Ukraine : ce qu'il faut savoir sur les munitions à uranium appauvri

Des missiles disposés au sol
Des missiles disposés au sol Tous droits réservés Gertrud Zach/Public Domain (7th Army Training Command)
Par Euronews
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Ukraine : ce qu'il faut savoir sur les munitions à uranium appauvri que le Royaume-Uni prévoit de livrer à Kyiv.

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Le Royaume-Uni a annoncé son intention de livrer à l'Ukraine des munitions à uranium appauvri avec ses chars Challengers 2. Moscou a immédiatement réagi, accusant Londres de fournir des "armes à composante nucléaire". Les Britanniques ont pour leur part affirmé que le Kremlin faisait de la désinformation.

Qu'est-ce qu'un obus à uranium appauvri ? Est-ce une arme nucléaire ?

L'isotope U-235 est extrait du minerai d'uranium naturel et utilisé à la fois comme combustible pour les réacteurs et dans les armes nucléaires. Ce processus est appelé enrichissement. Mais la teneur en isotope "utile" du minerai est insignifiante - environ 10 %. Les 90 % restants de l'isotope contiennent des quantités négligeables de U-235, faiblement radioactives. Il s'agit d'uranium appauvri, que l'on peut également appeler déchet du processus d'enrichissement.

Pourquoi utiliser de l'uranium appauvri dans les projectiles ?

L'uranium appauvri est très dense, et les obus composés de cette matière sont donc beaucoup plus lourd que ceux en acier, permettant une meilleure pénétration des blindages. S'ils n'explosent pas, ces obus en uranium enrichis sont pyrophorique : les petits fragments pénétrant le blindage peuvent facilement s'enflammer.

L'uranium appauvri est également bon marché et disponible en grande quantité dans les pays dotés d'une industrie nucléaire développée.

L'armée américaine s'est penchée sur cette matière au début des années 1970, lorsqu'il s'est avéré nécessaire de trouver des moyens de contrer la nouvelle génération de blindés soviétiques. Dès lors, l'uranium enrichi a servi dans la production d'autres munitions, tels que les canons à grande vitesse de plus petit calibre - 25-30 mm, qui sont utilisés sur les véhicules de combat d'infanterie et les avions d'attaque.

Dans les années 80 et 90, d'autres pays tels que le Royaume-Uni et l'URSS ont intégré des munitions de ce type dans leurs arsenaux

Où les projectiles à l'uranium appauvri ont-ils été utilisés ?

Les États-Unis les ont utilisés pour la première fois lors de l'opération Tempête du désert en Irak en 1991. Selon le Pentagone, les chars américains et britanniques ont tiré plusieurs milliers d'obus de ce type et leurs avions des centaines de milliers.

Le Pentagone a par la suite affirmé que des munitions de ce type ont ensuite été utilisés en ex-Yougoslavie, en Irak et en Syrie. Certains experts estiment que la Somalie dans les années 1990 et l'Afghanistan après 2001 ont été les théâtres d'utilisation des munitions à uranium appauvri.

La fourniture d'obus britanniques à l'Ukraine est-elle légale ?

L'uranium appauvri n'est pas soumis aux règles de non-prolifération nucléaire, et aucun accord ne réglemente spécifiquement ces munitions. C'est pourquoi, selon les experts occidentaux, les protestations de Moscou sont sans fondement, sachant que les chars russes transportent également des obus à uranium appauvri depuis au moins le début des années 80.

Ces obus "ne sont pas considérés comme des armes nucléaires. Ils n'ont pas de composants nucléaires. Ils ne sont donc pas couverts par les traités de non-prolifération nucléaire" indique John Erath, directeur politique principal du Centre pour le contrôle des armes et la non-prolifération.

"Ils s__eraient soumis aux mêmes restrictions de contrôle des exportations que n'importe quelle munition conventionnelle. L'affirmation russe selon laquelle il s'agit en quelque sorte d'un transfert de capacité nucléaire est donc totalement erronée" assure-t-il.

"_En utilisant une rhétorique qui_pourrait être assimilée à des armes nucléaires par une personne disposée à entendre ce discours, Moscou indique que" ce sont les Occidentaux qui pourraient pousser la Russie "elle-même__à utiliser une arme nucléaire" analyse-t-il.

