fait part de la préoccupation de l'Organisation. "Nous exhortons les deux parties à observer le maximum de retenue", a déclaré aux médias Eri Kaneko, en se félicitant des informations faisant état d'un engagement des deux pays à calmer la situation.

Début mai, des affrontements à coups de poing, pierres et bâtons avaient notamment opposé des militaires des deux pays dans la région du Sikkim (est de l'Inde), faisant plusieurs blessés.

Les troupes chinoises avaient aussi avancé dans des zones considérées par l'Inde comme situées sur son territoire au Ladakh, poussant New Delhi à dépêcher des renforts dans la région.

Si la situation "n'est pas correctement gérée, cela pourrait dégénérer en quelque chose de beaucoup plus gros que ce que nous imaginions au départ", a déclaré Harsh V. Pant, analyste à l'Observer Research Foundation de New Delhi. "La Chine, avec ses meilleures infrastructures, ses capacités militaires supérieures, pense peut-être que c'est le moment de pousser l'Inde, pour voir jusqu'où ira l'Inde".

L'Inde et la Chine ont plusieurs litiges territoriaux de longue date, dans les secteurs du Ladakh et de l'Arunachal Pradesh.

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AP Photo/Archives
«Vous avez franchi la frontière, faites demi-tour» : Militaires chinois déployant une banderole à l'adresse de troupes indiennes dans le Ladakh en mai 2013.AP Photo/Archives

Les confrontations dans des zones montagneuses entre armées indienne et chinoise sont devenues plus fréquentes ces dernières années, ce que l'administration Trump interprète comme le signe d'une agressivité chinoise croissante en Asie.

En 2017, soldats indiens et chinois ont passé plus de deux mois à se faire face sur un plateau himalayen stratégique dans la région du Bhoutan. Des pourparlers avaient mené à un désengagement militaire des deux parties.

Le dernier conflit ouvert entre les deux nations les plus peuplées de la planète remonte à la guerre-éclair de 1962, qui avait vu les troupes indiennes rapidement défaites par l'armée chinoise.

L'Inde sous le choc, silence en Chine

Cet accrochage a fait mercredi la une de la presse indienne, contrastant avec le silence de Pékin sur cet affrontement sans précédent depuis plus de 40 ans.

"La provocation est grave", estime le quotidien Indian Express dans son éditorial appelant l'Inde à "garder la tête froide" et "à répondre par une réflexion calme et une volonté de fer".

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New Delhi doit "être préparé à l'escalade" mais "en étant conscient de ce que cela implique pour l'avenir", écrit le journal.

Certaines chaînes de télévision ultra-nationalistes louent elles les "martyrs" tombés au front et utilisent le mot-dièse #ChineMustPay (#LaChineDoitPayer).

À l'inverse, de l'autre côté de l'Himalaya, le grand journal de la télévision nationale chinoise mardi soir n'a pas soufflé mot de l'incident frontalier.

Mercredi, plusieurs journaux chinois se contentent de reproduire sur leur site, mais pas en version imprimée, le communiqué du ministère de la Défense appelant l'Inde à la retenue.

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