Elections en 2024: la Roumanie sera-t-elle le prochain pays de l'UE à voter pour l'extrême droite ?

Une petite fille agite un drapeau lors d'une manifestation contre le gouvernement et les restrictions organisée par l'Alliance pour l'unité des Roumains (AUR), un parti d'extrême droite, à Bucarest.
Une petite fille agite un drapeau lors d'une manifestation contre le gouvernement et les restrictions organisée par l'Alliance pour l'unité des Roumains (AUR), un parti d'extrême droite, à Bucarest. Tous droits réservés AP Photo/Vadim Ghirda
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Par Giulia Carbonaro
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Cet article a été initialement publié en anglais

Le parti d'extrême droite roumain, AUR, gagne en popularité et pourrait entrer dans une coalition gouvernementale l'année prochaine à l'issue des élections législatives.

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La Roumanie, membre de l'Union européenne, organisera des élections locales, présidentielles, parlementaires et européennes l'année prochaine - faisant de 2024 une période cruciale pour le pays et pour l'Europe, car l'extrême droite pourrait continuer à gagner du terrain.

"Ces élections sont importantes pour la situation politique en Roumanie ainsi que pour l'ensemble de l'Union européenne, où l'extrême droite a gagné en popularité dans de nombreux États membres comme la Suède, la Slovaquie et maintenant les Pays-Bas ", affirme, à Euronews, Fernando Casal Bertoa, professeur associé en politique comparée à l'université de Nottingham.

Les élections de l'année prochaine pourraient déterminer "une direction complètement nouvelle pour le pays", ajoute-t-il.

Une récente enquête de l'institut de sondage INSCOP publiée début novembre a montré que le gouvernement de coalition au pouvoir dans le pays - qui comprend les sociaux-démocrates de gauche (PSD) et les libéraux de centre-droit (PNL) - ne parviendrait pas à obtenir une majorité absolue, lors des élections parlementaires de 2024.

Cette année, le gouvernement de coalition s'est efforcé de maîtriser les finances publiques du pays, une situation qui a permis à l'extrême droite de gagner du terrain en Roumanie.

Selon le sondage d'opinion - commandé par le site d'information roumain, "News.ro", et réalisé auprès d'un échantillon de 1 100 personnes entre le 23 octobre et le 2 novembre - 29,5 % des Roumains voteraient pour le PSD du Premier ministre ,**Marcel Ciolacu,**et 18,4 % pour les libéraux lors des élections législatives de l'année prochaine.

Selon le sondage INSCOP, le parti d'opposition ultra-nationaliste, Alliance pour l'unité des Roumains (AUR), - abréviation de "or" en roumain - obtiendrait 20,2 % du soutien des électeurs, ce qui le placerait devant les libéraux.

George Simion, à droite, et Claudiu Tarziu, les dirigeants de l'Alliance pour l'unification des Roumains (AUR)
George Simion, à droite, et Claudiu Tarziu, les dirigeants de l'Alliance pour l'unification des Roumains (AUR)AP Photo/Vadim Ghirda

Qu'est-ce qu'AUR et que représente-t-il ?

En décembre 2020, le parti peu connu, AUR, qui avait été créé à l'automne de l'année précédente, est sorti de l'ombre pour obtenir près de 9 % des voix lors des élections législatives en Roumanie. Depuis lors, le parti n'a cessé de gagner du soutien dans les dernières enquêtes d'opinion.

L'ascension du parti est due en partie au soutien massif de la diaspora roumaine qui, selon Alina Mungiu-Pippidi, professeur de politique publique comparée à l'université LUISS Guido Carli de Rome, "compte un grand pourcentage de personnes peu qualifiées et marginales qui, en fait, ne travaillent que de manière saisonnière en Europe".

"Je les ai appelés, à la grande indignation de certains, une "lumpen-diaspora", pour paraphraser Karl Marx", explique Alina Mungiu-Pippidi, en référence à un terme qui, dans les contextes marxistes, indique une population qui ne s'intéresse pas aux progrès révolutionnaires.

"Ils avaient besoin d'une alternative radicale au système politique existant et ils l'ont trouvée dans l'AUR", ajoute-t-elle. 

La pandémie a également "énormément aidé" la montée de l'AUR, de la même manière qu'elle a aidé l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) à élargir sa base, affirme Alina Mungiu-Pippidi. "Ils étaient le parti anti-vaccins et en Roumanie, avec la complicité de l'église orthodoxe, la moitié de la population n'a pas été vaccinée. C'était le principal vent dans leurs voiles", précise-t-elle encore.

"Comme aux Pays-Bas, les gens sont vraiment mécontents de la manière dont le pays est gouverné ", assure, à Euronews, Claudiu Tufis, professeur associé de sciences politiques à l'université de Bucarest, pour expliquer la popularité du parti d'extrême droite.

