Plus de 250 personnes sont mortes depuis l’assaut par l’Etat Islamique de la prison de Ghwayran au Nord-Est de la Syrie le 20 janvier. Décryptage de la situation avec Alain Rodier, membre fondateur et directeur de recherche du Centre Français de Recherche sur le Renseignement.
Plus de 350 personnes sont mortes depuis l’assaut par l’Etat Islamique de la prison de Ghwayran au Nord-Est de la Syrie le 20 janvier d'après l'AFP. Il s’agit de la plus importante attaque de l’organisation terroriste dans le pays depuis 3 ans et un ratissage de la prison est toujours en cours.
Décryptage de la situation avec Alain Rodier, membre fondateur et directeur de recherche du Centre Français de Recherche sur le Renseignement.
Comment l'Etat islamique maintient-il une présence dans la région ?
Avant cette attaque, l'organisation a continué à orchestrer des actions mais d'une envergure beaucoup plus faible que dans les années 2010, principalement en Irak et en Syrie. Alain Rodier évoque "un niveau de combat extrêmement bas mais, qui maintient une insécurité latente au sein de la population et qui mine toute autorité voulant venir reconstruire le pays. […] Ce qui est inquiétant, c'est que cette insécurité va continuer donc les populations vont être poussées dans la misère. Les mouvements djihadistes pourront recruter de nouveaux activistes dans la jeunesse."
Quel est le but de cette attaque ?
Pour Alain Rodier, l'intérêt de cette attaque était en premier lieu psychologique. "L’intérêt du groupe Etat islamique est de 'libérer des prisonniers', de venir en aide à leurs combattants qui ont été renfermés afin de les convaincre qu’ils ne les abandonnent pas. Psychologiquement, c’est extrêmement important. Ce n’est pas nouveau. Cela faisait partie auparavant de la politique d’Al-Qaïda et cela a été repris par l’Etat islamique. De plus, ils peuvent récupérer des combattants qui viendront renforcer les rangs de l'organisation", explique t-il.
Les observateurs s’accordent pour dire que l’organisation a perdu son ancrage territorial entre 2017 et 2019 sous les assauts des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par une coalition internationale. L'expert en terrorisme le confirme : "L'organisation Etat islamique, avec son gouvernement, des chefs de province, des services sociaux, etc. tout cela a été balayé. Les partisans de Daech se sont éparpillés dans la nature. En réalité, les dirigeants savaient comment cela allait se finir et avaient préparé ce retour à la clandestinité d’une façon assez précise avec des caches d’armes, des réseaux et des cellules clandestines pour prendre le relais de "l’'Etat" islamique".
Comment l'organisation terroriste est-elle financée ?
Il est difficile de répondre à cette question. Selon Alain Rodier, une des hypothèses probables est la reprise du racket auprès des populations locales. "Je pense que le premier financement est pris sur le terrain directement. [Les hommes de l’EI] sont là en permanence et peuvent ponctionner sur les populations ce qu’on appelle "l’impôt révolutionnaire". De plus, pour le moment, les actions qu’ils mènent sont des actions de guérilla. Une guérilla bien organisée certes mais qui ne demande pas énormément de moyens financiers."
Qu'attendre pour les années à venir ?
Si faire des prédictions s'avère impossible, la situation semble intenable sur le long terme. Les FDS, composées majoritairement de combattants et combattantes kurdes alertent sur leur manque de moyens. Un manque qui se fait sentir dans les prisons comme celle de Ghwayran mais également dans les camps comme ceux d**'Al-Hol e**t de Roj où l'Unicef dénombre près de 10 000 enfants et leurs mères. L'organisation a réitéré son appel aux Etats membres au rapatriement.
Pour le moment, l'e groupe Etat islamique est loin d'avoir le même pouvoir de nuisance qu'il a eu par le passé. "Il a réunifié un commandement mais ils n’ont pas assez d’hommes ou d’armes pour affronter les forces régulières. Cela pourra changer dans les années à venir car ils ont le temps pour eux", selon M. Rodier.