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L'ancien chirurgien Joël Le Scouarnec jugé dans la plus grande affaire d'abus sexuels sur mineurs en France

Joël Le Scouarnec, aujourd'hui âgé de 74 ans, est accusé d'avoir violé ou abusé de 299 personnes, au palais de justice de Vannes, en France, le lundi 24 février 2025.
Joël Le Scouarnec, aujourd'hui âgé de 74 ans, est accusé d'avoir violé ou abusé de 299 personnes, au palais de justice de Vannes, en France, le lundi 24 février 2025. Tous droits réservés  AP Photo
Tous droits réservés AP Photo
Par Estelle Nilsson-Julien
Publié le
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Quelques mois après l'affaire Gisèle Pelicot qui a secoué la France, Joël Le Scouarnec est accusé d'avoir violé ou abusé de 299 victimes, pour la plupart de jeunes enfants à l'époque.

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Le plus grand procès de France pour abus sexuels sur mineurs s'est ouvert lundi en Bretagne : Joël Le Scouarnec, âgé de 74 ans, est accusé d'avoir violé ou abusé de 299 victimes.

L'ancien chirurgien est accusé d'avoir principalement ciblé des patients enfants, qui étaient âgés en moyenne de 11 ans au moment des abus présumés qui se sont étalés sur une période de 25 ans, de 1989 à 2014.

"J'ai commis des actes ignobles", a déclaré Joël Le Scouarnec à l'ouverture de son procès lundi. "Je suis parfaitement conscient que ces blessures sont indélébiles, irréparables".

L'une de ses victimes présumées, Annabelle (dont le prénom a été modifié pour des raisons de confidentialité), a été convoquée en 2019 par les enquêteurs de la police pour une audition qui allait changer sa vie.

"Elle a découvert que Joël Le Scouarnec l'avait violée quand elle avait 11 ans, alors qu'elle était soignée pour une appendicite à l'hôpital", a expliqué à Euronews Gwendoline Tenier, l'avocate d'Annabelle.

L'incident s'est produit en 2001 dans un hôpital breton où la mère d'Annabelle travaillait comme aide-soignante et où l'accusé exerçait depuis des années, selon l'avocate.

Joël Le Scouarnec risque 20 ans de prison

Le chirurgien à la retraite est accusé d'avoir déguisé les abus qu'il commettait en actes médicaux, en ciblant de jeunes patients.

De nombreuses victimes affirment n'avoir aucun souvenir des agressions, qui se seraient produites alors qu'ils étaient inconscients ou sous anesthésie générale.

"Au début, Annabelle n'a pas réalisé que les documents lus par la police parlaient d'elle, ni que le jargon juridique disait en réalité qu'elle avait été violée", précise Gwendoline Tenier.

Les viols et autres abus que Joël Le Scouarnec aurait commis sur 158 victimes masculines et 141 victimes féminines seront examinés au cours du procès.

L'ancien chirurgien risque jusqu'à 20 ans de prison s'il est reconnu coupable, une peine qui s'ajouterait aux 15 ans qu'il purge depuis qu'il a été reconnu coupable en 2020 de viol et d'agression sexuelle sur quatre enfants.

Parmi les victimes figuraient sa voisine âgée de six ans, une patiente de quatre ans et deux de ses propres nièces, qui n'avaient que quatre ans lorsque les abus ont commencé.

Une enquête longue de sept ans

Le procès, qui devrait durer quatre mois, est l'aboutissement d'une enquête longue de sept ans, qui a commencé lorsqu'une voisine de six ans a dit à ses parents que Joël Le Scouarnec l'avait touchée par-dessus la clôture qui séparait leurs propriétés.

La police a alors perquisitionné le domicile du chirurgien et a découvert son journal intime dans lequel il aurait méticuleusement répertorié les cas de viols et d'abus, ainsi que les noms des victimes. Dans l'un de ses carnets, il aurait écrit : "Je suis un pédophile et je le serai toujours".

Une collection de poupées, de dessins d'enfants nus et des disques durs contenant au moins 300 000 photos et vidéos d'abus sexuels sur des enfants ont également été découverts dans sa propriété, selon les documents d'enquête.

