"Thérapies de conversion" des LGBT : le Royaume-Uni veut les interdire, l'UE reste à la traîne

Interdiction des thérapies de conversion des LGBT : l'UE à la traîne
Interdiction des thérapies de conversion des LGBT : l'UE à la traîne Tous droits réservés Francisco Seco/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved
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Par Guillaume Petiteuronews avec agences
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Pour l'heure seule une poignée d'États (Malte, Allemagne, Albanie, et une partie de l'Espagne) ont suivi la résolution non-contraignante votée par le Parlement européen en 2018.

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**Lors du traditionnel discours du Trône prononcé par Elizabeth II devant les parlementaires, le gouvernement britannique a annoncé son intention d'interdire les "thérapies de conversion" des homosexuels, pratique qui vise à tenter d'imposer l'hétérosexualité à des personnes bisexuelles ou homosexuelles. Mais au sein de l'Union Européenne, peu de pays les bannissent, malgré de multiples appels lancés par des parlementaires européens. **

A 55 ans, Jean-Michel Dunand se dit toujours "dans la reconstruction". Alors qu'il voulait devenir prêtre, il a confié à 18 ans son homosexualité à son entourage. "On m'a proposé une prière de guérison pour que le Christ me guérisse de cette sexualité compulsive". Un prêtre a ensuite suggéré des séances d'exorcisme. "Jean-Michel est possédé par le démon de l'homosexualité", a-t-il entendu.

Jean-Michel est possédé par le démon de l'homosexualité
Un prêtre tentant de "convertir" Jean-Michel

"C'était très violent. On s'adresse à vous, à votre corps, en disant au démon : Sors de ce corps-là", raconte-t-il. Il a subi huit séances d'exorcisme : "On ne sort jamais d'une emprise comme celle-ci". Pour Jean-Michel Dunand, qui avait également témoigné en 2019 dans le journal français La Croix, "la parole commence à se libérer, mais beaucoup n'osent pas car il y a une certaine honte".

Les associations de défense des personnes LGBT rappellent que l'homosexualité n'est pas une maladie et que de telles "thérapies" sont "violentes" et "humiliantes". Pourtant, ces pratiques sont encore aujourd'hui menées au sein de l'Union européenne. Dans de nombreux pays elles sont encore autorisées, à défaut d'être formellement interdites, malgré un arsenal légal - plus ou moins chargé selon les pays - mis en place pour combattre les discriminations contre les LGBT.

5% des sondés concernés

Le Royaume-Uni veut franchir un cap. Dans le discours du Trône lu par Elizabeth II mardi, qui présente le programme législatif du gouvernement britannique, le Premier ministre Boris Johnson a annoncé son intention d'interdire les "thérapies de conversion". Il les a d'ailleurs assimilées à des "pratiques odieuses qui peuvent causer des dommages mentaux et physiques". Mais une consultation auprès de responsables religieux et de médecins doit encore être lancée au Royaume-Uni avant de finaliser la loi sur l'interdiction.

Une enquête nationale avait révélé en 2018 que 5 % des personnes interrogées ont déclaré s'être vues proposer ces pseudo "thérapies". 2% des personnes interrogées ont même déclaré en avoir subi une. Les plus âgés sont ceux qui ont le plus subi ce type de pratique, signe que ces thérapies ont pu être encore plus courantes dans le passé.

Les homosexuels noirs ou asiatiques, et ceux de confession musulmane sont également sur-représentés parmi ceux qui se sont vu proposer une "thérapie de conversation" et parmi ceux qui ont en suivi une. Dans plus de la moitié des cas, la pratique a été proposée ou menée par des organisations confessionnelles.

Quels pays d'Europe les interdisent ?

Seule une poignée d'États membres de l'Union européenne interdisent à ce jour les "thérapies de conversion" : Malte (premier pays à l'avoir fait en 2016), l'Allemagne (pour les mineurs uniquement), certaines communautés autonomes espagnoles (Madrid, Valence, Aragon, Andalousie, Cantabria) et plus récemment l'Albanie. En dehors de l'UE, en Suisse, le canton de Genève a été le premier à franchir le cap en mars dernier, rapporte Le Temps.

Pourtant, le Parlement européen avait voté en 2018 une résolution non contraignante qui encourageait vivement les États membres à interdire les "thérapies de conversion". Un vote plus symbolique qu'autre chose.

Trois ans plus tard, peu de pays l'ont fait. A l'automne dernier, plus de 60 eurodéputés (dont la liste est consultable ici) ont donc appelé dans une lettre ouverte la Commission européenne à prendre les choses en main pour bannir ces pratiques au niveau européen qui peuvent être assimilées à de la "torture", selon l'expert indépendant des Nations Unies Victor Madrigal, qui a publié en mai 2020 un rapport sur le sujet.

Bientôt une loi en France ?

Certains pays de l'UE envisagent quand même une loi. C'est le cas de l'Espagne, qui devrait inclue l'interdiction des "thérapies de conversion" dans la prochaine loi égalité des LGBT, selon la Federación Estatal de Lesbianas, Gays, Transexuales y Bisexuales, qui s'est entretenue avec la ministre en charge de l'Égalité Irene Montero.

En France aussi, la députée LREM Laurence Vanceunebrock porte le combat contre ces "thérapies" depuis des années. Elle a déposé une proposition de loi et espère qu'elle sera bientôt promulguée. Ce sont des pratiques "terriblement violentes" qui se produisent "généralement dans des cercles religieux fermés, à l'abri des regards dans des cabinets médicaux, chez des charlatans ou encore dans le cercle familial", a-t-elle redit à l'Assemblée nationale mardi.

La ministre Elisabeth Moreno lui a répondu en rappelant les textes existants sanctionnant l'abus de faiblesse, le harcèlement, la discrimination, les propos homophobes. Mais pas un mot sur une nouvelle loi. En octobre, la ministre avait pourtant qualifié les "thérapies de conversion" de "pratiques abjectes et moyenâgeuses" et affirmé vouloir "les interdire purement et simplement". Le cabinet de la ministre soutient qu'elle reste favorable à une loi. Mais selon une source parlementaire mentionnée par l'AFP, cette loi pourrait ne pas voir le jour sous ce quinquennat en raison de l'embouteillage parlementaire.

Si les appels à légiférer sur cette question se sont multipliés en France, c'est aussi parce que la parole a commencé à se libérer.Les témoignages d’homosexuels ayant subi ces "thérapies" se sont succédé et ont permis de briser un tabou. Les messages de soutien pleuvent sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #RienAGuerir, du nom d'un collectif de victimes lancé en 2020.

"On s'adresse à vous, à votre corps, en disant au démon : Sors de ce corps-là"
Jean-Marie Dunand

Benoit Berthe, son cofondateur, a lui-même subi une "thérapie de conversion" de ses 15 à 18 ans. Quand il a annoncé à ses parents, des catholiques pratiquants, son attirance pour les garçons, ceux-ci se sont rapprochés de la Communauté des béatitudes. Benoit a alors suivi lors de"retraites spirituelles"des sessions"guérison des blessures profondes". Il se souvient des questions"hyper intimes"de son"père spirituel"et de sa"honte et culpabilité". "Le cocktail parfait pour faire une dépression ou avoir des idées suicidaires", souligne Benoit, qui a maintenant 32 ans.

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