"L'UE défend ses intérêts" en accordant des prêts à ses pays voisins face au Covid-19

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Par Naomi LloydGuillaume Desjardins
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L'Union européenne a accordé trois milliards d'euros d'assistance financière principalement sous forme de prêts à dix pays voisins face à la pandémie. Pour la Commission, en effet, "l'UE ne sera jamais sûre et prospère tant que son voisinage ne le sera pas."

L'Union européenne a promis à ses pays voisins de les aider pendant cette pandémie. Cela passe par la fourniture de vaccins, mais aussi par l'octroi de prêts d'urgence - ce qu'on appelle l'assistance macrofinancière (AMF) - pour un montant de 3 milliards d'euros à 10 pays du voisinage durement frappés par la crise.

Parmi ses bénéficiaires, la Moldavie. Cette nation parmi les plus pauvres d'Europe située aux portes de l'UE a été durement touchée par le coronavirus, en particulier dans les zones rurales où les éleveurs laitiers ont dû faire face à la fois, à une forte sécheresse et à cette pandémie, compromettant un peu plus encore leur situation financière.

"On ne pouvait pas faire venir les nutriments de l'étranger et comme les magasins étaient fermés, on ne pouvait pas se procurer tout le matériel et tout ce qu'il faut pour les fermes," explique Ana Pancrat, présidente de l'association des producteurs laitiers moldaves. "Dans une telle situation, on ne peut pas s'y retrouver financièrement : des producteurs laitiers ont estimé nécessaire pour leur rentabilité de faire abattre leurs vaches," précise-t-elle.

Les agriculteurs ne sont pas les seuls à souffrir financièrement. C'est l'économie de tout le pays qui vacille, rabotant ainsi les revenus fiscaux d'un État déjà exsangue par l'augmentation des dépenses sanitaires et sociales.

"De plus en plus de personnes en pauvreté absolue"

Pour compenser les difficultés financières de l'État, la solidarité s'organise dans les villages reculés, mais la tâche est lourde.

"Le nombre de personnes dans une pauvreté absolue augmente et comme elles sont de plus en plus nombreuses, c'est plus difficile pour l'État de toutes les aider," fait remarquer Daniela Sevciuc, coordinatrice nationale de la Croix-Rouge moldave qui achemine de l'aide pour les plus pauvres dans les campagnes.

Avant l'apparition du virus, la situation n'était déjà pas rose : avec un salaire moyen de 350 euros bruts mensuels, un quart de la population active s'est expatriée. Par deux fois depuis 2010, l'UE a accordé à Chișinău, une assistance macrofinancière (AMF).

Mais en 2019, la Moldavie affichait tout de même un taux de croissance décent de 3,6% et le chômage plafonnait à 5,1%.

Le gouvernement ambitionnait même de lancer un programme de construction d'infrastructures publiques. Mais la crise du coronavirus a rebattu les cartes.

Un prêt à certaines conditions

L'Union européenne a accordé, en avril dernier, un prêt de 100 millions d'euros à cette ancienne république soviétique. Nous avons demandé à Maia Sandu, la nouvelle présidente du pays, en quoi cette assistance macrofinancière pouvait aider la Moldavie à sortir de l'ornière.

"Notre économie a grand besoin de cette assistance," souligne la présidente Maia Sandu. "Les entreprises moldaves n'ont pas été soutenues du tout l'an dernier et il n'y a pas d'argent dans le budget actuel pour soutenir l'économie : ce qui signifie des suppressions d'emplois, une perte de revenus et pour beaucoup, cela veut dire plus de pauvreté," déplore-t-elle.

Mais ce prêt vient avec des conditions. Les 50 premiers millions ont été versés en novembre 2020. Le reste ne sera transféré à la Banque centrale moldave que si le pays entame des réformes pour lutter contre la corruption, renforcer l'état de droit, ainsi que la bonne gouvernance économique.

"Je suis favorable à ces conditions qui correspondent aux attentes des citoyens en matière de bonne gouvernance," assure Maia Sandu, "parce que les contribuables de l'Union européenne veulent savoir que l'argent qu'ils accordent aux Moldaves est bien perçu par les Moldaves, aide les Moldaves et n'est pas détourné par des personnes corrompues qui se trouvent notamment au Parlement ou dans d'autres institutions de l'État."