"Il n'y a pas beaucoup de représentation dans le système politique roumain, avec à peu près la même coalition qui dirige le pays sans interruption depuis presque 10 ans maintenant. Ils cherchent quelqu'un qui parle leur propre langue", ajoute-t-il.

L'AUR déclare représenter "la famille, la nation, la foi et la liberté", mais Alina Mungiu-Pippidi indique, à Euronews, qu'il représente, en fait, "l'anti-science, le fondamentalisme chrétien et le souverainisme".

Le parti s'est également positionné comme un parti anti-corruption à un moment où le pays était confronté à d'importants scandales de corruption - une démarche qui a été adoptée par d'autres partis populistes en Europe, comme le Mouvement 5 étoiles en Italie.

AUR est également connu pour s'opposer au mariage homosexuel et a appelé à l'unification de la République de Moldavie avec la Roumanie. En 2018, le fondateur de l'AUR - l'ancien journaliste Claudiu Tarziu - a appelé à un référendum visant à interdire le mariage homosexuel, qui a échoué.

Des personnes agitent des drapeaux lors d'une manifestation anti-gouvernementale organisée par l'Alliance pour l'unité des Roumains (AUR), à Bucarest
Des personnes agitent des drapeaux lors d'une manifestation anti-gouvernementale organisée par l'Alliance pour l'unité des Roumains (AUR), à BucarestAP Photo/Vadim Ghirda

L'AUR pourrait-elle faire partie d'un nouveau gouvernement de coalition ?

Selon Fernando Casal Bertoa, la question de savoir si l'AUR pourrait un jour faire partie d'un gouvernement de coalition avec le PSD dépendrait des résultats des élections. "Les libéraux pourraient vouloir gouverner avec le parti d'extrême droite, mais pas sous lui. Ils pourraient donc l'intégrer s'il dispose d'un plus grand soutien que l'AUR, mais pas l'inverse. C'est difficile à prévoir", poursuit-il.

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"Mais tout est possible", confie-t-il. "Nous avons constaté en Europe une tendance à la normalisation de l'extrême droite et de l'extrême gauche, et les élections aux Pays-Bas en sont un exemple clair".

"Je m'attendais à ce que l'AUR gagne un peu plus que lors des dernières élections", confie Claudiu Tufis. "Mais ils seront probablement dans une position qui ne leur permettra pas de former une coalition, les partis politiques soutiennent que l'AUR devrait être maintenue à distance", ajoute-t-il. 

"Il est probablement plus probable que les sociaux-démocrates et les libéraux poursuivent la même coalition que celle qu'ils ont formée ces dix dernières années", déclare-t-il.

Avec le niveau de soutien actuellement estimé dans les sondages, l'AUR pourrait revendiquer entre 8 et 11 eurodéputés, après les élections européennes de juin 2024. Le parti est alors susceptible de s'allier avec Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, au sujet duquel le président de l'AUR, George Simion, a déclaré qu'il s'agissait d'un "modèle politique pour nous".

Un pigeon est assis sur une statue à Timisoara, en Roumanie, le vendredi 6 octobre 2023
Un pigeon est assis sur une statue à Timisoara, en Roumanie, le vendredi 6 octobre 2023Andreea Alexandru/Copyright 2023 The AP. All rights reserved.

L'UE garde-t-elle un œil sur la Roumanie ?

Fernando Casal Bertoa pense que l'UE suit de près ce qui se passe en Roumanie, ainsi que dans d'autres pays comme l'Espagne et les Pays-Bas, "et ce qui est formidable, c'est que l'UE dispose de mécanismes lui permettant d'intervenir si ces partis d'extrême droite menacent la démocratie ou l'État de droit".

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"Le problème", ajoute-t-il, "c'est qu'elle n'a aucun moyen d'arrêter la montée de l'extrême droite".

Claudiu Tufis est d'accord, affirmant que même si l'AUR remporte une grande victoire aux élections européennes, "ils seront contrôlés au sein du Parlement européen".

Alina Mungiu-Pippidi pense que l'UE n'a aucune raison de s'inquiéter de l'AUR. "La Roumanie est bien contrôlée par une coalition gauche-droite solidement soutenue par ses services secrets et son establishment militaire beaucoup trop puissants", affirme-t-elle. 

"L'église peut flirter avec l'AUR, mais elle se range toujours du côté du pouvoir en place. L'AUR sera cooptée, comme tous les radicaux avant eux, avec des avantages gouvernementaux, bien qu'en attendant, elle puisse offrir quelques moments colorés au Parlement européen", ajoute-t-elle.

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