Après plusieurs jours de réflexion, le président français Emmanuel Macron s'est tourné vers un allié centriste de longue date dans l'espoir de soigner une Assemblée nationale fracturée.
Emmanuel Macron a nommé le centriste François Bayrou comme nouveau Premier ministre français vendredi, mettant fin à plusieurs jours d'impasse politique après un vote de défiance historique qui a évincé le gouvernement précédent le 4 décembre dernier.
François Bayrou, âgé de 73 ans, est une figure bien connue de la politique française depuis des décennies. Fondateur et dirigeant du Mouvement démocratique centriste (MoDem), il est aussi connu du public français pour avoir été ministre de l'Éducation de 1993 à 1997 au sein d'un gouvernement dirigé par Édouard Balladur, puis Alain Juppé.
François Bayrou a lui-même été candidat à l'élection présidentielle à trois reprises, en 2002, 2007 et 2012. Son meilleur résultat a été obtenu en 2007, où il est arrivé troisième avec près de 19 % des voix.
En 2017, il est devenu l'un des principaux soutiens publics d'Emmanuel Macron, mettant de côté sa propre candidature à la présidence pour peser de tout son poids sur le jeune candidat.
Des soucis avec la justice
À l'époque, il a été brièvement nommé garde des sceaux, mais a rapidement démissionné du gouvernement mi 2017. Il était en effet soupçonné d’avoir été le "décideur principal" d’un système ayant consisté, de 2005 à 2017, à capter des fonds européens pour rémunérer des assistants parlementaires qui en réalité travaillaient pour le MoDem en France.
Il a finalement été blanchi en première instance par un tribunal dans cette affaire, qui a reconnu huit autres responsables du parti coupables et a condamné le MoDem à une amende. Le parquet a cependant fait appel de cette décision en février. Aucune date pour le futur procès n'a pour l'heure été évoquée.
Allégeances politiques
La capacité de François Bayrou à construire des ponts sera probablement cruciale dans les jours à venir, car l'Assemblée nationale est divisée en trois blocs principaux depuis qu'Emmanuel Macron a convoqué des élections législatives anticipées en juin.
Le Nouveau Front populaire (NFP), alliance de partis de gauche, a remporté le plus grand nombre de sièges, mais n'a pas obtenu la majorité. L'alliance centriste du président français et le Rassemblement national (RN), constituent les deux autres blocs.
Emmanuel Macron espère probablement que l'expérience politique de François Bayrou et ses relations relativement bonnes avec les différents partis contribueront à sortir la France du chaos politique actuel.
Le nouveau Premier ministre est confronté à la tâche ardue de nommer un gouvernement qui travaillera avec l'Assemblée nationale pour se mettre d'accord sur un budget pour l'année à venir, après l'échec de la proposition du gouvernement de Michel Barnier.
Les réactions politiques
Le budget est un point de discorde majeur. Le président du RN, Jordan Bardella, a déclaré que son parti avait des "lignes rouges" sur un accord potentiel et que le nouveau Premier ministre devait être prêt à prendre en compte l'opinion de chaque groupe.
"La balle est dans le camp de François Bayrou", a déclaré Jordan Bardella, ajoutant que son parti adoptait pour l'instant une approche attentiste.
À gauche, plusieurs politiciens affirment que François Bayrou est trop proche d'Emmanuel Macron et que la poursuite des politiques de ce dernier ne respecte pas les résultats des dernières législatives.
Parmi les principales réactions à gauche, le PS a demandé à François Bayrou de renoncer au 49.3 en échange d’une non-censure et ont assuré qu’ils "ne participeront pas au gouvernement et demeureront dans l’opposition au Parlement ".
Même son de cloche du côté des Verts Marine Tondelier, leur leader, a déclaré que les écologistes seront attentifs, "à ce que le Premier ministre s’engage à ne pas utiliser le 49.3".
Manon Aubry, du parti d'extrême gauche La France Insoumise (LFI), a déclaré sur la radio Europe1 que François Bayrou était "l'incarnation même du macronisme".
Mathilde Panot, cheffe du groupe LFI a ajouté que son parti était prêt à voter une deuxième motion de censure contre le nouveau gouvernement.