La cuisine du Qatar : quand la tradition s'enrichit de saveurs d'ailleurs

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Par Aadel Haleem, Laila Humairah & Didier Burnod
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Quelle est la spécificité des plats qataris et comment ont-ils évolué grâce aux échanges commerciaux avec d'autres pays ? Visite guidée culinaire en compagnie d'experts, de la péninsule de Zekreet à Doha.

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"Une recette n'a pas d'âme ; c'est à vous, en tant que cuisinier, d'apporter l'âme à la recette," a dit un jour, le chef Thomas Keller. Voilà qui correspond à ce qui se fait dans tous les pays du monde quand les plats que l'on vous sert vous donnent un avant-goût de la vie et de la culture locales. Au Qatar, c'est la même chose. Les plats qataris ont leur spécificité, même s'ils ont évolué grâce au commerce avec d'autres pays. C'est ce que nous constatons dans la péninsule de Zekreet, aux côtés de l'entrepreneur qatari, Khaled Alrayes.

Un café épicé

Geste d'hospitalité au Qatar, il nous prépare un café arabe dans des ustensiles en métal comme le veut la tradition. Mais détrompez-vous : cette boisson n'a rien de l'expresso que nous connaissons tous. Celui-ci est jaune, il a une texture crémeuse, délicate et légère, avec une pointe d'épices.

"Le café dans cette région provenait du Yémen," précise Khaled Alrayes. "Il est de couleur jaune car il est très légèrement torréfié," poursuit-il. "Il y a aussi les principaux arômes provenant des épices que nous ajoutons : vous distinguerez une note de café, puis la cardamome et les épices qui lui donnent sa richesse et ensuite, la caféine et enfin, la saveur," décrit-il.

"Le curcuma, le cumin ou encore l'eau de rose ont été importés"

Nous poursuivons notre exploration culinaire à Doha, devant toute une gamme de plats locaux, guidée par Randa Sheik, chroniqueuse gastronomique.

Devant nous, se trouvent quatre exemples de plats traditionnels du Qatar : du machboos, de la saloona, de la madrouba et du harees. "Le harees est l'un des plats qataris dont le temps de préparation est le plus long : cela prend environ 4 heures," explique Randa Sheik. "On le cuit à l'eau, c'est du blé cuit à l'eau, avec du poulet ou de la viande, cela ressemble à la madrouba, dans le sens où l'on mélange encore et encore, avec une cuillère en bois pour que cela devienne une sorte de purée onctueuse," indique la jeune femme.

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La saloona et la madrouba, au premier plan, figurent parmi les plats traditionnels qatarisEuronews

Chacun de ces plats est influencé par des ingrédients venus d'ailleurs, nous indique Randa Sheik. "Le Qatar étant un désert, il n'était pas autosuffisant et devait importer différents produits de l'étranger," fait-elle remarquer. "Nous avons donc des épices courantes, comme par exemple, le curcuma et le cumin qui ont été importés d'Inde, il y a aussi l'eau de rose qui vient d'Iran ; donc, on importe des ingrédients de nombreux pays différents, mais aussi des matières premières, comme le riz, le pain, le poulet, la viande, et on les combine à leur manière pour créer des plats fantastiques et délicieux," décrit-elle.

De retour dans le désert, c'est l'heure du dessert. Sur un feu très vif, Khaled Alrayes nous a préparé du balaleet, un plat à base de vermicelles venues d'Asie. La variante locale consiste à ajouter du sucre et, pour couronner le tout, des œufs brouillés. Et il n'y a pas de meilleure façon de terminer la journée que de savourer une autre gorgée de ce café arabe délicieusement parfumé.

Haut lieu du commerce

Cette perméabilité de plats qataris aux ingrédients internationaux trouve son origine dans l'ancien commerce des épices qui a cours depuis des siècles, dans la péninsule du Qatar. Des épices comme le gingembre, l'anis étoilé et le poivre noir ont traversé les mers depuis le sous-continent indien. L'ail et le cumin ont traversé le désert depuis le Proche-Orient. Le loomi, un citron noir séché, est quant à lui venu d'Oman. Bien que ces produits soient devenus des ingrédients de base de la cuisine qatarie, l'appétit reste grand à regarder au-delà des frontières et à continuer d'intégrer de nouveaux types d'épices et de produits.

La foire commerciale d'été de Katara est l'un des moyens d'y parvenir. Chaque année, des centaines de commerçants du monde entier présentent des produits de leur pays d'origine, notamment des épices parfumées, de la nourriture internationale et même du bois de oud, des bijoux et de l'artisanat.

Organisée sur deux semaines, cette foire donne aux ressortissants et résidents du Qatar, l'occasion de goûter à de nombreuses spécialités internationales et, éventuellement, de les rapporter chez eux.

