L'ex-chirurgien pédocriminel Le Scouarnec condamné à 20 ans de réclusion, dont deux tiers de peine de sûreté pour avoir agressé sexuellement et violé 299 victimes.
299 victimes se sont succédé à la barre pour la plus grande affaire de pédocriminalité jamais jugée en France. À 74 ans, Joël Le Scouarnec était jugé pour plusieurs centaines d'agressions sexuelles et viols sur mineurs dans les hôpitaux où il exerçait.
L'ancien chirurgien a finalement été condamné à la peine maximale de 20 ans de réclusion. Cependant, il échappe à la rétention de sûreté, qui permet de placer dans un centre un criminel présentant un risque élevé de récidive après la fin de sa peine.
Une décision qui ne satisfait pas toutes les victimes. "J'ai du mal à comprendre pourquoi la mesure de rétention de sûreté a été invoquée pour Dominique Pelicot, mais pas dans le cas de Joël Le Scouarnec", tranche Gwendoline Tenier, avocate de l'une des victimes.
Selon elle, c'est une décision "moyennement satisfaisante". "La dangerosité de récidive n’a pas été prise en compte. Les expertises psychiatriques soulevaient de vraies interrogations sur la sécurité et sur le risque de récidive de Joël Le Scouarnec", pointe-t-elle encore.
Pour les victimes, vient désormais le temps de l'après. Les victimes "ont fait le plus dur dans ce qui est leur long chemin de réparation. J'espère que la société française prendra le relais", a assuré Gwendoline Tenier.
Maëlle Noir, militante pour l'association féministe #NousToutes, en doute. "Nous avons malheureusement très peu d'espoir que les institutions soient véritablement transformées puisqu'elles sont imprégnées de biais de la culture du viol", a assuré celle qui, avec le collectif, demande un budget annuel de minimum 2.6 milliards "ainsi que des politiques publiques de grande ampleur pour éradiquer les violences".
L'association #NousToutes a également dénoncé une couverture médiatique "extrêmement décevante et bien en deçà de l'ampleur des violences en cause". "C'est l'une des affaires de pédocriminalité la plus importante de notre histoire et ni les médias nationaux, ni la classe politique ni l'opinion publique ne s'en saisissent véritablement. Il y a 299 victimes dans ce procès et sans doute bien plus qui n'ont pas saisi la justice pour des raisons qui leur sont propres", a rappelé Maëlle Noir.
"Aucune mansuétude"
Désormais, Joël Le Scouarnec, qui a déjà passé huit ans derrière les barreaux, retrouvera sa cellule. Ce dernier a annoncé qu'il ne fera pas appel de sa condamnation, a indiqué Me Maxime Tessier, au sortir du tribunal.
Dans sa dernière prise de paroles, après la plaidoirie de ses avocats, l’accusé avait affirmé ne demander "aucune mansuétude", mais "simplement le droit […] de reconquérir cette part d’humanité qui m’a tellement fait défaut", comme le rapporte I’AFP.
Plus tôt, Le Scouarnec a reconnu l'intégralité des faits qui lui sont reprochés tout en assurant ne pas se souvenir individuellement des victimes. "Aveux" qualifiés d’"acte de réparation" par la défense, qui a également demandé à la cour de retenir ces éléments comme "favorables à l’accusé". Il a également endossé la responsabilité pour la mort de deux victimes, l'une par overdose, l'autre par suicide.
D'après l'enquête et les journaux intimes de l’ex-chirurgien, récupérés par les gendarmes, où des centaines de récits de viols et d’agressions sexuelles commis sur ses patients étaient consignés, ces abus ont duré 25 ans. L'âge moyen des victimes présumées n'était que de 11 ans, avec un nombre presque égal de garçons et de filles.
La plupart des anciens patients du chirurgien n'ont aucun souvenir des actes pédocriminels subis sous anesthésie, en salle d’opération, ou en salle de réveil, mais en gardent des séquelles, telles que des états dépressifs, de l'anxiété ou encore des phobies médicales.
"Faillite institutionnelle" pointée du doigt
Selon plusieurs victimes et des ONG de défense des droits, les autorités sanitaires et judiciaires sont en partie responsables. D'après Ici, anciennement France Bleu, un groupe de 50 victimes a adressé un courrier aux ministères de la Santé et de la Justice, ainsi qu'au Haut-Commissaire à l'Enfance, pour demander l'ouverture d'une commission interministérielle, suite au procès.
Deux plaintes ont été déposées contre X "pour mise en danger d’autrui" par deux associations qui s'étaient constituées parties civiles dans l’affaire.
L'association "La Voix De l’Enfant" dénonce le fait que Le Scouarnec n'ait fait l'objet d'aucune enquête de la part des autorités sanitaires, des institutions hospitalières ou différentes instances de l'Ordre des médecins, bien qu'il ait été condamné en 2005 à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour détention d’images à caractère pédopornographique.
Pour le prédateur en série, c’est un deuxième procès
L'ampleur des abus présumés de Joël Le Scouarnec n'a été révélée qu'en avril 2017, lorsque sa voisine de six ans a raconté à sa mère qu'il l'avait agressée sexuellement alors qu'elle jouait dans le jardin de sa maison, située dans la ville de Jonzac, dans le sud-ouest de la France.
Une descente de la gendarmerie à son domicile a permis de découvrir quelque 300 000 photos et vidéos à caractère pédopornographique ainsi que ses "carnets noirs".
Condamné en 2020, l'ancien chirurgien purge actuellement sa première peine de 15 ans de prison pour avoir agressé quatre enfants :
- deux de ses nièces,
- une jeune patiente de l'hôpital de Loches, en Indre-et-Loire,
- sa jeune voisine.
Le tabou des violences sexuelles
Le deuxième procès de Le Scouarnec intervient à un moment où des militants tentent de lever le tabou qui entoure depuis longtemps les cas de violence sexuelle en France.
Auparavant, l'affaire des viols de Gisèle Pelicot, organisés par son mari, a été largement médiatisée. Victime d'une soumission chimique, elle avait été violée par son ex-mari et des dizaines d'autres hommes qui ont été reconnus coupables et condamnés à des peines allant de trois à vingt ans de prison.
Plus récemment, le scandale de violences et d’abus sexuels à Notre-Dame-de-Bétharram a également connu un grand retentissement et a eu des répercussions politiques notables.
Le Premier ministre François Bayrou, soupçonné d'avoir fermé les yeux sur de nombreuses accusations de violences, qui avaient eu lieu dans la prestigieuse institution catholique des Pyrénées-Atlantiques, a dû s’expliquer avant une commission parlementaire qui devrait rendre ses conclusions à la fin du mois de juin.