Sols pollués en France : une première enquête pour écocide dans l'UE

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Par Monica Pinna
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La pollution relevée dans des logements créés sur un ancien site industriel près de Lyon donne lieu à une première enquête pour écocide en France. Une action symbolique à l'échelle de l'UE et au plan international.

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Grézieu-La-Varenne, petite ville proche de Lyon, s'est retrouvée au cœur d'un débat international sur l'environnement. Après la découverte de taux de pollution dépassant les seuils limites dans une zone résidentielle, des habitants touchés ont déposé plainte pour écocide, une première depuis l'introduction l'an dernier, d'un délit spécifique dans le droit pénal français. Leur action a valeur de symbole à l'échelle de l'Union européenne et sur fond de mobilisation internationale pour la reconnaissance légale de l'écocide.

Des habitants relogés d'urgence

Il y a trois ans, Audrey Marcodini emménage avec sa fille, dans l'appartement qu'elle vient d'acquérir dans les bâtiments réhabilités d'une ancienne blanchisserie industrielle de Grézieu-la-Varenne au pied des Monts du Lyonnais. Elle et sa fille adolescente y passent un an et demi avant qu'une découverte inattendue ne vienne bouleverser leur vie.

Du trichloréthylène, un solvant industriel couramment utilisé par les pressings, a été détecté dans le quartier où elles résident. Bien que courant, ce produit chimique est un cancérigène connu et des niveaux élevés d'exposition peuvent être mortels. Sa mise en évidence intervient après que l'un des voisins d'Audrey a trouvé un liquide visqueux et malodorant dans son jardin.

Monica Pinna
Certains des bâtiments concernés par la pollution dans le quartier du Tupinier à Grézieu-la-VarenneMonica Pinna

Un combat juridique et sanitaire

Quand les recherches sont étendues à la maison d'Audrey, les tests montrent que les taux de trichloréthylène y sont plus de 800 fois supérieurs au seuil limite. Audrey et sa fille sont alors relogées d'urgence et depuis, la mère de famille mène un combat juridique pour obtenir réparation. "Il est important pour moi que (...) les personnes qui ont sciemment pollué notre planète et qui s'en sont tirées jusqu'à présent, soient contraintes de payer," déclare Audrey.

Quant aux potentiels dégâts à long terme sur sa santé et celle de sa fille, ils sont inconnus. Ce solvant ne laissant aucune trace dans le corps, il leur faudra rester vigilantes.

Pour une avocate qui défend des habitants touchés dont Audrey, les preuves sont accablantes. "Lors de la cessation des activités de la blanchisserie, il y aurait dû y avoir une dépollution et cela n'a pas été fait," affirme Louise Tschanz, du cabinet Kaizen Avocat. "Il n’y a pas eu de suivi de la réglementation, donc effectivement, il y a eu des fautes qui ont été commises : on peut parler de la mairie, de la préfecture, des entreprises et des notaires qui ont conclu des ventes sans s'assurer que toutes les obligations d'information des vendeurs étaient respectées," précise-t-elle.

Parallèlement à l'instruction qui a débuté il y a quelques mois, suite à la plainte pour écocide déposée par Audrey et ses voisins, six procédures civiles sont en cours dans cette affaire. Le seul jugement prononcé à ce jour a déclaré coupables deux notaires et une société immobilière. Les parties condamnées doivent verser plus d'un million d'euros de dommages et intérêts aux acquéreurs pour avoir omis de communiquer les éléments concernant la pollution.

Monica Pinna
Le message d'au revoir laissé par la fille d'Audrey dans sa chambre quand elles ont dû quitter l'appartement en urgenceMonica Pinna

Quel cadre légal au niveau international ?

Si les militants écologistes estiment que la loi française établissant un délit d'écocide est un pas dans la bonne direction, ils réclament au plan international que l'écocide soit reconnu comme le cinquième crime passible de poursuites devant la Cour pénale internationale, au même titre que le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression.

À l'échelle mondiale, le terme d'écocide n'est pas nouveau : il a fait son apparition dans les années 1970 et a été relayé pour la première fois par un leader international, en l'occurrence le Premier ministre suédois Olof Palme, lors de la première Conférence des Nations Unies sur l'environnement, évoquant l'utilisation aveugle de l'agent orange par l'armée américaine lors de la guerre du Vietnam.

L'an dernier, le terme a trouvé un nouvel écho lorsque la fondation Stop Ecocide a présenté une définition juridique de l'écocide, indiquant que la notion désigne des actes illicites ou arbitraires, commis en sachant qu'ils causent des dommages étendus ou durables. La fondation affirme que cette initiative a accéléré le débat sur l'écocide au niveau international.

En 2021, la France est ainsi, devenue le seul État membre de l'Union européenne à adopter une loi sur l'écocide. La Belgique suivra en 2025. Dans huit autres pays de l'UE, la question de l'écocide a été soulevée au niveau institutionnel, mais on est encore loin de l'adoption d'une loi. Concernant les institutions européennes, le Parlement conseille aux États membres de soutenir la reconnaissance internationale du crime d'écocide.

Journaliste • Monica Pinna

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