"Il s'agit donc d'un schéma qui se répète depuis le début de la guerre__où l'on voit que le soutien continu de l'Occident à l'Ukraine__est utilisé pour justifier les menaces d'utilisation d'armes nucléaires".

"C'est très irresponsable, mais c'est une tactique que le gouvernement russe a utilisée à maintes reprises" dit-il.

L'uranium appauvri est-il dangereux ?

Cet élément est beaucoup moins radioactif (d'environ 40 %) que le minerai d'uranium, et encore moins que l'U-235 purifié. En outre, dans les obus de chars, le noyau lui-même est recouvert d'un sabot et d'un carénage. Avant le tir, les militaires affirment que ces projectiles sont sûrs, dans la mesure où les règles de sécurité les plus élémentaires sont respectées : les faibles radiations ne peuvent pas pénétrer la peau et les vêtements.

Mais lorsque ce type de projectile pénètre un blindage, un nuage de minuscules fragments, sorte de poussière, est produit. C'est cette poussière radioactive et toxique - constituée en grande partie d'oxydes d'uranium - qui constitue un danger tant pour l'équipage du véhicule touché, car la poussière peut pénétrer dans les poumons et le tube digestif, que pour les civils, car elle peut s'infiltrer dans le sol et l'eau.

Les premières études sur les dangers de la poussière d'uranium sont apparues au milieu des années 1990, après l'opération Tempête du désert, au cours de laquelle des obus à uranium appauvri ont été utilisés pour la première fois et en très grande quantité.

Plusieurs dizaines de chars et de véhicules américains d'infanterie ont été neutralisés par des "tirs accidentels" venant du camp allié. Environ 170 soldats américains ont été blessés ou ont été en contact d'une manière ou d'une autre avec de la poussière d'uranium.

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À ce titre, des études menées sur ces hommes n'excluaient pas que l'uranium appauvri puisse être l'une des causes du "syndrome de la guerre du Golfe", ces affections chroniques et variées, mal expliquées, dont souffrent les anciens soldats.

Les opérations en ex-Yougoslavie ont pour leur part donné naissance au "syndrome des Balkans", où l'uranium appauvri a été évoqué : des soldats issus de plusieurs pays européens semblent avoir été affectés, des cas de leucémie ayant été signalés. Dans le seul contingent belge, cinq militaires sont décédés subitement.

L'utilisation d'obus à uranium appauvri dans les Balkans au milieu des années 1990 n'a été révélée qu'en 2001. La Belgique, l'Allemagne, l'Italie et la France ont demandé des explications à Washington, mais l'armée américaine a insisté sur le fait que ces obus étaient sans danger.

En 2001, les États-Unis ont mené des recherches auprès de vétérans d'opérations militaires et sont arrivés à la conclusion qu'il n'y avait jamais eu d'uranium appauvri en quantité dangereuse pour la santé dans les corps de soldats blessés.

L'Allemagne a mené ses propres recherches : les tests effectués sur 120 soldats ayant servi au Kosovo n'ont révélé aucun écart par rapport à la norme d'âge.

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En 2009, un tribunal italien a ordonné au ministère de la Défense du pays de verser une indemnité d'1,4 million d'euros à la famille d'un soldat atteint d'un cancer et décédé après avoir servi en Somalie au début des années 1990 : sa mort a été attribué à l'uranium appauvri.

Depuis le début des années 2000, un certain nombre d'organisations réclament l'interdiction ou la limitation de l'utilisation des projectiles à l'uranium appauvri. Selon ces activistes, si l'impact sur la santé des soldats peut faire débat, les éventuels effets à long terme sur les civils qui reviennent sur les lieux des combats est à prendre en compte. En Irak, par exemple, des munitions à uranium appauvri ont été utilisées en grande quantité au cours de deux guerres - en 1991 et depuis 2003.

Dans le cas ukrainien, certains experts relativisent l'impact potentiel de ces munitions, les livraison britanniques ne se composant que de 14 chars challengers, et de quelques dizaines d'obus.

"Les champs de bataille seront de toute façon contaminés et subiront des conséquences environnementales dévastatrices", indique John Erath. "L'impact que les balles à uranium appauvri ajouterait serait minime. Les problèmes environnementaux créés par une guerre sont tellement extrêmes que c'est de cela que les gens devraient s'inquiéter et non de l'ajout de quelques projectiles à l'uranium appauvri".

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