Yunis Ghallab, qui est originaire du Yémen, est un expert du mélange des épices. Il participe à l'événement depuis plus de dix ans et chaque année, il est fier d'exposer les meilleurs produits du Yémen, y compris le fameux "or liquide". "Nous apportons toujours du miel yéménite, le meilleur de sa catégorie, du miel de jujubier et du miel brun," précise Yunis Ghallab. "Nous avons des épices spécifiques utilisées dans des mélanges pour des plats comme le machboos et nous préparons également des mélanges pour le riz blanc," dit-il.

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Yunis Ghallab, expert yéménite du mélange d'épicesEuronews

À quelques étals de là, Sihame, nutritionniste âgée de 78 ans, a pour passion, la préparation de toutes sortes d'aliments biologiques : du fromage à l'huile d'olive, en passant par le pain, tous produits dans sa ferme du nord du Liban.

"Pour qu'un produit soit biologique et frais, il faut d'abord qu'il soit fabriqué dans un cadre sous contrôle," rappelle Sihame. "Vous devez prendre soin de la ferme et ne pas pulvériser de traitements, ce qui signifie que nous utilisons uniquement du fumier de chèvre comme engrais," explique-t-elle. La commerçante et productrice affirme que ses produits ont non seulement un goût naturel, mais qu'ils sont également bons pour la santé. Elle nous présente une infusion à base d'herbe et de thym "très efficace pour éliminer les germes de l'estomac, débarrasser le côlon des toxines, nettoyer le pharynx et dégager les poumons" selon elle. 

Revisiter les classiques pour s'adapter aux goûts actuels

"La nourriture, c'est une toile vierge, alors soyez créatifs !" C'est la devise de Noor Al Mazroei. La cheffe qatarie s'est appuyée sur ses propres allergies alimentaires pour revisiter des recettes traditionnelles.

Cheffe Noor nous a invités dans sa cuisine pour nous montrer comment elle crée des versions saines de plats qataris populaires. "La cuisine qatarie, je sais que cela peut paraître surprenant, mais elle est saine quand vous la cuisinez de la bonne manière et elle est destinée à toute la famille," souligne-t-elle.

Elle nous décrit la recette du machboos de poulet. "Il comporte beaucoup d'épices, donc quand vous le mangez, vous ne savez pas quel type d'épices il contient et chacune d'entre elles a son propre effet sur la recette," précise-t-elle. "Il n'y a pas d'ingrédients spécifiques à respecter, c'est une question de goût : certains aiment ajouter de l'oignon, de la tomate ou plus de curcuma, d'autres aiment le manger un peu plus épicé, cela vous donne l'opportunité de faire preuve de créativité et de partager votre amour de la cuisine," invite-t-elle, en souriant.

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La cheffe Noor Al MazroeiEuronews

Pour elle, le souq waqif à Doha est une source d'inspiration. "Chaque fois que l'on y va, on a l'impression d'être au paradis des épices, on en découvre de nouvelles : c'est une bonne idée de les expérimenter, à condition de ne pas modifier la recette originale," met-elle en garde." Il faut garder la base et être créatif tant que cela reste du machboos," ajoute Noor Al Mazroei. "Par exemple, pourquoi les végétariens ou végétaliens ne mangeraient-ils pas du machboos tant que vous pouvez le faire de la même manière ?" interroge-t-elle.

Son mode de préparation lui a été transmis par sa famille. "La première fois que j'ai vu la préparation du machboos," se souvient la cheffe, "c'était lors d'un voyage dans le désert et ma grand-mère était là. Elle était en train d'installer sa grande marmite et de tout mettre à l'intérieur. Je lui ai demandé : "Qu'est-ce que tu fais ? Comment fais-tu ?" Elle m'a dit : "Tout ce que tu mets à l'intérieur te donnera un machboos". J'ai continué à la regarder et elle m'a appris comment préparer le machboos qatari," explique-t-elle.

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Noor Al Mazroei : "J'aime l'idée que la nourriture soit accessible à tous"

Mais Noor Al Mazroei n'est pas restée figée dans la tradition. "Certaines personnes veulent un autre type de glucides, des glucides plus sains, des glucides complexes," fait-elle remarquer. "J'ai donc essayé de faire ce plat avec du quinoa et du sarrasin : c'était très savoureux," assure-t-elle.

Atteinte elle-même d'allergies alimentaires, la cheffe explique : "J'aime l'idée que la nourriture soit accessible à tous, elle devrait l'être, en tout cas. Personne ne devrait aller au restaurant, voir un plat et ne pas pouvoir le manger," estime-t-elle.

"Par exemple, si je veux ce gâteau, mais que je ne peux pas l'avoir parce que je ne mange pas de gluten ou que je suis végétalienne, cela ne va pas, je devrais pouvoir le manger," insiste-t-elle.

"J'estimeque l'on a le droit d'accéder à de la nourriture et de le faire d'une manière qui convient à nos allergies, je réponds donc à cette attente et je m'adresse à une plus grande communauté avec mes recettes, tout en perpétuant la tradition," conclut-elle.

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