Euroviews. Si la Russie cesse de fournir du gaz à l'Europe, quelles sont les alternatives ?

Si la Russie cesse de fournir du gaz à l'Europe, quelles sont les alternatives ?
Tous droits réservés Petr David Josek/The Associated Press
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Par Yolaine De Kerchove Dexaerde
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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de leur auteur et ne représentent en aucun cas le positionnement éditorial d’Euronews.

L’Union européenne cherche des alternatives au gaz russe.

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L'escalade des tensions entre l'Occident et la Russie au sujet de l'Ukraine suscite des inquiétudes quant aux flux de gaz russe vers l'Europe, ce qui a incité la Commission européenne et les États-Unis à étudier d'autres sources d'approvisionnement.

Dans une déclaration commune publiée la semaine dernière, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président américain, Joe Biden, se sont engagés à coopérer étroitement en matière de sécurité énergétique.

Après une récente réunion avec les ministres européens de l'énergie en France, le commissaire à l'énergie, Kadri Simson, a déclaré que l'Union européenne discute avec des partenaires comme l'Azerbaïdjan de la possibilité d'augmenter les approvisionnements en gaz vers l'Union.

Si, dans le pire des cas, le gaz russe cesse complètement d'être acheminé vers l'Europe, les mesures visant à remplacer l'approvisionnement ne suffiront pas, d'après une étude du cercle de réflexion Bruegel, basé à Bruxelles et publiée la semaine dernière. (McWilliams, B., Sgaravatti, G., Tagliapietra, S. et G. Zachmann (2022) 'Can Europe survive painlessly without Russian gas?', Bruegel Blog, 27 janvier).

Notre article s'appuie en grande partie sur les résultats de cette étude qui conclut que l'Europe doit relever deux défis : trouver une alternative aux approvisionnements en gaz russe et freiner la demande au niveau national pour résister à la tempête économiquement et socialement.

L'un des auteurs, Simone Tagliapietra, membre senior de Bruegel, a déclaré à Euronews que l'Europe pourrait se diriger vers un scénario de crise pétrolière digne des années 1970.

"Certaines usines pourraient devoir fonctionner selon un calendrier de production plus court ou être entièrement fermées".

Et les gouvernements pourraient avoir besoin d'établir un plan d'urgence pour donner la priorité aux destinataires du gaz – par exemple, pour "le chauffage dans les maisons résidentielles ou pour la production d'électricité" afin d'éviter des pannes de courant.

Si l'approvisionnement en gaz russe est interrompu dans les mois à venir ?

Trois scénarios sont envisageables :

  • Si la Russie et tous les autres fournisseurs continuent à s'approvisionner aux niveaux actuels, le stockage à l'échelle de l'UE atteindrait un minimum d'environ 320 térawattheures (TWh) en avril 2022.
  • Si la Russie réduit ses approvisionnements au début du mois de février, le stockage atteindrait un niveau minimum de 140 TWh en avril 2022.
  • Si, en plus de la réduction des approvisionnements par la Russie, le temps est extrêmement froid, le stockage à l'échelle de l'Union européenne sera vide à la fin du mois de mars 2002.

Par conséquent, à court terme, l'Union européenne sera probablement en mesure de survivre à une perturbation spectaculaire des importations de gaz russe.

Le réseau européen de gazoducs peut-il supporter des livraisons supplémentaires de gaz ?

Oui et non. La péninsule ibérique, par exemple, est une plaque tournante pour les terminaux d'importation de GNL (gaz naturel liquéfié ; gaz refroidi à l'état liquide pour faciliter et sécuriser le stockage et le transport).

En conséquence, la région peut importer 40 TWh par mois, mais ne peut consommer que 30 TWh. Le défi consiste à transporter le gaz excédentaire vers le reste de l'Europe, étant donné que les gazoducs existants permettent un transfert maximal de 5 TWh par mois.

En outre, le réseau de gazoducs d'Europe centrale et orientale est conçu pour acheminer les importations de l'Est vers les consommateurs finaux.

Malgré les investissements dans les capacités d'inversion de flux et les nouveaux gazoducs, si une trop grande quantité de gaz devait provenir de l'ouest, des goulets d'étranglement dans les gazoducs pourraient empêcher des livraisons suffisantes aux parties les plus orientales de l'Union européenne ou à l'Ukraine.

Quelles autres sources d'approvisionnement seraient disponibles ?

En principe, les infrastructures existantes permettent d'importer des volumes supplémentaires de Norvège et d'Afrique du Nord, ainsi que des volumes supplémentaires de gaz naturel liquéfié, qui, ensemble, pourraient remplacer les importations actuelles en provenance de Russie. Mais si disposer de l'infrastructure est une chose, disposer du gaz en est une autre.

La Norvège a déjà annoncé qu'elle livrait autant de gaz qu'elle le pouvait à l'Union européenne et que les marchés mondiaux du gaz naturel liquéfié étaient très tendus – l'Algérie a fait une déclaration similaire.

La production intérieure de gaz de l'Union européenne est limitée, tant aux Pays-Bas qu'ailleurs.

Washington négocie actuellement avec le Qatar sur l'approvisionnement en gaz de l'Europe.

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Le Qatar est l'un des plus grands producteurs de gaz naturel liquéfié au monde. Il vend les trois quarts de sa production aux pays asiatiques et fournit environ cinq pour cent du gaz à l'Europe.

Si l'approvisionnement en gaz russe est interrompu pendant des années ?

Passer la moitié d'un hiver sans importations russes pourrait être difficile, mais faire fonctionner l'économie européenne pendant plusieurs années sans gaz russe serait un énorme défi. S'il y a plus de temps pour se préparer, il y a aussi des volumes beaucoup plus importants à déplacer.

En 2021, les exportations de gaz naturel russe vers l'Union européenne s'élevaient à environ 1 700 TWh, qu'il faudrait remplacer si la Russie arrêtait complètement ses exportations de gaz naturel vers l'Europe.

L'Union européenne dispose d'une capacité d'importation de réserve d'environ 1 800 TWh provenant de fournisseurs alternatifs à la Russie. Cela pourrait, en théorie, permettre à l'Union européenne de remplacer entièrement les flux russes.

Mais cela serait au mieux très coûteux, et au pire physiquement et politiquement impossible.

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Journaliste • Stefan Grobe

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