Le palais de justice de Vannes, dans l'ouest de la France, le lundi 24 février 2025
Le palais de justice de Vannes, dans l'ouest de la France, le lundi 24 février 2025 AP Photo

Joël Le Scouarnec avait été condamné en 2005 à quatre mois de prison avec sursis pour détention et importation de matériel pédopornographique. Cette condamnation avait été prononcée après que le FBI a informé les autorités françaises que sa carte de crédit avait été utilisée pour accéder à un site russe d'abus pédosexuels sur le "dark web".

Bien que l'un des collègues de Joël Le Scouarnec l'ait dénoncé à l'ordre des médecins français en 2006, aucune mesure n'a été prise par la suite. En 2008, il a été nommé praticien hospitalier à l'hôpital de Jonzac, en Charente-Maritime.

L'accusé se dit prêt à "faire face à la réalité"

Joël Le Scouarnec a déclaré lundi à la cour qu'il reconnaissait avoir commis des viols et des agressions sexuelles. Mais il prétend ne pas se souvenir de tout, et se considère comme non coupable de certains crimes.

Son avocat, Thibaut Kurzawa, a déclaré au journal français Sud-Ouest avant le procès que son client "répondrait aux questions des juges" car il avait décidé de "faire face à la réalité".

Ce procès intervient alors que des militants s'efforcent de lever les tabous qui ont longtemps entouré les abus sexuels en France, quelques mois après la fin de l'affaire des viols de Mazan. Dominique Pelicot et des dizaines d'autres hommes ont été condamnés en décembre à des peines allant de trois à vingt ans de prison pour avoir drogué et violé Gisèle Pelicot à plusieurs reprises.

De nombreux militants et avocats s'insurgent que Joël Le Scouanec ait pu abuser de ses victimes pendant plus de dix ans malgré sa condamnation antérieure et l'avertissement d'un de ses collègues à l'ordre des médecins.

Des manifestants tiennent une banderole avec le message : "Médecins, agresseurs, violeurs : Ordre des médecins complice" devant le palais de justice de Vannes, 24 février 2025
Des manifestants tiennent une banderole avec le message : "Médecins, agresseurs, violeurs : Ordre des médecins complice" devant le palais de justice de Vannes, 24 février 2025 AP Photo

"Son statut de chirurgien lui a permis de ne pas être remis en question", affirme Gwendoline Tenier, l'avocat d'Anabelle. "S'il n'avait pas eu ce travail, il n'aurait pas eu accès à toutes ses victimes, mais son entourage ne pouvait pas non plus ignorer ce qui se passait".

Inquiétudes sur l'aide aux victimes

Certains avocats ont également accusé France Victimes - le service français d'aide aux victimes qui travaille pour le compte du ministère de la Justice - de manquer à ses devoirs.

L'avocate Marie Grimaud, qui représente un collectif de 37 victimes, a déclaré à la radio française RLT que France Victimes avait "mal traité" ses clients.

Gwendoline Tenier porte une accusation similaire : "Ma cliente [Annabelle] n'a jamais été appelée par France Victimes après la brève audition de 30 minutes qu'elle a eue avec les enquêteurs".

"France Victimes doit être proactive en contactant les victimes. Ma cliente avait besoin de comprendre ce que signifiait le jargon juridique que les enquêteurs lui ont lu, mais aussi de savoir quelles mesures elle devait prendre après avoir reçu cette nouvelle choquante", a déclaré l'avocate à Euronews.

L'organisation a déclaré à Euronews qu'elle avait fait tout son possible pour aider les victimes présumées de Joël Le Scouarnec.

"Nous avons été proactifs mais nous sommes limités par des questions budgétaires, nous aidons 1,5 million de victimes chaque année en France, mais nous n'avons pas les moyens d'aider 5 millions de victimes", affirme le porte-parole du service, Jerôme Moreau.

La CIIVISE (Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants) indique que 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. Au total, 5,5 millions de victimes ont été abusées pendant leur enfance, le plus souvent au sein de leur famille ou de leur entourage proche, selon l'organisation.

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