Des doutes sur la capacité de la Moldavie à mener les réformes

Dumitru Pîntea est économiste pour Expert Grup, l'une des organisations chargées de veiller au respect de ces conditions. Selon lui, cet objectif ne sera pas atteint sans changement politique dans les semaines à venir.

"Actuellement, la Moldavie n'a pas de gouvernement plénipotentiaire qui puisse mettre en œuvre les réformes," fait remarquer Dumitru Pîntea. "Dans le même temps, le gouvernement n'a pas le soutien du Parlement : la majorité des députés sont contre ces réformes et ces conditions préalables," poursuit-il.

Comme pour la Moldavie, la mise en place de réformes conditionne le versement de l'assistance macrofinancière à neuf autres pays bénéficiaires.

Droits de l'homme, réformes et lutte contre la corruption

L'assistance macrofinancière est une aide délivrée par l'Union européenne qui s'accompagne de conditions. La Commission européenne l'a accordée pour un montant total de trois milliards d'euros à dix de ses pays voisins pour les aider à atténuer les répercussions économiques de la pandémie. Parmi eux, des candidats à l'adhésion à l'UE, de potentiels candidats à cette adhésion et des pays voisins.

Cette aide se présente principalement sous la forme de prêts accordés à des conditions très favorables et à de faibles taux d'intérêt. Elle est généralement versée à la banque centrale du pays et utilisée par son gouvernement pour stabiliser les comptes publics.

Pour recevoir les fonds, les pays doivent avoir signé un programme de financement avec le Fonds monétaire international (FMI), remplir des conditions en matière de respect des droits de l'homme, mettre en œuvre des réformes démocratiques, économiques et en matière de gouvernance et lutter énergiquement contre la corruption.

Olivér Várhelyi : "Pour défendre nos intérêts, nous devons répondre présents"

Olivér Várhelyi est Commissaire européen en charge du voisinage et de l'élargissement de l'Union. Nous l'avons interviewé à Bruxelles, au sujet de cette assistance financière en commençant par lui demander pourquoi elle est aussi importante dans la période actuelle.

Olivér Várhelyi, Commissaire européen en charge du voisinage et de l'élargissement de l'Union :

"L'Union européenne ne sera jamais sûre et prospère tant que son voisinage ne le sera pas. "Sûr", cela veut dire se rétablir de la crise du Covid d'un point de vue sanitaire et "prospère", cela signifie se remettre des répercussions économiques générées par la crise du COVID."

Naomi Lloyd, euronews :

"Parmi nos téléspectateurs européens, certains pourraient se demander pourquoi de l'argent est dépensé en dehors de l'Union. Que pourriez-vous leur dire ?"

Olivér Várhelyi :

"Pour défendre nos intérêts, nous devons répondre présents. Répondre présent, cela veut dire contribuer à couvrir les besoins et remplir les objectifs prioritaires de ces pays. L'idée, c'est aussi de créer un environnement qui ressemble davantage à l'Union européenne tout en étant en dehors de l'UE. Ce qui nous donnera un climat des affaires prévisible, des possibilités d'investissement pour nos entreprises, davantage d'opportunités d'échanges avec ces pays en termes de commerce et de visite touristique, mais aussi bien sûr, de la stabilité et de la sécurité à nos frontières."

Naomi Lloyd :

"Nous avons vu que d'après un expert, il est peu probable que la Moldavie ait la capacité, voire la volonté, pour certains politiques, de mener les réformes économiques nécessaires pour obtenir le deuxième versement de cette assistance liée au Covid. Cela vous inquiète-t-il ?"

Olivér Várhelyi :

"Je ne suis pas inquiet. J'ai rencontré la présidente moldave et pour moi, son engagement est sans faille. J'ai bon espoir que les Moldaves respectent toutes les conditions dans leur propre intérêt. Il n'est pas dans l'intérêt de l'Union européenne que la Moldavie atteigne ces objectifs que nous avons déterminés ensemble. C'est bien dans l'intérêt du peuple moldave de mener toutes ces réformes parce qu'elles permettront de rendre leur système juridique et leur système économique davantage résilients et capables de se remettre de la crise du Covid."

Journaliste • Naomi Lloyd

Video editor • Nicolas Coquet

Sources additionnelles • Production : Camille Cadet ; cameramen : Pierre Holland & Jorne Van Damme (Bruxelles), Thierry Winn (Chișinău) ; motion design : NEWIC

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