Immersion avec des soldats ukrainiens, les jours précédant la libération d'Andriivka

Des militaires ukrainiens traversent une forêt calcinée sur la ligne de front à quelques kilomètres d'Andriivka, dans la région de Donetsk, en Ukraine.
Des militaires ukrainiens traversent une forêt calcinée sur la ligne de front à quelques kilomètres d'Andriivka, dans la région de Donetsk, en Ukraine. Tous droits réservés AP Photo/Mstyslav Chernov
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Par Euronews avec AP
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Cet article a été initialement publié en anglais

Les soldats qui ont libéré Andriivka voient leurs amis abattus par les troupes russes et doivent s'adapter rapidement, tout en craignant pour leur propre vie.

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Le 15 septembre dernier, les Ukrainiens ont repris le village d'Andriivka, situé dans l'est du pays, des mains des forces russes. Cette libération ouvre la voie à une percée sur le flanc droit de Bakhmout la ville tombée dans le giron russe après des semaines de violents affrontements. 

La 3e brigade d'assaut, composée de volontaires et considérée comme l'un des meilleurs corps d'armée d'Ukraine, se bat presque sans relâche depuis janvier sur ce front devenu hautement symbolique, dans l'est du pays.

Bakhmout est tombée aux mains de la Russie en mai, en grande partie à cause des vagues d'attaques des combattants mercenaires de Wagner. Depuis, l'Ukraine tente de reprendre le contrôle de la région.

Les soldats de la troisième brigade d'assaut s'appuyant en grande partie sur des véhicules blindés de l'ère soviétique et sur des armes plus anciennes, n'a progressé au cours du mois dernier que de deux kilomètres, traversant des mines et des tranchées piégées et évitant les tirs d'artillerie, les grenades lancées par des drones et les forces russes qui se trouvaient à portée de voix. 

Aux côtés de Courier et des autres soldats ukrainiens qui ont libéré Andriivka

Andriivka était l'objectif de la 3e brigade d'assaut depuis le début de la contre-offensive ukrainienne cet été, à environ 10 kilomètres au sud de la ville de Bakhmout encore sous contrôle russe.

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Un militaire ukrainien tire à la mitrailleuse en direction des positions russes près d'AndriivkaAP Photo

La portion de forêt morte, large de quelques dizaines d'arbres et longue de deux kilomètres, en direction du village d'Andriivka, tout aussi mort, est l'un des innombrables bois qui se trouvent sur la route menant à Bakhmout.

Le 6 septembre, le soldat "Courier", de son nom de guerre, voit son commandant, le sergent Gagarin, tomber au combat. Il hésite pendant 30 secondes. Peut-être une minute. Puis il se décide : il n'y aura pas de retour en arrière. Il sait que les ordres de la section sont d'avancer dans cette forêt.

"En avant !" hurle-t-il à ses camarades.

Il tire en direction d'une tranchée juste devant lui jusqu'à ce qu'il soit sûr que les Russes à l'intérieur ne tireront plus jamais. La brigade tient cette tranchée quatre jours durant. Ensuite, les hommes trébuchent à travers les fuseaux d'arbres carbonisés en direction du village d'Andriivka.

"Cette forêt emporte nos amis", raconte-t-il. "Quand je pense au chemin qu'il nous reste à parcourir... il est fort probable qu'un jour, je serai celui qui restera allongé dans la forêt, et que mes amis iront de l'avant.

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Militaires ukrainiens de la 3e brigade d'assaut aux positions de la ligne de front près d'Andriivka, région de Donetsk, UkraineAP Photo/Mstyslav Chernov

Pendant ses moments de repos, Courier feuilletait un journal écrit par un soldat russe : "je suis en guerre depuis quatre semaines déjà et ma mère me manque".

Le 13 septembre, Courier quitte le champ de bataille pour représenter sa brigade à l'enterrement du sergent Gagarin. Pour lui, la guerre est compliquée. Il dit apprécier la poussée de dopamine lorsqu'il quitte l'"horrible broyeur", revient au quartier général et saute à bas du véhicule blindé.

Il ne voulait pas retourner dans la forêt menant à Andriivka. Ses commandants lui ont ordonné de prendre dix jours de congés, une pause pour un combattant dont ils sentaient l'angoisse sous son calme apparent.

"Malheureusement, on ne me laisse partir qu'après avoir vécu l'enfer", dit-il avec amertume.

La dernière poussée a commencé le 14 septembre. Des hommes d'autres unités épuisées se joignent à eux pour les trois ou quatre jours habituels sur le champ de bataille. Après deux mois de progression, peut-être allaient-ils enfin percer les bois jusqu'à Andriivka.

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Drapeau ukrainien à côté d'un fusil à l'intérieur d'un bunker sur une position de la ligne de front à AndriivkaAP Photo/Mstyslav Chernov

Le 14 septembre, ils y sont enfin parvenus, soit trois mois après avoir reçu l'ordre de reprendre Andriivka. Ils ont échappé aux bombardements et aux grenades lancées par des drones, tirant sur les forces russes qui fuyaient devant eux.

Les Ukrainiens sont allés de maison en maison dans le petit village, faisant des prisonniers russes et tuant ceux qui se défendaient. Même après l'expulsion des dernières forces russes, Andriivka est soumis à des bombardements constants, avec des bourdonnements de drones des deux côtés.

Andriivka n'est plus qu'un tas de briques et d'arbres brûlés qui sentent la mort. Mais elle est aux mains des Ukrainiens et un autre sergent de la section, Fedya, est prêt à en confier le contrôle à la brigade suivante pour reconquérir la prochaine forêt.

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Il tente d'expliquer au nouveau commandant pourquoi la lutte pour cette ville brisée en vaut la peine.

"Regardez ces champs, cette forêt. Tout repousse", dit-il.

Mais Fedya est prêt à partir.

"Je suis fatigué de cette forêt. Je veux rentrer chez moi. Je veux me laver et dormir", dit-il en jurant. "Jusqu'au matin. Et demain matin, je reviendrai."

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